POEMES
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Ci-dessous trois poèmes envoyés par MAUD, une visiteuse ! Merci !
Solitude...
Me laisse pas seule
Me laisse pas pleurer
Me laisse pas tomber
Me laisse pas lâcher
Me laisse pas bébé
Me laisse pas couler
Comme tous les autres ont fait...
Me laisse pas dériver
Sur les rochers...
Me laisse pas te quitter
Pour une chose que tu n'as pas faite...
Me laisse pas choisir
Tu es ce dont je désire...
Me laisse pas partir
Tiens moi par les bras pour me retenir...
Me laisse pas mentir
Pour encore plus m'anéantir...
Les anges aussi pleurent...

"M'arrêter,
Sous cet arbre m'allonger,
Dans le ciel regarder,
Les nuages bouger.

Des idées étranges,
Les formes se mélangent.
Le ciel échange,
Des mots avec les anges

. Les comprendre sans problèmes,
Parfois me gène,
Pour lire leurs poèmes,
Fermer les yeux quand même.


Alors les écouter chanter,
Des mélodies enivrantes,
Ou désespérées.
Les anges aussi chantent.


Me réveiller par quelques gouttes,
Qui sont des larmes de douleur,
Que personne ne doute,
Les anges aussi pleurent."

Douce amertume...

 

Les ténèbres s'abattent sur moi
Elles me couvrent d'un manteau noir, glacial
Pourquoi ai-je si froid ?


J'avance désormais seule
La solitude me pare de son linceul
Pourquoi ai-je si mal ?


Compagne infatigable, elle veille sur mes insomnies
Silencieuse, elle écoute mes litanies
Pourquoi suis-je si seule ?


Je me brise comme du cristal
Je n'en finis plus de me perdre dans son dédale
Pourquoi suis-je toujours en vie ?


Tristesse...

Pourquoi te glisses-tu dans mon coeur ?
Pourquoi t'y répands-tu sans heurt ?
Tes larmes cherchent a m'innonder!
Je lutte pour les emprisonner!


Ne t'ai-je pas assez abritée ?
Ne t'ai-je pas assez tolérée ?
Ta parure d'amertume veut s'emparer de mon coprs!
Je lutte pour qu'elle n'y installe pas son décor!


Ne pourrais tu m'oublier un peu ?
Ne pourrais tu t'envoler vers d'autre cieux ?
Ta mélancolie espère m'accaparer!
Je lutte pour la chasser!

En vain...tu gagnes la partie!
Tu es la plus forte et tu t'en réjouis!
Je m'inclinne...mais...seulement aujourd'hui....
Car tu ne m'apportes que nostalgie!

 

Dies Irae

Roi qui fais tout trembler devant ta majesté,
Qui sauves les élus par ta seule bonté,
Source d’actes bénins et remplis de clémence,
Souviens-toi que pour moi Tu descendis des cieux ;
Pour moi, te dépouillant de ton pouvoir immense,
Comme un simple mortel Tu parus à nos yeux.

J’eus part à ton passage : en perdras-Tu le fruit ?
Veux-Tu me condamner à l’éternelle nuit,
Moi pour qui ta bonté fit cet effort insigne ?
Tu ne t’es reposé que las de me chercher ;
Tu n’as souffert la croix que pour me rendre digne
D’un bonheur qui me puisse à toi-même attacher.

Tu pourrais aisément me perdre et te venger.
Ne le fais point, Seigneur ; viens plutôt soulager
Le faix sous qui je sens que mon âme succombe.
Assure mon salut, dès ce monde incertain ;
Empêche malgré moi que mon coeur ne retombe,
Et ne te force enfin de retirer ta main.

Avant le jour du compte efface entier le mien.
L’illustre pécheresse, en présentant le sien,
Se fit remettre tout par son amour extrême ;
Le larron te priant fut écouté de toi.
La prière et l’amour ont un charme suprême.
Tu m’as fait espérer même grâce pour moi.

Je rougis, il est vrai, de cet espoir flatteur ;
La honte de me voir, infidèle et menteur,
Ainsi que mon péché, se lit sur mon visage :
J’insiste, toutefois, et n’aurai point cessé
Que ta bonté, mettant toute chose en usage,
N’éclate en ma faveur et ne m’ait exaucé.

