Si nous considérons plutôt leur union dans l'Suvre
divine, dans l'ordre des êtres créés, notre attention
est plus particulièrement appelée sur le fait que le Père
est présent et agissant « en Jésus ». De même,
Jésus nous dit : «Vous êtes en moi et je suis en
vous ». Dans l'ordre éternel, c'est surtout notre inclusion
en Jésus - dans le corps du Christ - qui est marquée.
Dans l'ordre terrestre, historique, dans la sphère de l'action
et de l'obéissance, c'est l'Suvre de Jésus «
en nous » et par nous qui semble plutôt mise en lumière.
L'évangéliste qui nous a rapporté les paroles les
plus affectueuses que Jésus ait adressées aux siens est
« le disciple que Jésus aimait ». Et c'est parce
qu'il reposait sa tête sur la poitrine du Maître que ce
disciple put entendre ce que Jésus disait à mi-voix (au
sujet du traître). Jésus ne révèle ses mystères,
en un dialogue confidentiel, qu'à ceux dont l'attitude est d'abandon
intime et aimant.
Intimité avec le Christ : elle vaut d'être recherchée
pour elle même, en elle-même. Certes, la lumière
de Jésus doit, à proportion même de cette intimité,
éclairer tout le paysage et révéler les démarches
pratiques qui s'imposent. On se sent troublé, lorsqu'on voit
que certains, qualifiés de « mystiques », semblent
être demeurés indifférents à des injustices
et à des cruautés qui, tout près d'eux, frappaient
d'autres hommes. Une piété purement sentimentale, émotionnelle,
n'est pas l'intimité avec le Christ. Mais la recherche de l'efficacité,
du geste utile, du sacrifice apparemment « productif » n'empêche-t-elle
certains des disciples contemporains les plus dévoués
de comprendre le brisement - si gratuit! - du vase de parfum aux pieds
de Jésus ? « A quoi bon cette
perte ? &» Oui, mais : « celui qui perd sa vie...»
La Samaritaine croit que, lorsque le Messie viendra, il enseignera toutes
choses. Jésus répond: « Je le suis, moi qui te parle
». Le verbe grec employé suggère l'idée d'une
conversation familière: «moi qui m'entretiens, moi qui
cause avec toi... » Contraste saisissant entre le libre échange
de propos que le verbe indique et la solennelle formule « je suis
», fréquente dans les déclarations divines de l'Ancien
Testament. Jésus se révèle à nous comme
Seigneur et Sauveur - « Je le suis » - mais il nous achemine
vers cette révélation par des dialogues simples et aimants,-
« moi qui converse avec toi... »
Même contraste dans l'épisode de la guérison de
l'aveugle-né «Crois-tu au Fils de l'Homme? - Et qui est-
il, Seigneur, afin que je croie en lui ? - Tu l'as vu, et celui qui
te parle, c'est lui ». Celui qui converse familièrement
avec toi est la figure sublime et lointaine, si attendue. Le Fils de
l'Homme veut parler avec toi d'homme à homme. Il est au-delà,
au-dessus de tout; et, voici, il se met à ton niveau.
Intimité. Le soir tombe. L'air fraîchit. Ma vie approche
de son terme. C'est l'heure décrite par le Cantique des cantiques.
Viens, mon Bien-Aimé, à la fraîcheur du soir. Descends
dans le jardin. Que le vent, que le souffle de ton Esprit passe sur
les fleurs que tu y semas toi-même et qu'il en répande
l'arôme!
Chez d'autres, tes fleurs sont en abondance. Mais moi ! Je n'ai pas
de fleurs dans mon jardin. Tes fleurs, je les ai foulées aux
pieds, arrachées. Je les ai laissé consumer par une chaleur
mauvaise. J'ai produit des ronces. Elles ont été une part
de la couronne d'épines qui ensanglanta la tête de mon
Sauveur .
Oh, que tes fleurs revivent! Que, sous ton souffle, elles puissent miraculeusement
germer et éclore! Que le Bien-Aimé en puisse, de nouveau,
respirer le parfum, le soir, dans son jardin!
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