RÉFUTATION D’UN ANTI-CATÉCHISME
D’aucuns pensent avoir déjà tout vu, tout lu, tout entendu en fait de délires post-Vatican II. Ils se trompent. C’est de Belgique que nous en vient une éclatante confirmation parmi d’autres. On la doit à monsieur l’abbé A. Vermeesch, aumônier du Cercle Royal des Anciens Élèves de l’Institut Sainte-Marie, à Bruxelles (Belgique). Ce prêtre est âgé, puisqu’on lit dans le bulletin de son institut qu’il a fêté le soixante-cinquième anniversaire de son ordination en 2005 (site du bulletin: http://www.cercleism.com/index.html). Il n’a donc pas l’excuse relative d’avoir sucé le lait amer du néo-modernisme post-Vatican II dès le séminaire ; il n’a pas non plus celle d’avoir été ordonné dans le rite très probablement invalide du franc-maçon Bugnini, que l’antipape Montini n’a pas manqué d’approuver, pas plus qu’il n’avait manqué d’approuver le calamiteux Novus Ordo Missae du même franc-maçon (aidé de six acolytes protestants). Animé uniquement par l’amour de la Vérité catholique et le souci du salut des âmes, y compris celle de l’abbé Vermeesch, nous allons commenter ici – point par point – les propos plus que surprenants du susdit. Nos remarques sont en gras et en retrait.
« En Occident, on relève déjà, au XIIe siècle, un climat de peur. Il touche toute la société et également l’Église, où il perdure pendant des siècles et où on le retrouve encore présent jusqu’à la moitié du XXe siècle. Bien des personnes l’auront encore connu.
« Dans le cadre, forcément restreint, de ce présent article, nous nous contenterons d’esquisser le phénomène. Ce sont surtout ses conséquences néfastes et pernicieuses pour l’Église qui doivent attirer notre attention. On peut cependant terminer sur une note d’espoir.
« L’Église » ? Laquelle ?... l’Église une, sainte, catholique, apostolique et romaine de toujours ? Ou bien sa contrefaçon, que le singe de Dieu a lancée comme un paquet de lessive il y aura bientôt cinquante ans et qu’on serait en droit d’appeler la secte gnostique conciliaire au vu de ses enseignements de plus en plus hérétiques, de ses fruits de plus en plus avariés ?
« I. Le phénomène
« 1° Peur de la mort et du jugement dernier
« Au début du XXe siècle, on n’en était plus, comme au XIVe et XVe siècles, aux danses macabres où les squelettes de rois, de pauvres et même d’évêques et de clercs, se tenant par la main, dansaient dans une ronde infernale. La grande peste qui décimait alors nos contrées y était pour quelque chose! Mais j’ai encore connu des prédicateurs de campagne brandissant, dans une église plongée dans la pénombre, le spectre de la mort et détaillant, avec un réalisme qui nous remplissait d’effroi, les affres de l’agonie et l’horreur de la décomposition du corps. Il n’y a pas si longtemps – c’était encore avec mes élèves lors d’une retraite –, un prédicateur nous enjoignait, une fois de retour dans nos chambres, de nous allonger sur le plancher et de nous représenter que nous vivions notre dernière heure ! Les siècles qui nous précèdent fourmillent d’exemples de prédications sur la mort. Certaines allaient même jusqu’à faire parler un crâne du haut de la chaire de vérité !
La « religion de l’amour » a pour obsession principale de fuir les sujets tristes, les sujets qui fâchent, les sujets pas cool. La mort, entre autres. C’est moche, la mort, ça sent mauvais, la mort, c’est nul, la mort. En plus, c’est injuste, la mort, na ! Ce n’est pas pour rien que l’Église conciliaire a… enterré la Messe de Requiem (en même temps que la Messe tout court) et qu'elle autorise à peu près n’importe quoi en guise de cérémonies de funérailles. Ces cérémonies n’ont, en fait, plus rien de catholique : on y entend des rengaines creuses et lénifiantes chevrotées sans conviction ; on y voit exposé le portrait du défunt, seul « héros de la fête », Dieu étant relégué à un lointain arrière-plan ; on y subit la « prise de parole » larmoyante, mais optimiste des membres de la famille : « On t’aimait bien, Mamie/Papi !... Qu’est-ce tu vas nous manquer ! Mais maintenant, nous savons heureusement que tu es dans la lumière, gnagnagna…». Idem lorsque le défunt était un pécheur public et que ce qui importerait avant tout, ce serait d’implorer pour lui l’indulgence divine avec une humble ferveur. Mais « Dieu n’est-il pas qu’amour ? »... Et pendant ce temps-là, que fait le druide chargé de présider la séance ? Pareil qu’à la « messe » : il reste assis dans son coin en attendant que ça passe, c’est-à-dire que les laïcs soient censés avoir fait son travail. En outre, les défunts sont généralement enterrés comme des chiens, car le « curé » du lieu refuse de se déplacer et délègue une « équipe laïque d’accompagnement des familles » [sic]. Donc, circulez ! Pas de messe et pas d’ultime bénédiction sur la tombe ! Une dame de notre connaissance ayant demandé à un « curé » de célébrer les obsèques de son mari, elle s’entendit répondre au téléphone : « On manque de prêtres. Si vous en vouliez davantage, vous les femmes, vous n’aviez qu’à en faire [des enfants] ! »… C’est la Religion de l’Amour, on vous dit !…
« Il y avait aussi le jugement dernier déjà représenté sur le tympan des églises au XIIe siècle. De cette époque date le Dies irae, le jour de la colère de Dieu, où les damnés ressuscitaient, comme nous l’apprenait notre catéchisme, avec des corps lourds et pesants, destinés aux flammes éternelles.