Fais qu’on me place à droite au nombre des brebis ;
Sépare-moi des boucs réprouvés et maudis.
Tu vois mon coeur contrit et mon humble prière ;
Fais-moi persévérer dans ce juste remords ;
Je te laisse le soin de mon heure dernière,
Ne m’abandonne pas quand j’irai chez les morts.

Jean de LA FONTAINE
Ô mon Dieu...


Ô mon Dieu, vous m'avez blessé d'amour
Et la blessure est encore vibrante,
Ô mon Dieu, vous m'avez blessé d'amour.

Ô mon Dieu, votre crainte m'a frappé
Et la brûlure est encor là qui tonne,
Ô mon Dieu, votre crainte m'a frappé.

Ô mon Dieu, j'ai connu que tout est vil
Et votre gloire en moi s'est installée,
Ô mon Dieu, j'ai connu que tout est vil.

Noyez mon âme aux flots de votre Vin,
Fondez ma vie au Pain de votre table,
Noyez mon âme aux flots de votre Vin.

Voici mon sang que je n'ai pas versé,
Voici ma chair indigne de souffrance,
Voici mon sang que je n'ai pas versé.

Voici mon front qui n'a pu que rougir,
Pour l'escabeau de vos pieds adorables,
Voici mon front qui n'a pu que rougir.

Voici mes mains qui n'ont pas travaillé,
Pour les charbons ardents et l'encens rare,
Voici mes mains qui n'ont pas travaillé.

Voici mon coeur qui n'a battu qu'en vain,
Pour palpiter aux ronces du Calvaire,
Voici mon coeur qui n'a battu qu'en vain.

Voici mes pieds, frivoles voyageurs,
Pour accourir au cri de votre grâce,
Voici mes pieds, frivoles voyageurs.

Voici ma voix, bruit maussade et menteur,
Pour les reproches de la Pénitence,
Voici ma voix, bruit maussade et menteur.

Voici mes yeux, luminaires d'erreur,
Pour être éteints aux pleurs de la prière,
Voici mes yeux, luminaires d'erreur.

Hélas, Vous, Dieu d'offrande et de pardon,
Quel est le puits de mon ingratitude,
Hélas, Vous, Dieu d'offrande et de pardon,

Dieu de terreur et Dieu de sainteté,
Hélas ! ce noir abîme de mon crime,
Dieu de terreur et Dieu de sainteté,

Vous, Dieu de paix, de joie et de bonheur,
Toutes mes peurs, toutes mes ignorances,
Vous, Dieu de paix, de joie et de bonheur,

Vous connaissez tout cela, tout cela,
Et que je suis plus pauvre que personne,
Vous connaissez tout cela, tout cela,

Mais ce que j'ai, mon Dieu, je vous le donne.


Paul Verlaine, Sagesse.
Mon Dieu m'a dit...

Mon Dieu m'a dit : « Mon fils, il faut m'aimer. Tu vois
Mon flanc percé, mon coeur qui rayonne et qui saigne,
Et mes pieds offensés que Madeleine baigne
De larmes, et mes bras douloureux sous le poids

De tes péchés, et mes mains ! Et tu vois la croix,
Tu vois les clous, le fiel, l éponge, et tout t enseigne
À n aimer, en ce monde amer où la chair règne,
Que ma Chair et mon Sang, ma parole et ma voix.

Ne t ai-je pas aimé jusqu à la mort moi-même,
Ô mon frère en mon Père, ô mon fils en l Esprit,
Et n ai-je pas souffert, comme c était écrit ?

N ai-je pas sangloté ton angoisse suprême
Et n ai-je pas sué la sueur de tes nuits,
Lamentable ami qui me cherches où je suis ? »


J ai répondu : « Seigneur, vous avez dit mon âme.
C est vrai que je vous cherche et ne vous trouve pas.
Mais vous aimer ! Voyez comme je suis en bas,
Vous dont l amour toujours monte comme la flamme.

Vous, la source de paix que toute soif réclame,
Hélas ! Voyez un peu tous mes tristes combats !
Oserai-je adorer la trace de vos pas,
Sur ces genoux saignants d un rampement infâme ?

