Qu'on le veuille ou non, que cela plaise ou non, la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X est l’institution principale et la plus structurée de la Tradition catholique. À ce titre, il était indispensable qu’elle organisât sans plus tarder à Fatima un acte solennel de réparation pour l’abomination que la hiérarchie locale de la secte conciliaire avait laissée s’y commettre et avait même encouragée. Rappelons, pour ceux qui étaient alors en randonnée au Kamtchatka, qu’au nom du faux œcuménisme, un sacrilège particulièrement abominable avait eu lieu le 5 mai 2004 dans la capelinha (chapelle des apparitions) avec la bénédiction et la participation de Mgr Guerra, recteur du Sanctuaire de Fatima, et celle de l'évêque de Leiria-Fatima, Mgr. Serafim de Sousa Ferreira e Silva : des hindous étaient venus y adorer leur sinistre déesse Kali, grande inspiratrice des thugs (assassins fanatiques hindous), représentée comme une sorte de furie aux dix-huit bras, aux yeux exorbités, à la langue tirée, à la taille entourée de crânes et de mains coupées. On percevra toute l’horreur de cette cérémonie idolâtre en apprenant que les hindous appellent ce démon « sainte mère », ce qui a servi de prétexte aux collabos conciliaires pour l’assimiler à la Très Sainte Vierge et leur permettre de venir pratiquer leurs rites sataniques devant la vénérable statue de Notre-Dame de Fatima…
Le bouchon ayant été poussé beaucoup trop loin et de façon tout de même un peu trop voyante, les protestations furent nombreuses, y compris au sein de la franc-maçonnerie qui occupe actuellement l’Église, au point qu’on savait le zélé Guerra assis sur un siège éjectable à cause de son pas de clerc. Là-dessus intervient enfin l’acte de réparation de la FSSPX. Voici donc comment les choses se sont passées le lundi 22 août (en la fête du Cœur Immaculé de Marie), d’après les souvenirs encore frais de l’auteur, enrichis des précisions fournies le soir même par Mgr de Galarreta et plusieurs prêtres.
La hiérarchie de la Fraternité avait joué la carte de l’honnêteté et de la transparence vis-à-vis de la hiérarchie locale. C’est fort louable avec des gens honnêtes et transparents, mais en l’occurrence, ce fut peut-être une erreur tactique. Elle avait poussé la politesse jusqu’à prévenir Guerra du pèlerinage en indiquant que les pèlerins – évêques en tête – viendraient prier devant la capelinha sans que personne prononce de discours vengeur ou autre, et l’intéressé avait fait mine d’accepter. Mais lorsque le cortège (deux à trois mille personnes avec drapeaux, bannières et oriflammes) est arrivé devant la chapelle des apparitions, il a trouvé une barrière (sans doute un de ces rubans rouge et blanc servant d’obstacle symbolique, je ne sais pas au juste, car j’étais alors en queue de peloton avec les pèlerins de ma région). Tout naturellement, et fort des assurances qui leur avaient été données, les membres du clergé ont franchi cette barrière. Tout le monde s’est alors massé autour de la statue de Notre-Dame, où ne priaient qu’un petit nombre de personnes étrangères à la Fraternité, et les prières ont commencé. Au bout de très peu de temps, on a vu un homme en noir faire signe à deux religieuses d’aller à la tribune, et elles ont entonné des chants pour couvrir ceux de la foule. On devait apprendre ensuite que Guerra avait prévu un « chapelet de réparation » pour le sacrilège qu’aurait constitué la venue d’intégristes schismatiques et excommuniés… Mais ce chapelet devait avoir lieu après notre cérémonie ; or, il fut avancé d’une demi-heure. Pourquoi ? Mais pour nous provoquer et nous pousser à la faute, bien entendu. Et la faute a eu lieu, toute compréhensible qu’elle était : un jeune prêtre, pétant littéralement les plombs, a enjambé le muret qui marque la limite du sanctuaire de la capelinha dans l’intention évidente d’aller couper le micro aux deux frangines ; je ne pense pas qu’il envisageait de se livrer à de pires sévices… Les membres du service d’ordre n’attendaient que ce genre d’incident pour se précipiter, et le prêtre a été refoulé. Les religieuses se sont retirées, mais quelques minutes après, les autorités du sanctuaire déchaînaient la sono de l’esplanade pour couvrir nos prières « impies »… Un boucan de tous les diables (des chants en latin : clin d’œil) nous empêchaient de nous entendre chanter nos Ave, nos Salve Regina et nos Stabat Mater. Et pourtant, nous gueulions, croyez-moi !… Nous avons tenu encore vingt minutes, et nous nous sommes retirés en haut de ce qu’il reste de l’esplanade (au-delà se construit l’immonde blockhaus en forme de raquette qui, sous le nom mensonger de « basilique de la Sainte-Trinité », accueillera toutes les fausses religions du monde en même temps que la seule vraie), poursuivis par la haine sonore de ces amplis poussés à fond la gamelle et dont on peut espérer que les membranes auront fini par en crever. Puis, tout le monde s’est dispersé peu à peu. On a appris ensuite que nos évêques avaient fait demander à Guerra de le rencontrer immédiatement, mais le sieur n’était pas disponible avant trois heures de l’après-midi. Et une fois passé trois heures, ledit sieur devait quitter Fatima : c’est bête, hein ? Apostasie, malhonnêteté, mauvaise foi, méchanceté, lâcheté, en un mot ignominie : le type a vraiment tout pour lui.
Ce fiasco apparent appelle plusieurs remarques :
1.) Nous avons été roulés dans la farine et humiliés par des gens qu’inspirent – à n’en pas douter – les forces d’en bas. Mais Notre-Seigneur n’a-t-Il pas prévenu Ses disciples qu’en Son nom, ils seraient humiliés et persécutés ainsi que Lui l’avait été, dans la mesure où le serviteur n’est pas plus grand que le maître ? Une telle défaite peut donc être considérée en réalité comme une victoire. Mais il existe d’autres raisons de ne pas se morfondre :
2.) Guerra (le bien nommé) vient sans doute de sceller son sort, car après avoir permis et encouragé l’« abomination de la désolation dans le lieu saint », il a définitivement verrouillé sa logique démentielle en interdisant à des catholiques de venir prier en ce même lieu : l’inversion satanique est donc consommée, et elle est patente, au point qu’elle devrait susciter une gêne jusque dans la secte. Mais ce n’est là que le sort d’un misérable, et il n’est pas le seul…
3.) Il faut espérer que Mgr Fellay, à qui certains prêtent des velléités de ralliement, saura exploiter cet invraisemblable scandale lorsqu’il rencontrera Ratzinger, le 29 août prochain. Il faut espérer, notamment, qu’il ne se contentera pas de l’annonce du déplacement de Guerra (sans doute avec promotion, selon l’habitude de la secte). Mais à y bien réfléchir, que peut-il sortir d’une telle entrevue ? L’idéal serait que cet énorme camouflet infligé aux catholiques de tradition et à leur hiérarchie dissuade à jamais Mgr Fellay de dîner avec le diable, même muni d’une longue cuiller. Qu’attendre au juste d’un renard tel que Ratzinger, qui est depuis longtemps passé maître dans le grand art moderniste de dire blanc un jour avant de faire noir le lendemain ? Et si le moment était venu enfin, pour la Fraternité, de lever le lièvre énorme de la validité des sacres épiscopaux institués par Paul VI selon le rite anglican, rejeté depuis toujours par l’Église catholique ? Et si Mgr Tissier de Mallerais se souvenait enfin de ce qu’il a déclaré à ce sujet ? Bref, ne serait-il pas temps, pour nos évêques, de dénoncer une bonne fois la secte conciliaire pour ce qu’elle est, à savoir une fabrique de faux rites et de faux sacrements imprégnés de protestantisme, de kabbale et de maçonnerie, ainsi que de renoncer à solliciter timidement la levée d’excommunications nulles et non avenues et la levée inutile de l’interdit jeté sur la messe de saint Pie V, autorisée par ce dernier jusqu’à la fin des temps ? À l’aéroport de Lisbonne, j’ai rencontré Mgr Fellay et Mgr de Galarreta, et en leur baisant l’anneau, je leur ai seulement dit « bon courage ». Ils ont ri… J’ose imaginer que c’est parce qu’ils jugeaient ce souhait superflu.
4.) Il faut espérer, pour finir, que tous les pèlerins – évidemment écoeurés par ce qu’ils ont vécu – sauront faire office d’« agents multiplicateurs » auprès des mous de nos chapelles afin de réanimer la flamme de la résistance, qui vacille beaucoup depuis quelque temps. L’idéal serait que cette inqualifiable agression du véritable ennemi ressoude nos rangs autour de l’essentiel du combat, qui a trait à la Foi bien plus encore qu’à la Messe. Les jeunes qui ont grandi dans le cocon de la Tradition n’ont pas assez conscience que nous sommes en guerre. Voilà de quoi le leur rappeler ou le leur apprendre, car ils étaient nombreux au pèlerinage. Quant aux poses et aux minauderies guevaristes des mutins de la Fraternité, elles semblent encore plus dérisoires auprès de cet affront, qui devrait inciter les uns et les autres à marcher sur leurs humeurs, leurs petites blessures d’orgueil et leurs ambitions.
5.) Comme je quittais l’esplanade en portant notre bannière pour retourner à l’hôtel avec quelques membres de ma délégation, j’ai été abordé par une petite bonne femme portugaise d’un certain âge qui ne faisait manifestement pas partie du pèlerinage. J’ai compris qu’elle voulait savoir si nous étions français et tradis. J’ai dit « Oui, et vous voyez : on a laissé des païens adorer un faux dieu dans la capelinha, et nous autres catholiques, on vient de nous en chasser ». Alors, elle a posé sa main sur mon bras et m’a dit avec beaucoup de conviction et de gentillesse : « Patience ! Patience ! Patience ! ». Cela m’a remonté un peu le moral, bien bas sur le moment. La Sainte Vierge a dit aux trois enfants : « Au Portugal se conservera toujours le dogme de la foi ». Et c’est évident. Les gourous conciliaires peuvent bien agiter leurs gris-gris en banquetant bruyamment avec le diable et ses suppôts, le bon peuple portugais ne suit pas et continue à prier comme il a toujours prié, parce qu’il croit ce qu’il a toujours cru. Tout, à Fatima, est centré sur les apparitions de 1917. Bien sûr, il y a le côté business : dans le genre marchands du temple, ça vaut Lourdes. Et l’on construit partout à tour de bras. Mais il y a une foi vraie, qui se voit et s’entend, qui imprègne tout. Au point qu’on se sent désagréablement dépaysé lorsqu’on retourne dans le monde, et ce dès l’aéroport de Lisbonne. Parce que là comme ailleurs, la vie moderne est tout de même en train de bouffer les têtes et le reste : il faut voir comment sont attifées beaucoup de jeunes portugaises : pas un centimètre carré de tissu en trop… Mais on est encore loin, très loin de la dégénérescence observée en France et dans les autres pays gagnés par la grande apostasie.
6.) Coïncidence : La cérémonie de réparation de la Fraternité devant la capelinha a commencé le lundi 22 août à 14 h 01. Le lundi 22 août à 14h 01, un tremblement de terre de magnitude 4,7 ayant son épicentre à Anzio (sur la Méditerranée) secouait Rome. Le journal télévisé italien titrait « Terrore in Anzio e Roma ». Coïncidence : Dans l’après-midi du lundi 22 août, le ciel était encore plus encombré des fumées d’incendie que d’habitude : le faux nuage, très vaste et très épais, arborait une teinte ocrée de fin du monde, et le soleil de Fatima, encore haut dans le ciel, était devenu un disque rouge sang. Cela sentait l’eucalyptus brûlé, et des cendres retombaient au sol. Le journal télévisé portugais titrait « Portugal en jamas » (le Portugal en flammes).
Quelques mots encore sur Guerra, qui est décidément un triste sire. Il est honni de la grande majorité des habitants de Fatima, qui ont signé en masse une pétition contre le projet de panthéon pharaonique pour lequel il aura poussé à la roue comme un malade. Il est détesté aussi parce qu’il se comporte comme un vrai petit potentat local, au point de faire la pluie et le beau temps dans l’attribution des permis de construire !
L’hôtel où nous étions (Santo Amaro) est tenu par des personnes appartenant à la famille Marto, celle de Francisco et de Jacinta. En 1987, lors du premier pèlerinage de la FSSPX (organisé alors par Mgr Lefebvre), ces gens – catholiques de tradition – avaient accueilli nos pèlerins. Ils ont ensuite été poursuivis par la vindicte de la hiérarchie locale (j’ignore si Guerra en faisait déjà partie), qui dissuadait les religieux conciliaires de descendre dans leur hôtel. Ils ont quand même tenu bon et – semble-t-il – prospéré.
Entre autres pures merveilles (le Portugal ayant été, comme l’Angleterre, un très grand royaume en dépit de sa petite taille), nous avons été bouleversés devant le miracle eucharistique de Santarem. Nous avons aussi ressenti une grande émotion en visitant les maisons lilliputiennes de Lucia, Francisco et Jacinta, dans le hameau d’Aljustrel. Grande pauvreté et splendide piété forment l’imparable cocktail de la sainteté. Le site où l’ange leur est apparu est une somptueuse oliveraie à flanc de coteau. Mais la Cova da Iria est maintenant occupée par l’asphalte de l’esplanade et l’horreur moderne rectiligne qui enserre la capelinha d’origine. À Lisbonne, nous avons visité l’église Saint-Antoine, la cathédrale et la tour de Belem. Nous sommes allés aussi à Sintra, Nazaré, Alcobaça et Batalha. Quelle beauté ! Quels souvenirs extraordinaires !
Merci, Notre-Dame ! Muito obrigado, Nostra Senhora !