L’abbé Vermeesch (esprit fort, quoique redoutant la mort) n’a pas peur du Jugement dernier ni, sans doute, du Jugement individuel, se moque de ceux qui les craignent et conseille à ses ouailles de ne pas s’en soucier. Il s’éloigne en cela « de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail », de ce que nous enseignent l’esprit et la lettre des Saintes Écritures. L’Ancien Testament soulignait déjà : « La crainte de Dieu est le commencement de son amour » (Eccl. XXV 16). Quant à saint Paul, il écrit dans la deuxième épître aux Philippiens : « travaillez à votre salut avec crainte et tremblement ») ; et dans l’épître aux Hébreux, il nous dit : « Car si nous pêchons volontairement après avoir reçu la connaissance de la vérité, il ne reste plus de sacrifice pour les péchés ; il n’y a plus qu’à attendre un jugement terrible et le feu jaloux qui dévorera les rebelles. Celui qui a violé la loi de Moïse meurt sans miséricorde, sur la déposition de deux ou trois témoins ; de quel châtiment plus sévère pensez-vous que sera jugé digne celui qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu, qui aura tenu pour profane le sang de l’alliance par lequel il avait été sanctifié, et qui aura outragé l’Esprit de la grâce ? Car nous le connaissons, celui qui a dit : “À moi la vengeance !” Et encore : “Le Seigneur jugera son peuple.” Il est effroyable de tomber entre les mains du Dieu vivant ! » [C’est nous qui soulignons]
Peut-on être plus clair que l’apôtre des gentils ? Mais il est vrai que les néo-modernistes vaticandeux sont passés maîtres dans l’art de placer la lumière sous le boisseau en l’enrobant d’interprétations sophistiques et entortillées, leur mot d’ordre étant de compliquer ce qui est simple à seule fin de le rendre inintelligible.
« 2° La peur du péché
« La peur de la mort et du jugement dernier entraîne inévitablement la peur du péché qui conduit au châtiment. C’est Hamlet dans Shakespeare qui attend que son ennemi, son oncle Fengo, l’usurpateur de la couronne, soit en état de péché mortel pour l’assassiner.
Qu’est-ce que le « doux prince » du royaume de Danemark vient faire dans cette galère ? L’auteur déploie ici un grossier écran de fumée consistant à agiter le péché mortel d’Hamlet (car on se damne soi-même en provoquant volontairement la damnation d’un homme) pour flétrir la peur du péché et du châtiment. C’est tortueux et tout bonnement anti-pastoral. De même que la crainte du gendarme est le commencement de la sagesse, celle du péché est le commencement de la sainteté. En outre, l’auteur confond la crainte servile et la crainte révérencielle ; mais sait-il seulement ce qu’est cette dernière ?
« Tous les hommes ont péché en Adam et on en rend chaque homme personnellement responsable. On naît dans le péché et on mérite l’enfer. Dès lors, il faut baptiser l’enfant au plus tôt et même dans le ventre de la mère, s’il y a un danger pour sa vie. Avec un curieux illogisme, on qualifie cependant de ‘saints’ les Saints Innocents qui n’ont pas reçu le baptême, mais qui ont eu le malheur ou plutôt le bonheur d’être tués à la place de l’enfant Jésus. On hésite cependant à condamner à l’enfer les enfants morts sans baptême. Un lieu plus favorable leur est destiné, ce sont les limbes.
On est ici en présence de sarcasmes voltairiens. L’auteur fait carrément litière du récit évangélique en tentant de ridiculiser pêle-mêle les notions de péché originel, d’enfer, de baptême immédiat en cas de danger pour la vie de l’enfant. Il brocarde la sainteté des Saints Innocents en ironisant sur le « bonheur » qu’ils ont eu d’être tués à la place de Jésus. Et pour couronner le tout, il se moque des limbes, fidèle en cela aux enseignements actuels du néo-Vatican. Tout autre commentaire est superflu.
« Avec le IVe Concile du Latran, en 1215, naît une vague de culpabilisme.
Voici donc la très recommandable componction déguisée en « culpabilisme », comme Jésus revêtu par Hérode de la robe blanche des fous. C’est pour le moins piquant de la part de quelqu’un dont la hiérarchie ne cesse de battre sa coulpe sur la poitrine des vrais et saints papes de jadis ou de naguère, et d’accumuler les prosternations repentancières devant les femmes, les Juifs, les mahométans, les francs-maçons, les Bogomiles, les sodomites, les hérétiques de toutes farines, les fox à poil dur, etc. etc. etc. ! Ces grimaces d’attrition tous azimuts sont destinées à affaiblir l’Église, assurément, mais aussi à gommer dans la conscience des catholiques la notion gênante de contrition individuelle – seule valable aux yeux de Dieu –, ce qui ne peut que précipiter un grand nombre d’âmes en enfer.
« Il ordonne, dans son XXIVe canon, de confesser les péchés graves une fois par an. Des dizaines de Manuels de confession, des Pénitentiels, voient le jour. Aux dix commandements de Dieu, on ajoute les péchés capitaux, sources de tout mal. Après des hésitations, on fixe leur nombre à sept, comme on a les sept dons du Saint-Esprit, les sept sacrements. Ils sont, d’après saint Thomas, la vaine gloire, l’envie, la colère, l’avarice, la tristesse, la gourmandise et la luxure. On chercherait en vain une parenté entre cette liste et la doctrine évangélique.
Disons plutôt qu’on chercherait en vain une parenté entre la doctrine évangélique et cette rafale de contrevérités systématiques. Dans son souci humaniste de déculpabiliser à tout prix le pécheur qu’est chacun de nous, l’auteur fait bon marché de l’infinie gravité du péché, de tout péché, qui a conduit notre Sauveur au Golgotha, en passant par l’inimaginable torture morale de Gethsemani. « Son » Christ ressemble davantage à une sorte de hippie New Age tout environné d’arcs-en-ciel qu’à la Victime expiatoire du Calvaire. Il est vrai que l’Église conciliaire – dans sa phobie pathologique de la mort – préfère aller tout de suite à la Résurrection sans passer par la Croix, ce que démontre bien son invention pure et simple du « Mystère pascal » ; ses membres ont du reste majoritairement accueilli le film de Mel Gibson La Passion du Christ avec une fraîcheur, voire une haine comparable à celle de nombreux antichrétiens déclarés, ce qui est des plus révélateur.
« La luxure, le péché de la chair, bien que située en dernière place, est le pire des péchés. Un pénitencier anonyme de 1490 déclare qu’elle est plus détestable que l’homicide.
Par ce persiflage, il fait mine d’oublier que les saints de tous les temps (nous parlons ici des saints authentiques, pas de « sainte » mère Teresa, ni de « saint » Escrivá de Balaguer, ni du « bienheureux » Jean XXIII, entre autres « saints » post-vaticandeux), ainsi que toutes les révélations privées, ont dit et redit que l’impureté était LE péché qui jetait le plus d’âmes en enfer, talonné en cela par l’orgueil. Mais on n’est plus censé s’étonner de rien lorsqu’on a entendu un druide conciliaire et hautement médiatisé – le père Alain de la Morandais – déclarer à la télévision qu’il avait « de très grands amis homosexuels parmi le clergé et que ça n'est pas très grave », qu’il connaissait un ancien chef scout homosexuel à qui il avait conseillé d’entrer dans les ordres, parce que « voyez-vous, la vie monastique est tout à fait indiquée pour cette orientation sexuelle », que « l'onanisme, ce n'est pas bien grave » et que « si les prêtres se mariaient et avaient dans les séminaires une éducation sexuelle, on aurait moins de problèmes ».
Saint Alphonse de Liguori écrit ceci dans son IVe discours (« Des quatre principales portes de l’enfer ») : « De tous les vices, ceux qui font tomber aux enfers le plus d’âmes, sans parler des punitions temporelles qu’ils attirent, sont au nombre de quatre : la haine, le blasphème, le vol et l’impureté. Voilà les quatre principales portes par lesquelles on entre aux enfers… »
Plus loin, il écrit encore : « Nous arrivons enfin à la quatrième porte de l’enfer, celle par laquelle entre le plus grand nombre des damnés : l’impureté. L’impureté, dit-on, n’est pas un péché bien grave. Comment ? Il n’est pas bien grave ! N’est-ce donc pas un péché mortel ? Ce péché est si révoltant, dit saint Antonin, que les démons eux-mêmes ne peuvent le supporter. Il y a même des docteurs qui soutiennent que certains démons qui ont été d’un rang supérieur aux autres, se rappelant leur ancienne noblesse, dédaignaient de tenter l’homme par ce péché ; figurez-vous donc combien d’horreur et de dégoût devra inspirer au Seigneur celui qui tel qu’un chien effronté, ou tel qu’un animal immonde se vautrera dans la fange de ce vice détestable : Canis reversus ad suum vomitum, et sus lota in volutabro luti. (II. Petr. ii. 22.) Mais les impudiques prétendent que Dieu aura compassion de ceux qui se livrent à ce péché, parce qu’ils sont de chair et par conséquent fragiles. Quel langage est-ce cela ? Ignorez-vous que les plus terribles châtiments que Dieu a infligés aux hommes ont toujours été la peine de ce péché ? C’est l’écriture sainte qui nous le dit, si Dieu a quelquefois montré du repentir d’avoir créé l’homme, dit saint Jérôme, c’est parce que l’homme s’est rendu coupable de ce péché hideux… »
Ah oui, seulement, voilà : saint Alphonse de Liguori (le pauvre homme !) n’a pas connu la « libération sexuelle » de mai 68, alors que les druides de la secte, eux, s’y sont ralliés en masse pour ne pas se couper du monde et – mieux encore – pour se réconcilier avec lui dans l’espoir (feint ou sincère) de le rallier à eux… Mais de même que les « prêtres ouvriers » étaient tous devenus communistes sans faire un seul catholique parmi les sectateurs de Marx et Lénine, les « nouveaux prêtres » sont tous devenus apostats sans avoir fait un seul catholique parmi les mécréants, et certains sont même allés jusqu’à se vautrer dans la débauche même qu’ils avaient pour mission de combattre.
« C’est un relent du platonisme et du néo-platonisme, pour lesquels la chair est fondamentalement mauvaise et retient l’âme prisonnière.
L’auteur aurait été bien inspiré de laisser à Platon ce qui est à Platon et de ne pas se donner le ridicule d’attribuer à l’Église la tentation d’adhérer à une théorie aussi échevelée, qui n’a jamais été soutenue que par les cathares… vous savez bien : ces autres malheureuses victimes de l’intolérance ecclésiale ! En réalité, il n’est pas de religion plus spirituellement charnelle (faux oxymore) que la religion catholique, ce que l’Incarnation et l’Eucharistie suffisent à prouver
« Cela explique peut-être le courant qui porte à l’angélisme depuis le IVe siècle et qui se renforce au XIIe. D’après J. Delumeau, le monachisme, qui se développe alors avec la fuite du monde et le célibat, y serait pour quelque chose.
L’auteur réserve ici ses sarcasmes à la pureté en l’appelant « angélisme », mot éminemment péjoratif. Au passage, il fustige le monachisme en raillant ce qui – selon lui – caractériserait ce mouvement : la « fuite du monde ». Aux oubliettes, l’adoration de Dieu au nom du monde, la prière pour le monde, la satisfaction pour les péchés du monde ! Quant au célibat des moines et des moniales, quelle invention de culs-bénits, n’est-ce pas ? De quoi excuser amplement l’onanisme… ou plus si affinités !
« 3° La multiplication du péché
« Les péchés vont en se multipliant. Dans un pénitentiel allemand publié en 1491, les péchés capitaux se ramifient en 87 branches donnant naissance à 261 rameaux et 783 possibilités de pécher. Il y a bien une distinction entre le péché véniel, qui est léger, et le péché mortel, qui mérite la damnation. Mais où situer la barre entre ce qui est léger et ce qui est grave ? On ergote au grand plaisir des moralistes et des casuistes. De plus, il est admis, avec saint Thomas, que l’accumulation des fautes vénielles peut devenir mortelle. C’est la banalisation du péché grave que l’on brandit à tout propos. Manger de la viande le vendredi était considéré comme mortel !
Mais par la grâce du Grand Architecte de l’Univers, et pour hâter l’avènement de son Antéchrist, nous autres gnostiques conciliaires avons changé tout cela. Nous avons beaucoup simplifié la vie de nos fidèles en supprimant tous les péchés, à commencer par le concept même de péché. D’où l’abolition logique de l’enfer, du purgatoire et des limbes, devenus superflus (et de plus en plus chers à chauffer, vu la constante augmentation des prix du mazout). « Nous irons tous au paradis ! », tel est le texte subliminal que diffusent Urbi et OrbiUr les niaises chansonnettes bêlées par les manécanteries de l’Église conciliaire.
Restons sérieux, et référons-nous à la plus haute autorité théologique : saint Thomas d’Aquin, qui est la bête noire des néo-modernistes, et pour cause ! Ils ne le citent qu’après l’avoir lu de travers (comme saint Augustin, du reste). En effet, l’abbé Vermeesch écrit : « De plus, il est admis, avec saint Thomas, que l’accumulation des fautes vénielles peut devenir mortelle ». [c’est nous qui soulignons] Or, dans la Somme théologique, Pars 2, question 88, on peut lire ceci :
« Article 4 : Le péché véniel peut-il devenir mortel ?
Objections : Il semble bien. S. Augustin commentant S. Jean : “Celui qui refuse de croire au Fils ne verra pas la vie”, déclare: “Les péchés moindres (ou véniels) si on les néglige, en viennent à tuer.” Mais on appelle péché mortel celui qui tue l’âme spirituellement. Donc le péché véniel peut devenir mortel.
2. Le mouvement de sensualité qui précède le consentement de la raison est péché véniel ; mais celui qui suit ce consentement est péché mortel, on l’a dit. Donc un péché véniel peut devenir mortel.
3. Péché véniel et péché mortel diffèrent comme maladie curable et maladie incurable, nous l’avons dit. Or une maladie curable peut devenir incurable. Donc le péché véniel peut devenir mortel.
4. Une disposition peut se transformer en habitus. Or le péché véniel est une disposition au péché mortel, on vient de le dire. Il peut donc se transformer en péché mortel.
En sens contraire, des choses qui diffèrent à l’infini ne sauraient être transformées l’une en l’autre. Or tel est, d’après ce que nous avons dit, le cas du péché mortel et du péché véniel. Donc le péché véniel ne peut pas devenir mortel.
Réponse : Que le péché véniel devienne mortel, cela peut s’entendre de trois manières. 1° Dans ce sens qu’un acte numériquement identique serait d’abord péché véniel et ensuite mortel. Cela n’est pas possible, parce que le péché, comme tout acte moral, consiste principalement dans un acte de la volonté ; ce qui fait que si la volonté change, on ne peut plus dire qu’il y a moralement un seul acte, bien que l’action dans son être naturel soit continue ; et, si la volonté ne change pas, il n’est pas possible de passer du péché véniel au péché mortel. 2° On peut vouloir dire que ce qui est véniel en son genre devient mortel. La chose est possible lorsque l’on met sa fin dans le péché véniel, ou qu’on le rapporte à un péché mortel comme à une fin, nous l’avons dit. 3° On peut vouloir dire que beaucoup de péchés véniels font un péché mortel. Si l’on entend par là qu’avec de nombreux péchés véniels on pourrait constituer un seul péché mortel dans son entier, c’est faux. [C’est nous qui soulignons]
Car tous les péchés véniels du monde ne peuvent être passibles de peine autant qu’un seul péché mortel. Quant à la durée, c’est évident, puisque le péché mortel est passible d’une peine éternelle, et le péché véniel d’une peine temporelle. Quant à la peine du dam, c’est évident aussi, puisque le péché mortel encourt la privation de la vision divine, à quoi nul autre châtiment ne peut être comparé, dit S. Jean Chrysostome. Quant à la peine du sens, c’est évident aussi en ce qui concerne le ver rongeur de la conscience, bien que pour la peine du feu les châtiments ne soient peut-être pas sans proportion. Mais, si l’on veut dire que la multiplication des péchés véniels prédispose à un péché mortel, alors c’est vrai, comme nous l’avons montré dans les deux sens où le péché véniel dispose au péché mortel.
Solutions : 1. S. Augustin parle en ce sens que la multiplication des péchés véniels prédispose au péché mortel.
2. Le même mouvement de sensualité qui a devancé le consentement de la raison ne deviendra jamais un péché mortel. Il y faut l’acte de la raison consentante.
3. La maladie corporelle n’est pas un acte mais une disposition permanente ; aussi, tout en demeurant la même, elle peut changer. Tandis que le péché véniel est un acte qui passe et ne peut être repris. A cet égard il n’y a donc pas de ressemblance.
4. La disposition qui devient un habitus est comme une chose inachevée qui s’achève dans la même espèce; ainsi, une science imparfaite, lorsqu’elle arrive à se parfaire, devient un habitus. Mais le péché véniel est une disposition d’un autre genre; elle aboutit au péché mortel comme un accident aboutit à une forme substantielle, sans jamais se transformer en elle. »
« Si on en croit saint Augustin, le péché mortel comporte une aversio a Deo, un rejet lucide de Dieu. Or comment peut-on s’imaginer, surtout dans les péchés de la chair qui sont particulièrement visés, qu’il y ait toujours une aversion de Dieu, même dans des fautes graves, où jouent très souvent la surprise, la curiosité, la fragilité et l’égarement momentané ?
Pauvre évêque d’Hippone ! Décidément, l’abbé Vermeesch en veut à sa mémoire pour lui faire dire ainsi ce qu’il n’a pas dit ! Déjà, l’emploi de l’adjectif « lucide » nous semble douteux ; l’adjectif « explicite » conviendrait davantage. Mais pour mieux réfuter cette accusation aussi gratuite que filandreuse, entrons dans le vif du sujet.
Premier plan d’argumentation :
- D’abord, il faut se demander, en bonne logique, si l’aversio a Deo est bien une condition nécessaire pour qu’il y ait péché mortel ou si elle n’est pas plutôt une condition suffisante ; en effet, s’il y a aversio a Deo, le péché est automatiquement mortel, mais l’inverse n’est pas vrai, car un péché peut fort bien être mortel en l’absence d’une telle disposition d’esprit. L’expression aversio a Deo semble donc très mal définie, et le problème devrait pouvoir se résoudre avec l’emploi des adjectifs de sens contraires explicite et implicite.
- Ensuite, il est clair que lorsqu’on parle d’aversio a Deo, on ne parle pas d’aversion explicite ; raisonnons par l’absurde : si l’aversio a Deo devait être explicite pour qu’il y ait péché mortel, alors les seuls péchés mortels seraient les sacrilèges volontaires : messes noires, actes de satanisme, etc. Or, il est patent que dans les péchés contre la pureté, le meurtre, le viol, le vol, etc., l’intention du pécheur est tout bonnement de satisfaire sa passion, non d’offenser Dieu. Cependant, saint Thomas d’Aquin et toute la tradition scolastique (on entend d’ici les glapissements d’orfraie des néo-modernistes pour qui l’Aquinate et son école ne sont que des vieilles lunes !) soulignent bien le caractère de péché mortel d’un meurtre commis volontairement (sauf en cas de guerre) ou d’un péché d’impureté.
- Enfin, il faut donc – toujours en bonne logique – entendre par aversio a Deo une aversion implicite vis-à-vis de Dieu. En effet, il est répété dans la Bible : « Aimer Dieu consiste à observer Ses commandements » ; or, il va de soi que la contraposée de cette phrase est : « Si l’on ne garde pas les commandements de Dieu, alors on ne L’aime pas ». En conséquence, violer un commandement en toute connaissance de cause est bien implicitement une aversio a Deo.
Second plan d’argumentation :
Saint Thomas d’Aquin (pardon, les Congar, les de Lubac, les Schillebeeck, les Küng, les Rahner et autres lumières noires de Vatican II !) rappelle que les trois conditions pour qu’il y ait péché mortel sont la gravité de la matière, le plein consentement et la pleine advertance. La question 77, articles 6, 7 et 8 de la deuxième partie de la Somme théologique cite saint Augustin dans les termes suivants : « En sens contraire, cette passion qu’est la convoitise de la chair, on l’appelle la tentation de la chair. Or lorsqu’on est terrassé par une tentation plus forte, on pèche d’autant moins, selon S. Augustin. Donc la passion diminue le péché […] Car tout ce qui rend l’acte involontaire excuse entièrement du péché. Ainsi fait la convoitise de la chair, qui est une passion, selon S. Paul (Ga 5, 17). »
Et saint Thomas donne la réponse à l’article 8 : « Donc, s’il peut arriver que l’inclination de l’âme à un acte contraire à la fin ultime ne soit pas péché mortel, c’est uniquement parce que la raison délibérante ne peut pas intervenir, ce qui arrive avec des mouvements subits. Mais lorsqu’un individu en vient par passion à l’acte du péché ou au consentement délibéré, ce ne peut être subitement. Aussi la raison délibérante a-t-elle la possibilité d’intervenir : elle peut en effet, comme nous l’avons dit, exclure ou du moins entraver la passion. Si elle n’intervient pas, il y a péché mortel ; nous voyons que beaucoup d’homicides et beaucoup d’adultères sont commis par passion. »
Voici une autre remarque intéressante, qui se trouve dans les solutions : « 2. La passion cause dans le péché la conversion aux biens périssables. Or ce qui le rend mortel, c’est son aversion ; et celle-ci résulte par accident de la conversion, nous l’avons dit. Aussi l’objection ne porte pas. 3. La raison n’est pas toujours complètement empêchée dans son acte par la passion. Il lui reste donc assez de libre arbitre pour pouvoir se détourner de Dieu, ou se tourner vers lui. Si cependant l’usage de la raison se trouvait entièrement aboli, il n’y aurait plus alors de péché, ni mortel ni véniel. »
Notons que saint Thomas définit l’aversion comme un « accident de la conversion », ce qui confirme bien la distinction entre implicite et explicite.
Conclusion générale : toute « conversion » volontaire à un « bien » illicite dans une matière grave est implicitement une aversio a Deo et constitue donc un péché mortel. L’impureté est une matière grave, celui qui la commet pèche avec son plein consentement, et à moins d’être mentalement arriéré, il sait que Dieu défend l’impureté. En conséquence, tout péché d’impureté est bien une aversio a Deo.
« 4° La confession
« La confession tombe également sous la peur. S’il est un sacrement qui a connu des avatars nombreux, c’est bien la confession. Dès le XIIIe siècle, c’est l’aveu des fautes et leur expiation qui comptent. De conversion, on ne parle pas. Il n’est pas requis d’avoir une contrition parfaite pour recevoir l’absolution, mais bien l’aveu complet et détaillé des fautes, et cela sous peine d’un nouveau péché. Gare à la confession sacrilège, où on omet certaines fautes délicates, ou si on passe au-dessus de certains détails aggravants! La peur, toujours la peur ! La confession devient un véritable calvaire qui revient chaque année. On s’y prépare pendant des semaines et on recule autant que possible la date du grand déballage. Aussi quelle honte pour le confesseur qui doit entendre en rougissant des énormités. La peur de la confession sacrilège engendre le scrupule et peut dégénérer en névrose. Même des saints connaissent une agonie douloureuse à cause de la peur.
Le sacrement de confession, les néo-modernistes – quand ils le tolèrent encore – ne l’appellent plus que « réconciliation »… Avec qui ? Pas moins que Dieu ! Comme si nous avions eu avec Dieu un différend sans importance à régler à l’amiable, entre égaux, entre potes… Dans ce paragraphe, l’auteur embrouille de son mieux le lecteur en essayant de ridiculiser la confession, y compris la confession pascale. Comme si l’Église avait abusé de son pouvoir en imposant méchamment aux fidèles cette corvée annuelle superflue et en poussant le sadisme jusqu’à établir qu’il peut y avoir des confessions sacrilèges ! Et de plaindre, dans la foulée, le pauvre confesseur (réconciliateur ?) d’avoir à connaître de honteux péchés ayant trait – sans doute – aux sixième et neuvième commandements ! Résultat : les ouailles de l’abbé Vermeesch ne manqueront pas, désormais, de cacher volontairement ces péchés en confession, ce qui – pour le coup – sera vraiment sacrilège ! On l’aura compris, pour l’auteur, le confessionnal est l’ersatz du divan, sur lequel on ferait mieux d’aller s’étendre afin d’exorciser ses névroses ! Ce point de vue est aussi nauséeux qu’il est de rigueur dans l’Église conciliaire. Lorsqu’on songe à la sainteté, à la bonté et à la sévérité d’immenses confesseurs comme le Curé d’Ars ou le Père Pio, qui savaient parfaitement – eux – ce qu’une bonne confession peut faire de bien à une âme, on ne peut que plaindre l’abbé Vermeesch d’être un si piètre pasteur et ses fidèles de le suivre.
« 5° L’expiation
« L’aveu ne suffit pas, il faut encore expier le péché. C’est dans la chair qu’il faut vaincre le mal. Au siècle dernier et au début du XXe siècle, on n’en était plus aux processions de flagellants comme au début de la Renaissance, mais il fallait encore dompter sa chair, origine du péché, par le jeûne, les mortifications, les sacrifices, les privations qui, la plupart du temps, ne débouchaient même pas sur l’amour du prochain. À leur propos, on pourrait s’interroger, avec Isaïe: “Est-ce bien là le jeûne qui me plaît?”, dit le Seigneur. “Quel est le jeûne qui me plaît? N’est-ce pas faire tomber les chaînes injustes, ... rendre la liberté aux opprimés... N’est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim, recueillir chez toi le malheureux sans abri, couvrir celui que tu verras sans vêtements, ne pas te dérober à ton semblable?”
L’abbé Vermeesch crée délibérément une confusion en forme de nouvel écran de fumée entre la pénitence personnelle et les œuvres de charité extérieure. Lorsque les petits bergers de Fatima ont avoué à la très sainte Vierge qu’ils avaient eu tout seuls l’idée de se livrer à des mortifications physiques, notamment celle consistant à se nouer, sous leurs vêtements, une corde rugueuse autour de la taille, celle-ci ne leur a pas donné tort, mais – compte tenu de leur innocence et de leur jeune âge – leur a simplement ordonné de s’en dispenser pendant la nuit, signifiant par là que leur sacrifice quotidien était accepté, fût-ce moyennant cette limitation. Mais l’hédonisme flamboyant de Vatican II ne peut évidemment approuver une telle attitude, lui qui va jusqu’à pardonner, voire approuver des actes d’impureté. Ajoutons que si Francisco et Jacinta avaient adopté spontanément cette pratique, c’était, l’un par amour de « Jésus hostie », l’autre pour empêcher tant d’âmes de tomber en enfer. On est là, justement, au cœur de la profonde identité qui existe entre la mortification personnelle et la charité envers Dieu et nos frères. Le saint curé d’Ars, lui, parlait même de « venger Dieu sur notre propre corps »… Mais il est vrai qu’un des confrères néo-modernistes de l’abbé Vermeesch a un jour déclaré que si le curé d’Ars « s’imaginait » persécuté par le démon à cause de ses macérations, c’était parce qu’il buvait des coups de trop…
« II. Les conséquences
« 1° Un déplacement des valeurs
« Comme le fait remarquer le prophète Isaïe, c’est l’amour qui plaît à Dieu et non la poursuite d’un angélisme surhumain. Au soir de la vie, nous serons jugés sur l’amour. Lors du jugement dernier, écrit saint Mathieu, le maître séparera les chèvres des brebis et il dira aux élus: “Venez, les bénis de mon Père, car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire; j’étais un étranger et vous m’avez recueilli; nu et vous m’avez vêtu; malade et vous m’avez visité. En vérité, je vous le dis, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’aurez fait.” Ce que le Seigneur nous enseigne, c’est que le salut se trouve dans le dynamisme de l’amour et non principalement dans la peur négative des interdits ou d’une loi tatillonne comme celle des Pharisiens.
En soixante-cinq ans de sacerdoce, à qui l’abbé Vermeesch aura-t-il donné à manger le pain et boire l’eau de la Vérité ? Quel étranger à la seule vraie Religion aura-t-il recueilli dans la douce intimité salvatrice de celle-ci ? De quel vêtement aura-t-il couvert ceux qui grelottent sous la morsure glaciale de l’erreur luciférienne ? Quels malades du cœur et de l’esprit aura-t-il visités ? Quelle sorte de bien aura-t-il fait à tous ces petits qui ont été conçus, sont nés, ont grandi et vont peut-être mourir dans le vide abyssal de l’ignorance ou du rejet de Dieu et de Son Église ? Quelle signification aura-t-il donnée au mot amour, si ce n’est celle – amenuisée, déformée, désacralisée – que lui donne l’Église conciliaire, qui n’est autre que le marchepied de l’Antéchrist ? Quel respect positif de la loi et des interdits divins, donc absolus, aura-t-il insufflé dans les âmes qui lui ont été confiées ET DONT IL SERA COMPTABLE DEVANT NOTRE JUGE SUPRÊME ?…
« 2° Une confusion
« Une confusion, car la peur a fait de la religion une morale de pureté individuelle sanctionnée par le châtiment alors que l’évangile, la bonne nouvelle, est l’annonce de la rédemption gratuite par la croix pour tous les hommes de bonne volonté. Le christianisme n’a rien à voir avec les morales antiques comme le stoïcisme ou l’épicurisme. Il n’y a d’ailleurs que deux commandements fondamentaux qui n’en forment qu’un seul: l’amour de Dieu et du prochain. La confusion est telle que la religion du Christ, qui est une promesse de salut dans la foi et l’amour, s’est transformée par la peur en morale. Ainsi, encore au siècle dernier, même les incroyants envoyaient leurs fils chez les bons Pères et leurs filles chez les bonnes Sœurs pour qu’ils aient un peu de moralité. Faut-il aller si loin ? Aujourd’hui encore, dans l’enseignement, ne met-on pas administrativement sur le même pied le cours de religion et le cours de morale sans voir qu’il y a un monde de différence entre les deux ?
Prétendre séparer la morale de la religion, telle est une des grandes théories des néo-modernistes, suprêmement soucieux de ne pas passer pour « ringards » ou « culs serrés » aux yeux de ce monde prostitué à son prince au point de devenir chaque jour un peu plus une gigantesque Sodome. Les vrais hommes de bonne volonté respectent d’un cœur joyeux – et à juste titre – la morale prescrite par la religion et honnie par l’abbé Vermeesch. Quant à l’amour de Dieu et du prochain, il passe aussi par la pureté individuelle tant détestée de notre auteur, ce dont offrent une sinistre illustration a contrario les pédophiles hétérosexuels ou homosexuels – dont un nombre impressionnant de druides conciliaires, notamment américains : cela mérite d’être souligné en passant. Tenter d’accréditer l’existence d’on ne sait quelle césure entre la religion et la morale, c’est approuver les laïcards férocement anticatholiques qui ont réussi à chasser Dieu et Sa morale de l’école et de toutes les autres institutions profanes (avec les beaux résultats auxquels on assiste aujourd’hui), c’est faire injure à la royauté sociale de Notre-Seigneur. À ce titre, on peut dire que l’abbé Vermeesch « vole au secours de la victoire », quand bien même on sait heureusement que celle-ci – purement provisoire – annonce la déroute finale de l’Adversaire.
« 3° Une perversion de l’image de Dieu
« La peur a fait de Dieu un justicier impitoyable. Le grand Bossuet lui-même, dans son sermon sur La Passion, nous montre le Père qui, dans sa justice, s’acharne sur son Fils bien-aimé, son fils unique. C’est presque blasphématoire, car Dieu est amour. S’Il n’a pas retenu son bras, lors de la Passion, Lui qui le fit pour Abraham qui immolait son fils, c’est par amour et non par justice. C’est son amour qui a vaincu l’Esprit du mal et délivré l’humanité. La croix n’est pas une expiation due à sa justice car, dans sa bonté et à cause de sa bonté, Dieu est même injuste.
« En effet, ne donne-t-Il pas, dans sa bonté, le même salaire aux ouvriers qui n’ont travaillé qu’une heure dans sa vigne qu’à ceux qui y ont peiné toute la journée? Est-Il juste lorsqu’Il abandonne son troupeau pour courir au secours d’une seule brebis perdue? Est-il juste que le Père tue le veau gras en l’honneur du fils dévoyé qui revient à Lui, alors qu’Il refuse un chevreau à son fils aîné, qui lui est resté fidèle? Heureusement qu’on ne chante plus le “Minuit, Chrétiens” dans lequel on clamait que le Fils était venu dans le monde et y souffrir pour apaiser le courroux de son Père ! Cependant, que de gens encore voient en Dieu une puissance inexorable! Que de fois n’entend-on pas dire par des gens qui souffrent: “Pourquoi Dieu me punit-Il de cette façon? Je ne l’ai pas mérité!” Encore le Dieu de la peur et de la vengeance! Mais que fait-on alors du Christ, parfaite image de son Père? Lui qui a passé sa vie à guérir les malades. Lui qui a frémi de douleur devant le spectacle de la veuve de Naïm conduisant son fils unique en terre et qu’il a d’ailleurs ressuscité. Lui qui a été bouleversé à l’annonce de la mort de son ami Lazare. Lui qui était si accueillant à toutes les détresses morales. Lui qui a dit: “Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai.” Non, en réalité, Dieu n’est pas contre nous dans la souffrance mais avec nous, comme il a été solidaire avec nous sur la croix.
« Dieu est même injuste » !… Selon le principe de l’inversion accusatoire, l’abbé Vermeesch taxe Bossuet de quasi-blasphème quand c’est lui qui insulte Dieu, trahissant du même coup son mépris ou son ignorance de la théologie la plus élémentaire ! C’est À LA FOIS par justice et par amour – une justice nécessitée par l’amour – que Dieu n’a pas retenu Son bras lors de la Passion. En effet, Il se devait de répondre à un péché infini, car commis contre Son infinie Majesté (l’orgueil que Satan avait inspiré à nos premier parents) ; pour cela, il lui fallait susciter une expiation infinie consistant à autoriser le sacrifice d’un être de dignité infinie, Son Verbe incarné. D’où ce qu’on a pu appeler la sublime folie de la Croix. La justice de Dieu exigeait une expiation, laquelle ne faisait que traduire l’amour de Dieu, puisque sans elle, les portes du paradis seraient restées fermées à jamais, et toutes les âmes sans exception croupiraient en enfer ou aux limbes. En opposant faussement amour et justice, en s’autorisant à juger la justice de Dieu à travers la lorgnette réductrice et sacrilège des « droits de l’homme », voire à travers celle de l’égalitarisme syndical, l’auteur ne fait que trahir son imprégnation maçonnique de longue date. Et en définitive, on ne voit pas très bien à quoi il veut en venir, sinon à faire passer le message borgne et mensonger du néo-modernisme selon lequel Dieu ne fait que récompenser sans jamais punir. Combien d’âmes se seront perdues à cause de cette erreur gravissime que dénoncent toutes les Écritures, y compris les Évangiles ?
« 4° Le rejet
« Le Dieu insensible et sourd à la misère humaine que dénonce Camus dans La Peste n’est pas en réalité notre Dieu, le Dieu de l’évangile, mais bien le Dieu créé, bien sûr, par les philosophes mais aussi, hélas, par les prédicateurs. Ce n’est pas non plus le Dieu d’amour révélé par le Christ que Sartre pourfend, mais le Dieu cruel et vengeur forgé par l’histoire, ce Jupiter de bois qu’il défie dans Les Mouches.
L’auteur continue à faire mine d’ignorer que l’Église a toujours maintenu un juste équilibre entre l’amour divin et la vengeance divine. On appréciera, au passage, la rectitude catholique des deux auteurs – Camus et Sartre – qu’il convoque pour mieux illustrer son propos... C’est entendu, ces deux coqs de la basse-cour intellectuelle ne pouvaient se souffrir, mais du moins étaient-ils unis – fût-ce à leur corps défendant – par un mépris hautain de la pure doctrine catholique. Quant à Sartre, on sait quelle influence particulièrement désastreuse ce pseudo-philosophe du Café de Flore aura eue sur des générations d’apprentis penseurs… L’abbé Vermeesch existentialiste ? Pourquoi pas, au vu de ce qu’il écrit ?
« Mais voici, la peur peut devenir insupportable, surtout dans un climat de libération tel que celui qui est né après la dernière guerre mondiale. Comme une chaudière surchauffée qui vole en éclats, le rejet de la peur et du Dieu vengeur a balayé, chez un bon nombre de gens, la morale traditionnelle et même les dogmes. La révolution estudiantine de mai 1968 ne fait que confirmer cette tendance. Aujourd’hui encore, l’opinion est échaudée et se hérisse dès que l’Église aborde un sujet touchant la morale et surtout la sexualité. Le monde est devenu allergique aux décrets qu’on veut lui imposer.