Et pourtant je vous cherche en longs tâtonnements,
Je voudrais que votre ombre au moins vêtît ma honte,
Mais vous n avez pas d ombre, vous dont l amour monte,

Ô vous, fontaine calme, amère aux seuls amants
De leur damnation, à vous toute lumière,
Sauf aux yeux dont un lourd baiser tient la paupière ! »


 Il faut m aimer ! Je suis l universel Baiser,
Je suis cette paupière et je suis cette lèvre
Dont tu parles, ô cher malade, et cette fièvre
Qui t agite, c est moi toujours ! Il faut oser

M aimer ! Oui, mon amour monte sans biaiser
Jusqu où ne grimpe pas ton pauvre amour de chèvre,
Et t emportera, comme un aigle vole un lièvre,
Vers des serpolets qu un ciel cher vient arroser !

Ô ma nuit claire ! ô tes yeux dans mon clair de lune !
Ô ce lit de lumière et d eau parmi la brune !
Toute cette innocence et tout ce reposoir !

Aime-moi ! Ces deux mots sont mes verbes suprêmes,
Car étant ton Dieu tout-puissant, je peux vouloir,
Mais je ne veux d abord que pouvoir que tu m aimes.


 Seigneur, c est trop ! Vraiment je n ose. Aimer qui ? Vous ?
Oh ! non ! Je tremble et n ose. Oh ! vous aimer, je n ose,
Je ne veux pas ! Je suis indigne. Vous, la Rose
Immense des purs vents de l Amour, à Vous, tous

Les cSurs des saints, à Vous qui fûtes le Jaloux
D Israël, Vous, la chaste abeille qui se pose
Sur la seule fleur d une innocence mi-close,
Quoi, moi, moi, pouvoir Vous aimer ? Êtes-vous fous,

Père, Fils, Esprit ? Moi, ce pécheur-ci, ce lâche,
Ce superbe, qui fait le mal comme sa tâche
Et n a dans tous ses sens, odorat, toucher, goût,
Vue, ouïe, et dans tout son être  hélas ! dans tout
Son espoir et dans tout son remords, que l extase
D une caresse où le seul vieil Adam s embrase ?


 Il faut m aimer. Je suis ces Fous que tu nommais,
Je suis l Adam nouveau qui mange le vieil homme,
Ta Rome, ton Paris, ta Sparte et ta Sodome,
Comme un pauvre rué parmi d horribles mets.

Mon amour est le feu qui dévore à jamais
Toute chair insensée, et l évapore comme
Un parfum,  et c est le déluge qui consomme
En son flot tout mauvais germe que je semais,

Afin qu un jour la Croix où je meurs fût dressée
Et que par un miracle effrayant de bonté
Je t eusse un jour à moi, frémissant et dompté.

Aime. Sors de ta nuit. Aime. C est ma pensée
De toute éternité, pauvre âme délaissée,
Que tu dusses m aimer, moi seul qui suis resté !


 Seigneur, j ai peur. Mon âme en moi tressaille toute.
Je vois, je sens qu il faut vous aimer. Mais comment
Moi, ceci, me ferai-je, à vous Dieu, votre amant,
Ô Justice que la vertu des bons redoute ?

Oui, comment ? Car voici que s ébranle la voûte
Où mon cSur creusait son ensevelissement
Et que je sens fluer à moi le firmament,
Et je vous dis : de vous à moi quelle est la route ?

Tendez-moi votre main, que je puisse lever
Cette chair accroupie et cet esprit malade.
Mais recevoir jamais la céleste accolade,

Est-ce possible ? Un jour, pouvoir la retrouver
Dans votre sein, dans votre cSur qui fut le nôtre,
La place où reposa la tête de l apôtre ?


 Certes, si tu le veux mériter, mon fils, oui,
Et voici. Laisse aller l ignorance indécise
De ton cSur vers les bras ouverts de mon Église
Comme la guêpe vole au lis épanoui.

Approche-toi de mon oreille. Épanches-y
L humiliation d une brave franchise.
Dis-moi tout sans un mot d orgueil ou de reprise,
Et m offre le bouquet d un repentir choisi.

Puis franchement et simplement viens à ma table,
Et je t y bénirai d un repas délectable
Auquel l ange n aura lui-même qu assisté,

Et tu boiras le vin de la vigne immuable
Dont la force, dont la douceur, dont la bonté
Feront germer ton sang à l immortalité.

 

Puis, va ! Garde une foi modeste en ce mystère
D amour par quoi je suis ta chair et ta raison,
Et surtout reviens très souvent dans ma maison,
Pour y participer au Vin qui désaltère,

Au Pain sans qui la vie est une trahison,
Pour y prier mon Père et supplier ma Mère
Qu il te soit accordé, dans l exil de la terre,
D être l agneau sans cris qui donne sa toison,

D être l enfant vêtu de lin et d innocence,
D oublier ton pauvre amour-propre et ton essence,
Enfin, de devenir un peu semblable à moi

Qui fus, durant les jours d Hérode et de Pilate
Et de Judas et de Pierre, pareil à toi
Pour souffrir et mourir d une mort scélérate !


Et pour récompenser ton zèle en ces devoirs
Si doux qu ils sont encor d ineffables délices,
Je te ferai goûter sur terre mes prémices,
La paix du cSur, l amour d être pauvre, et mes soirs

Mystiques, quand l esprit s ouvre aux calmes espoirs
Et croit boire, suivant ma promesse, au Calice
Éternel, et qu au ciel pieux la lune glisse,
Et que sonnent les angélus roses et noirs,

En attendant l assomption dans ma lumière,
L éveil sans fin dans ma charité coutumière,
La musique de mes louanges à jamais,

Et l extase perpétuelle et la science,
Et d être en moi parmi l aimable irradiance
De tes souffrances, enfin miennes, que j aimais !


 Ah ! Seigneur, qu ai-je ? Hélas ! me voici tout en larmes
D une joie extraordinaire : votre voix
Me fait comme du bien et du mal à la fois,
Et le mal et le bien, tout a les mêmes charmes.

Je ris, je pleure, et c est comme un appel aux armes
D un clairon pour des champs de bataille où je vois
Des anges bleus et blancs portés sur des pavois,
Et ce clairon m enlève en de fières alarmes.

J ai l extase et j ai la terreur d être choisi.
Je suis indigne, mais je sais votre clémence.
Ah ! quel effort, mais quelle ardeur ! Et me voici

Plein d une humble prière, encor qu un trouble immense
Brouille l espoir que votre voix me révéla,
Et j aspire en tremblant.


 Pauvre âme, c est cela !

 

Paul Verlaine, Sagesse.
Donne-moi du bonheur


Donne-moi du bonheur s il faut que je le chante,
De quoi juste entrevoir ce que chacun en sait,
Juste de quoi rendre ma voix assez touchante,
Rien qu un peu, presque rien, pour savoir ce que c est.

Un peu  si peu  ce qui demeure d or en poudre
Ou de fleur de farine au bout du petit doigt,
Rien, pas même de quoi remplir mon dé à coudre...
Pourtant de quoi remplir le monde par surcroît.

Car pour moi qui n en ai jamais eu l habitude,
Un semblant de bonheur au bonheur est pareil,
Sa trace au loin éclairera ma solitude
Et je prendrai son ombre en moi pour le soleil.

Donne-m en ! Ce n est pas, mon Dieu, pour être heureuse,
Que je demande ainsi de la joie à goûter,
C est que pour bercer l homme en la cité nombreuse,
La nourrice qu il faut doit savoir tout chanter.

Prête-m en... Ne crains rien, à l heure de le rendre,
Mes mains pour le garder ne le serreront pas,
Et je te laisserai, Seigneur, me le reprendre
Demain, ce soir, tout de suite, quand tu voudras...



Marie NOËL

Les quatre poèmes ci-dessous sont extraits du recueil "Poèmes de l'Annonciade Sacrés et Profanes", de Jean-Francois SOUBRIER. Ce recueil est en vente pour 10 euros par correspondance en écrivant à : Editions Ardea,
37 Notz l'Abbé, 36220 MARTIZAY.

lien direct : http://monsite.wanadoo.fr/ardea

VÊPRES D'ESPÉRANCE


Aux Vêpres on ressent le bon ou le mal heur
Pour un coeur embrumé que déchire une écharde
Maudite maladie, ou humeur trop cafarde
Les plaies rouvrent le soir, ravivent les douleurs

Du vieux poële il émane une vague chaleur
Un voile abat le jour d'une lampe blafarde
La ville qui se vide, agonise ; et hagarde
Rythme son reflux de mécaniques clameurs

Puis, un cri murmuré comme ultime recours
Seigneur, viens à mon aide! O mon Dieu au secours!
Ne serait-ce qu'un râle et personne n'entend ?

Mais le Ciel tout entier à cette âme sourit
Toute mort est vaincue, voici venus les temps
Du grand Magnificat de la Vierge Marie

Notz, 15 août 2001

SA MAIN

Mains menues, mignonnes menottes,
Mains mâles, manuelles et musclées
Main à baiser, miroir de mon désir
Main donnée qui rassure
Main reçue qui parle d'amour
Main tenue pour que promesses perdurent
Main qui cache
Main qui trahit
Main qui désigne
Main qui choisit
Main de mon coeur
Coeur sur la main
Mains tenant
Tenons bon
Ta main
Dans mes mains
Nos mains
Jointes
Nous sommes en Sa main

JFS 30 Mai 1999

 
ORAISON
Mon âme s'exaspère, elle étouffe et enrage
Oui, je voudrais voler, m'échapper à jamais
Dire, exprimer, ce qui en moi bouillonne. Mais
Les mots sont les barreaux d'une sinistre cage

Mes pensées sont cloitrées, et n'ont pas l'avantage
De connaître la règle à laquelle on soumet
Les beaux élans des coeurs pour qu'ils soient désormais
Offrande et communion, hymnes belles et sages

Dieu! S'il est doux d'aimer, qu'il est dur de se taire
Quand l'esprit restant muet il aurait tant à faire
Pour élever tout l'être aux pures Vérités

L'homme est fait de désir, il n'aspire qu'à vivre
Et cherche en toute chose à voir l'éternité
Dans l'étreinte muette à jamais il se livre

 
 
APPAREILLAGES

"Les vivants et les morts et ceux qui vont en mer"...
Qui suis-je, moi qui pars ? Quel est ce goût amer ?
Comme aussière embraquée avant l'appareillage,
Ma vie défile ainsi qu'un vulgaire cordage.
Savez-vous, bien, les pékins, pour nous ce que c'est,
Ce désir de partir, de crever un abcès ?
Qui parmi vous le sait ?

Le marin, en rêvant des rives d'outremer,
Pressent la nostalgie qui taraude les nerfs :
Vouloir être chez soi dans les déserts du large,
Ne penser qu'au départ à peine l'on décharge ;
Se sentir exilé, où qu'on soit, à l'excès !
Les sillages, vraiment, moi, je les chérissais...
Oui, chez vous, qui le sait ?

Mais il est des départs méritant d'être aimés
Parfois, c'est le destin, et personne à blâmer...
Une voix te dit "Pars!", il faut tourner la page.
Seul, incompris parfois, mieux vaut garder courage.
Vois Marie et Joseph : ah! qu'on les maudissait
Pour tous ces innocents, qu'à la mort ils laissaient.
Toi, Jésus, tu le sais.

Tu penses à ton père, et cessant de ramer,
Tu contemples la mer, ce grand lac bien-aimé.
A l'orient c'est l'aurore et l'étoile des mages,
Dans l'eau noire pourtant on distingue l'image
De ces hommes pécheurs ... leur frère tu t'es fait.
Quel étonnant scandale aux merveilleux effets !
Oh Jésus ! Tu les sais.

Tu goûtes la douceur, à partir le matin,
A larguer sans un bruit, attentif au dessein,
Brise légère et fraîche, établissant l'amure.
Un frisson court sur l'eau qu'accompagne un murmure ;
L'eau vive du Jourdain se trouble au vent mauvais .
Du peuple d'Israël, le Messie, à jamais,
Toi, tu l'es, tu le sais.

Tu pressens ce départ hors du sombre jardin,
Seul, le soir, laissant là tes amis, tous mutins ;
La tempête annoncée, les hautes enfléchures,
Où il faudra monter pour être déchirure.
Toi, le Verbe qui dit le dernier des versets
Tu seras devenu celui qui plus ne sait
Pourquoi... Seul Eli sait.

Or, dans les mains du Père, au salut tu atteins :
Aucun combat, depuis, ne peut être incertain,
A toute traversée est promis un beau havre.
Notre coeur transpercé par l'adieu qui le navre
Sait que, par ton offrande, il aura libre accès
A la gloire cachée, surtout dans l'insuccès
Je crois que je le sais.

Cependant, dans mon coeur, refluent comme un ressac
De pâles souvenirs entassés en sérac.
Cest une étrange houle animée d'un visage,
Bien-aîmé, disparu, qui seul reste en partage.
Au moment de partir je me dis "à jamais!"
En quittant une vie, ô! vrai!, je n'en peut mais...
Jésus sait ce que c'est.

Le temps qui me portait, soudain se creuse en moi.
Je revis mon passé et je cède à l'émoi
De cette heure tragique où demain fait naufrage
Demain n'est déjà plus et le futur, hors d'âge. ..
L'avenir déferlant confond cause et effet.
Je me noie et je coule, impuissant portefaix
Jésus, qu'ai-je donc fait ?


Mais toujours, tous les jours, Jésus nous tend la main,
A cette heure, aujourd'hui, comme à l'autre, demain.
"Duc in altum", plongeons vers le nouveau rivage,
Goûtons l'éternité dans l'étreinte sauvage
De l'Amour qui surgit de nos brouillards épais
Et nous dit : "Ne crains pas, c'est moi, je t'attendais,
Reçois La Vie, ma Paix".

 
 
 

COMMÉMORATION DES FIDÈLES TRÉPASSÉS

de Paul CLAUDEL (extrait)

Commémoration du jour de la première pénitence où Dieu se repentit de son ouvrage,
A cause de l'homme à peine commençant qui fornique et prostitue son image,
La semence de toutes les espèces est conservée dans l'Arche qui flotte à l'abri du naufrage
Sur les eaux qui recouvrent la terre. .
Premier Novembre, commémoration du déluge dans l'obscurité et le brouillard qu'on peut couper comme du pain.
Mais à l'église le matin, fête double-majeure en or et en latin et Anniversaire de Tous les Saints,
De tous les Saints sans qu'il en manque un seul dont le Ciel pour s'allumer a attendu que le nôtre fût éteint
Dans l'inimaginable Mystère!
Au chSur, recension de tous les Saints jusqu'au dernier avant Midi, et le soir
Intronisation de la mort à tous les murs, exhaussement du pli funèbre dans le noir !
Entrée avec nous de tous les morts, la cloche sonne dans la pluie ! dont nous gardons ou non la mémoire,
Commencement de la nuit.
Commémoration de tous les morts, commencement de Tous-les-Fidèles-Trépassés,
La lampe qu'on allume avec un frisson, glas des cloches dans la pluie glacée, pleur,
Gêne, poids du péché mortel sur le cSur, et peur du Jugement dernier,
Anticipation de l'agonie !
Je lis l'Office des Morts dans- la nuit, et bientôt, je serai mort aussi, et déjà le monde extérieur a disparu.
Un brouillard aussi obscur, aussi cru que l'eau de mer, ensevelit le port et les rues.
Il n'y a plus que moi de vivant dans la lampe, et sous moi serrées les eaux de ces grandes multitudes inentendues*
A qui je lis le Miserere.
Je suis vivant, et l'onde et le remuement sous moi de ces grandes multitudes pitoyables!
Je lis le Miserere à la mer sans bordure qui gît entre le ciel et le diable.
Je lis et j'entends respirer, tout près dans l'éternité, sous moi battre la mer coupable,
Le peuple qui ne peut plus mériter.
 
*AquSquas vidistipopuli sunt et gentes et linguS. -Apoc. XVII, 15.
 
 
Prière à mon Ange Gardien
 

Saint Ange de Dieu qui êtes mon gardien,
Pure lumière d amour
Fils très glorieux de notre Père,
Serviteur adorant,
Beauté redoutable,
Flambeau ardent de désir et de joie,
Puissance terrible aux démons,
Vous qui m avez supporté cette année,
Je vous rends grâce.
Pardonnez-moi mes résistances à votre
Sainte lumière.
Pardonnez-moi la souffrance mystérieuse,
O pur Esprit,
Que j ai pu vous causer
Dans le CSur Très-doux de notre Dieu.
Donnez-Lui la gloire que je voudrais Lui rendre
Du fond de mon extrême misère,
Vous Esprit de feu,
Souffle amoureux,
Embrasement d adoration,
Offrez-moi à Lui tout entier
Afin qu Il me consume, et soyez
O bel Ange,
Le tendre ami de mon âme,
Eternellement.

