Pax
LETTRE ENCYCLIQUE
"SACRA VIRGINITAS"
A nos Vénérables Frères les Patriarches, Primats,
Archevêques, Évêques et autres Ordinaires en paix et
communion avec le Siège Apostolique.
PIE XII, Pape
VÉNÉRABLES FRÈRES, SALUT ET BÉNÉDICTION
APOSTOLIQUE,
Introduction
Virginité et chasteté parfaite sont le plus beau fleuron
de l’Église
1. La sainte virginité et cette parfaite chasteté, qui
est consacrée au service de Dieu sont sans aucun doute, un des
plus précieux trésors que son Fondateur a laissé
comme héritage à la société qu’il a
établie, l’Église.
2. C’est assurément pourquoi les saints Pères ont
souligné que la virginité perpétuelle est un don
supérieur d’origine essentiellement chrétienne. Et
c’est à bon droit qu’ils remarquent que, si les païens
de l’antiquité demandaient aux vestales un tel genre de vie,
ils ne l’imposaient que pour un certain temps (cf. S. AMBROISE,
De virginibus, L 1er, c. IV, n 15 ; De virginitate, c III, n 13 ; PL XVI,
193. 269) ; et lorsque dans l’Ancien Testament on prescrivait de
garder et de pratiquer la virginité, on l’ordonnait seulement
comme une conditions préliminaire au mariage (cf. Exod. XXII, 16-17
; Deut. XXII, 23-29 ; Eccli. XLII. 9) ; et par ailleurs — comme
l’écrit saint Ambroise (S. AMBROISE. De virginibus, L 1er,
c III, n 12 ; P.L. XVI, 192) — " nous lisons qu’il y
avait aussi des vierges au Temple de Jérusalem. Mais que, dit l’Apôtre
? "Toutes ces choses leurs sont arrivées en figure" (1
Cor. X, 11) pour présager les temps futurs ".
3. Et certainement depuis les temps apostoliques, cette vertu s’est
développée et a fleuri dans le jardin de l’Église.
Lorsque, dans les Actes des Apôtres (Act. XXI, 9), il est écrit
que les quatre filles du diacre Philippe étaient vierges, c’est
pour signifier assurément leur état de vie plus que leur
jeunesse. Et, pas longtemps après, Ignace d’Antioche, en
saluant les vierges, rappelle (cf. S. IGNACED’ANTIOCHE, Ep. ad Smyrn…,
c. XIII ; Ed. Funk-Diekamp, Patres Apostolici, vol 1er p. 286), qu’elles
constituaient déjà, avec les veuves, un élément
important de la communauté de Smyrne. Au IIème siècle
— comme en témoigne saint Justin, — " un grand
nombre des deux sexes, à l’âge de 60 et 70 ans, persévèrent
sans tache, formés depuis leur enfance à la discipline du
Christ ". (S. JUSTIN, Apolo. I pro christ., c XV ; P.G., VI, 349).
Peu à peu s’accrût le nombre des hommes et des femmes
qui vouaient leur virginité à Dieu ; et de la même
façon l’importance de l’office dont ils s’acquittaient
dans l’Église s’accentua grandement comme Nous l’avons
amplement exposé dans Notre Constitution apostolique Sponsa Christi
(cf. Const. apost. Sponsa Christi A.A.S., XLIII, 1951, p 5-8).
4. Et, d’autre part, les saints Pères — comme Cyprien,
Athanase, Ambroise, Jean Chrysostome, Jérôme, Augustin et
bien d’autres — l’ont exaltée, dans leurs écrits
sur la virginité avec les plus grandes louanges. Cette doctrine
des saints Pères, enrichie au cours des siècles par les
Docteurs de l’Église et les maîtres de l’ascèse
chrétienne, a certainement une grande influence pour susciter et
affermir la résolution une fois prise de se vouer à Dieu
dans la chasteté parfaite et d’y persévérer
jusqu’à la mort.
La Virginité fleurit chez de nombreux fidèles de toute
condition
5. La multitude des fidèles qui, depuis le début de l’Église
jusqu’à nos jours, ont consacré à Dieu leur
chasteté, est incalculable : les uns en gardant intacte leur virginité,
d’autres en lui vouant à la mort du conjoint leur veuvage,
d’autres enfin, en regrettant leurs péchés, par le
choix d’une vie parfaitement chaste ; mais tous se distinguent par
cette résolution commune de s’abstenir pour Dieu, des plaisirs
de la chair et cela pour toujours. Que, par conséquent, ce que
les saints Pères ont proclamé touchant le mérite
et la gloire de la virginité, que cela soit pour tous ceux-ci une
invitation, une aide et une force pour persévérer fermement
dans l’offrande de leur sacrifice, à savoir de ne rien soustraire,
même si peu que ce soit, ni se réserver de l’holocauste
qu’ils ont offert sur l’autel de Dieu.
6. Mais si un des trois vœux qui constituent l’état
religieux repose sur cette chasteté parfaite (cf. Code de droit
canon de 1917, can. 487°, et si elle est demandée aux clercs
de l’Église latine ordonnés dans les Ordres majeurs
(cf. Code de droite canon de 1917, can 132, § 1er) et si on l’exige
des membres des Instituts séculiers (cf. Const. apost. Provida
Mater, art 3 § 2 ; A.A.S. XXXIX, 1947, p.121), cette vertu est également
florissante chez de nombreux fidèles qui restent à l’état
purement laïque ; car il y a des hommes et des femmes qui ne sont
pas dans l’état public de perfection et qui cependant renoncent
totalement au mariage et aux plaisirs de la chair de propos délibéré
et même par vœu privé, afin de servir plus librement
le prochain et d’unir leur âme à Dieu plus facilement
et d’une manière plus intime.
7. A chacun et à tous ces fils et filles très chers qui
ont consacré leur corps et leur âme à Dieu, de quelque
façon que ce soit, Nous Nous adressons d’un cœur paternel,
et Nous les exhortons vivement à affermir la résolution
qu’ils ont prise et à vouloir y rester fidèles avec
soin.
8. Mais, parce qu’il y en a aujourd’hui un bon nombre qui,
s’écartant de la voie droite sur ce point exaltent tellement
le mariage au point de le préférer même à la
virginité et déprécient à cause de cela la
chasteté consacrée à Dieu et le célibat ecclésiastique,
conscient des exigences de Notre charge apostolique Nous devons proclamer
et défendre spécialement à présent, l’excellence
du don de la virginité, pour garder de ces erreurs la vérité
catholique.
I. — La foi chrétienne nous enseigne l’excellence
de la virginité.
9. Tout d’abord nous pensons devoir rappeler que l’Église
a reçu des lèvres mêmes de son divin Époux
l’essentiel de la doctrine touchant la virginité.
10. Comme en effet, les disciples trouvaient trop lourds les liens et
les difficultés du mariage que leur Maître leur avait exposés
dans son discours et comme ils lui disaient : " Si telle est la situation
de l’homme à l’égard de la femme, mieux vaut
ne pas se marier " (Matth. XIXX, 10). Jésus-Christ leur répondit
que tous ne comprenaient pas cette parole, mais seulement ceux qui en
avaient le don ; que certaines étaient empêchés de
se marier par un défaut naturel, d’autres par la violence
et la malice des hommes, mais que d’autres s’en abstenaient
spontanément, de leur propre volonté et le faisaient "
pour le règne des cieux " ; et il conclut par ces paroles
: " Comprenne qui peut comprendre. " (Ibid. , XI, 12.)
11. Par ce mot donc, le divin Maître ne faisait pas allusion aux
empêchements physiques de contracter mariage, mais à la résolution
spirituelle d’une libre volonté de s’abstenir pour
toujours du mariage et des plaisirs du corps. En faisant cette comparaison
entre ceux qui ont décrété spontanément ce
renoncement et ceux qui du fait de la nature ou de la violence des hommes,
sont forcés d’y renoncer, le divin Rédempteur ne nous
enseigne-t-il pas qu’en vérité la chasteté,
pour être réellement parfaite, doit être perpétuelle
?
Ce qu’est la Virginité chrétienne dans l’enseignement
des Pères et des Docteurs
12. De plus — comme l’ont enseigné très clairement
les saints Pères et Docteurs de l’Église, —
la virginité ne peut être une vertu chrétienne si
nous ne l’embrassons pas " pour le règne des cieux "
(Ibid., 12) : c’est-à-dire si nous ne prenons pas cette condition
de vie pour pouvoir plus facilement nous appliquer aux choses divines
; pour arriver plus sûrement un jour à la béatitude
éternelle : pour pouvoir enfin plus librement, conduire les autres
aussi au règne des cieux en nous nous y appliquant avec soin.
13. Ils ne peuvent donc revendiquer l’honneur de la virginité
chrétienne ces chrétiens ou chrétiennes qui renoncent
au mariage par égoïsme démesuré ou pour en fuir
les charges comme l’observe saint Augustin (S. AUGUSTIN, De sancta
virginitate, C XXII. P.L. XL, 407), ou même à la manière
des pharisiens pour faire orgueilleusement parade de leur intégrité
corporelle, ce que déjà le Concile de Gangres réprouvait,
condamnant ceux qui, vierges ou continents, s’abstenaient du mariage
comme d’une abomination et non pour la beauté et la sainteté
même de la virginité (Cf. can. 9 ; Mansi, Coll. