Jésus, simples regards sur le Sauveur,

par un moine d'Orient.

un extrait

C'est encore, c'est toujours dans le «discours après la cène» que Jésus, ayant parlé de sa vie avec le Père et avec l'Esprit, indique ce qu'est sa vie avec ses disciples. Car il y a un rapport de dépendance entre ces deux thèmes. De profondes analogies existent entre l'interpénétration des vies du Père et du Fils et celles des vies de Jésus et du disciple.
«Je suis dans le Père, et le Père est en moi... » Si nous considérons l'union du Père et du Fils dans l'ordre divin, éternel, ce qui nous frappe, c'est surtout la présence de Jésus « dans le Père ».

Si nous considérons plutôt leur union dans l'Suvre divine, dans l'ordre des êtres créés, notre attention est plus particulièrement appelée sur le fait que le Père est présent et agissant « en Jésus ». De même, Jésus nous dit : «Vous êtes en moi et je suis en vous ». Dans l'ordre éternel, c'est surtout notre inclusion en Jésus - dans le corps du Christ - qui est marquée. Dans l'ordre terrestre, historique, dans la sphère de l'action et de l'obéissance, c'est l'Suvre de Jésus « en nous » et par nous qui semble plutôt mise en lumière.
L'évangéliste qui nous a rapporté les paroles les plus affectueuses que Jésus ait adressées aux siens est « le disciple que Jésus aimait ». Et c'est parce qu'il reposait sa tête sur la poitrine du Maître que ce disciple put entendre ce que Jésus disait à mi-voix (au sujet du traître). Jésus ne révèle ses mystères, en un dialogue confidentiel, qu'à ceux dont l'attitude est d'abandon intime et aimant.
Intimité avec le Christ : elle vaut d'être recherchée pour elle même, en elle-même. Certes, la lumière de Jésus doit, à proportion même de cette intimité, éclairer tout le paysage et révéler les démarches pratiques qui s'imposent. On se sent troublé, lorsqu'on voit que certains, qualifiés de « mystiques », semblent être demeurés indifférents à des injustices et à des cruautés qui, tout près d'eux, frappaient d'autres hommes. Une piété purement sentimentale, émotionnelle, n'est pas l'intimité avec le Christ. Mais la recherche de l'efficacité, du geste utile, du sacrifice apparemment « productif » n'empêche-t-elle certains des disciples contemporains les plus dévoués de comprendre le brisement - si gratuit! - du vase de parfum aux pieds de Jésus ? « A quoi bon cette
perte ? &» Oui, mais : « celui qui perd sa vie...» La Samaritaine croit que, lorsque le Messie viendra, il enseignera toutes choses. Jésus répond: « Je le suis, moi qui te parle ». Le verbe grec employé suggère l'idée d'une conversation familière: «moi qui m'entretiens, moi qui cause avec toi... » Contraste saisissant entre le libre échange de propos que le verbe indique et la solennelle formule « je suis », fréquente dans les déclarations divines de l'Ancien Testament. Jésus se révèle à nous comme Seigneur et Sauveur - « Je le suis » - mais il nous achemine vers cette révélation par des dialogues simples et aimants,- « moi qui converse avec toi... »
Même contraste dans l'épisode de la guérison de l'aveugle-né «Crois-tu au Fils de l'Homme? - Et qui est- il, Seigneur, afin que je croie en lui ? - Tu l'as vu, et celui qui te parle, c'est lui ». Celui qui converse familièrement avec toi est la figure sublime et lointaine, si attendue. Le Fils de l'Homme veut parler avec toi d'homme à homme. Il est au-delà, au-dessus de tout; et, voici, il se met à ton niveau.
Intimité. Le soir tombe. L'air fraîchit. Ma vie approche de son terme. C'est l'heure décrite par le Cantique des cantiques. Viens, mon Bien-Aimé, à la fraîcheur du soir. Descends dans le jardin. Que le vent, que le souffle de ton Esprit passe sur les fleurs que tu y semas toi-même et qu'il en répande l'arôme!
Chez d'autres, tes fleurs sont en abondance. Mais moi ! Je n'ai pas de fleurs dans mon jardin. Tes fleurs, je les ai foulées aux pieds, arrachées. Je les ai laissé consumer par une chaleur mauvaise. J'ai produit des ronces. Elles ont été une part de la couronne d'épines qui ensanglanta la tête de mon Sauveur .
Oh, que tes fleurs revivent! Que, sous ton souffle, elles puissent miraculeusement germer et éclore! Que le Bien-Aimé en puisse, de nouveau, respirer le parfum, le soir, dans son jardin!

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