Anonyme
 
Extrait du cycle : "le Rosaire"
L Agonie de Jésus au jardin des oliviers
(fruit du Mystère : la contrition de nos péchés)

Ses disciples, couchés, sommeillent à l écart,
Ignorants de la lutte que, seul, Il doit livrer.
Prostré dans les ténèbres, Il vit un cauchemar
Tel qu aucun romancier ne pourrait le narrer.

Assailli de visions abjectes, abominables,
Il prend sur Lui, le Saint, les infamies du monde,
Nos plus menus péchés et nos méfaits immondes
Qui sont tous, à Ses yeux, des affronts innommables.

Il sait ce qui L attend. De détresse, Il chancelle.
Sa sanglante sueur abondamment ruisselle.
Sa Passion est là, qu Il ne peut éluder.

Un ange Le secourt, et Il reprend courage
Pour affronter l horreur et achever l Ouvrage.
Au loin, quelques lueurs... Ils ne vont plus tarder.

 

La Flagellation
(fruit du Mystère : la mortification des sens)

Un soldat Le dépouille, Lui attache les mains
En haut d une colonne, dans l angle de la cour.
Des bourreaux chevronnés, deux solides Romains,
Prenant bien leur élan, officient tour à tour.

La violence est extrême, et la souffrance aiguë.
Sa peau, fragilisée par la sueur de sang,
Éclate sous les coups multiples et puissants,
Les lanières cruelles lacèrent Son corps nu.

Le grand Nazaréen supporte sans broncher
Ce déluge de plomb. Il s abstient de flancher
Pour que les prophéties anciennes s accomplissent.

Les deux brutes en nage, sans la moindre vergogne,
N arrêtent qu à cent coups, au bas mot, leur besogne,
Puis délient la victime, dont d autres se saisissent...

Le Couronnement d épines
(fruit du Mystère : la mortification de l amour-propre)

Ce n était pas assez de Le mettre au supplice,
Encore faut-il railler le Juste pantelant :
« Il se dit roi des Juifs ? Allons, point d avarice !
D un vieux manteau de pourpre, faisons-lui le présent !

Mais, faute de couronne, sur quoi règnerait-il ?
Ce jujubier, là-bas, fera très bien l affaire ! ».
En couper une branche est fort aisé à faire,
Et la tresser en casque également facile.
.
Son sceptre ? Un vil roseau. Ses hommages ? Des coups.
Les épines, en Sa chair, préfigurent les clous.
Le sang zèbre Sa Face, la couvre par endroits.

Comment donc ces païens pourraient-ils se douter
Qu ils consacrent ainsi, fût-ce pour se moquer,
Le culte que toute âme doit dédier au Christ-Roi ?

 

Le portement de la Croix
(fruit du Mystère : la patience dans les épreuves)

Le bois mal dégrossi Lui racle les épaules,
Il essuie les crachats, les quolibets, la haine.
Fidèle aux Écritures, Il joue dûment Son rôle
Et Se laisse insulter, vouer à la géhenne.

Soudain, Il voit Sa Mère, écrasée de douleur &
Échangeant des regards pleins d Amour désolé,
Ils doublent leur chagrin, les deux Immaculés,
Îlots de Charité perdus dans la fureur &

Comme on le brutalise, Il redresse le torse
Et, désireux d aller jusqu au bout de Ses forces,
Repart en surmontant Son pitoyable état.

Il tombe et se relève sur le rugueux chemin,
Il titube, Il trébuche et aperçoit enfin,
Au détour d une rue, le sombre Golgotha.

Le Crucifiement
(fruit du Mystère : le don de soi à l Suvre de la Rédemption)

Dévêtu en public, blessé dans Sa pudeur,
Le voici crucifié, l Agneau si doux, si tendre.
Il n est plus que disgrâce, meurtrissure et malheur,
Parce qu un peuple est sourd, qui ne veut pas entendre.

Plus bel Enfant des hommes, Il pend, défiguré,
Abandonné des Siens, abreuvé de blasphèmes.
Il s adresse à Marie, qui se tient digne et blême,
Et lui donne pour fils l apôtre préféré.

Ces mots, ce Sacrifice font des hommes Ses frères
Et rachètent tous ceux qui, en Son Nom, espèrent.
Il peut mourir en paix, car tout est consommé.

Au Temple, le rideau se déchire et frémit.
Le sol tremble et se fend, afin qu en ses replis,
De l Alliance de sang, la graine soit semée.

Anonyme