Nouvelle et superbe illustration du principe de l’inversion accusatoire : l’auteur impute à la Vraie Religion les méfaits du modernisme antireligieux en donnant à entendre que si le monde a envoyé promener la morale par-dessus les moulins, notamment en matière de sexualité, c’est en réaction contre les décrets tatillons que l’Église lui imposait depuis trop longtemps. En somme, il eût fallu que pendant des siècles, l’Église laissât croire aux gens ce qu’ils voulaient et qu’elle restât silencieuse devant la tendance païenne des hommes au débordement de toutes les concupiscences ; ainsi aurait-elle pu tout ensemble maintenir la foi et faire barrage à l’immoralité… Quel argument à la Gribouille, quelle invraisemblable malhonnêteté intellectuelle ! La simple vérité est tout autre : mai 68 a coïncidé avec les premières retombées du conciliabule « pastoral » Vatican II, qui ont consacré le déculottage de l’Église conciliaire naissante devant le monde et ses mots d’ordre du style « Jouissez sans entraves » ou « Il est interdit d’interdire ». En dépit d’une résistance hypocrite, car purement verbale, la démission de fait de ladite Église face à la montée effrayante de la débauche, du divorce, de la contraception, de l’avortement, de l’euthanasie, des manipulations génétiques, du dérèglement des mœurs, etc. ne pouvait qu’encourager le monde à s’enfoncer un peu plus encore dans le vice et l’ignominie, ce qu’il n’a pas manqué de faire… et nous n’avons pas vu la fin de cette terrible dégringolade.
« III. L’espoir
« Il y a lieu cependant de terminer sur une note d’optimisme. Si notre monde rejette la peur, il a trouvé un fondement combien plus solide, plus positif, plus emballant et plus pleinement évangélique à la vie, et c’est l’Amour. Rarement, dans l’histoire, on aura assisté à une telle mobilisation des bonnes volontés pour secourir les souffrances et les nécessités des hommes. Jamais la société ne s’est montrée aussi généreuse.
« La découverte de l’amour finira-t-elle par trouver son véritable fondement, qui est le Dieu révélé par le Christ? Telle est la question. Maintenant, c’est à l’Église à jouer, à se mettre à l’œuvre sur les traces du regretté pape Jean XXIII, qui avait tellement bien compris son époque. Lui qui, dans son encyclique Pacem in terris, faisait appel indistinctement à tous les hommes de bonne volonté. Il a touché le cœur des foules, incroyants comme croyants. Il fut regretté par tous. Puisse l’Église comprendre et faire comprendre au monde qu’il n’y a que la splendeur de l’amour de Dieu qui pourra lui donner un fondement stable et un équilibre.
L’Amour avec un grand A. Oh, oui, comme notre monde cultive l’Amour avec application ! Combien il le prouve chaque jour !... Mais sur quelle planète vit donc l’abbé Vermeesch ? Où voit-il s’épanouir cet Amour qui serait, selon lui, la panacée des panacées pour guérir le monde de ses plaies ? Le seul Amour avec un grand A, c’est celui de Dieu. Or, l’auteur nous parle ici d’humanitarisme, qui n’est qu’un amour au ras des pâquerettes. Mère Teresa débordait sans doute d’amour pour les pauvres de Calcutta. Mais cet amour, venant d’une âme si peu chrétienne, si imprégnée de syncrétisme religieux, était spirituellement stérile et ne s’est pas hissé au-dessus de ce que prodigue toute assistante sociale dévouée. « Sans moi, vous ne pouvez rien faire », a dit Notre-Seigneur. Or, jamais le monde n’a autant rejeté Jésus-Christ. Jamais, depuis la naissance du christianisme, il n’a manifesté une telle haine à l’égard de ce dernier et de ses vrais fidèles. Ce n’est pas au triomphe de l’Amour que nous assistons, mais bel et bien à celui de son contraire. Tout se passe comme si l’abbé Vermeesch voyait le monde à travers les lunettes roses que lui ont posé sur le nez les zélateurs de l’unité babélienne !
« Cependant tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes. Le rejet de toute contrainte, de tout dogmatisme, peut amener notre société à jeter l’enfant avec l’eau du bain. Mais ceci pourrait faire l’objet d’une autre étude. »
Ouf ! Nous voici en partie rassurés : l’abbé Vermeesch conserve, malgré tout, une certaine dose de lucidité sur l’état du monde, car il nous annonce (un peu tard, mais mieux vaut tard que jamais, n’est-ce pas ?) qu’il va corriger le tir dans « une autre étude » en rattrapant l’enfant par les pieds après avoir jeté l’eau de son bain…
Demain, on rase gratis ? Chiche !
* * *
Conclusion
Les propos de monsieur l’abbé Vermeesch choquent d’autant plus qu’ils sont parfaitement représentatifs de ce que pense et enseigne l’astre obscur qui éclipse actuellement l’Église catholique ainsi que Notre-Dame l’a prédit à La Salette en 1846. Il ne nous appartient de juger personne au for interne, car c’est l’apanage de la Justice divine. Mais il nous incombait de dénoncer avec la plus grande franchise de tels propos, car ils constituent un scandale public. Ce prêtre âgé est-il un infiltré de la première heure ? Nous préférons laisser de côté une hypothèse aussi extrême. Plus probablement, il s’est laissé gagner peu à peu par le modernisme, ce qui est un bien grand mystère… Chacun connaît la parabole du voleur chinois qui, dans une maison, commence par emporter un objet, puis un autre, puis d’autres de plus en plus gros jusqu’à ce que la maison soit vide. C’est alors seulement que le propriétaire des lieux prend conscience du vol. On peut également évoquer l’image de l’eau du bocal dans lequel baigne une grenouille ; si on la chauffe très progressivement, la grenouille ne se rend compte de rien et finit par se laisser bouillir dedans sans avoir le réflexe de sauter hors du bocal. Il en va de même de tous ces clercs et laïcs pas forcément de mauvaise volonté, qui se sont laissé dépouiller de leur foi par petites touches sournoises, au fil des décennies, en perdant peu à peu leurs bonnes habitudes catholiques pour les remplacer par d’autres. Il existe autant de différence entre la Foi catholique d’il y a cinquante ans et la « foi » conciliaire d’aujourd’hui qu’entre une pièce meublée avant les multiples visites du voleur chinois et ce qu’elle est devenue après.
Mais notre espérance, à nous autres derniers catholiques, ne réside pas dans le faux « Amour » humaniste, c’est-à-dire maçonnique d’un monde qui a majoritairement rejeté Dieu et Son Fils. Elle ne réside que dans les promesses d’éternité faites par Jésus à Son Église. Et Dieu sait combien nous avons besoin de ces promesses pour ne pas désespérer lorsque nous lisons de telles erreurs sous la plume d’âmes consacrées !...
Adveniat Regnum tuum, Domine !
Merle Noir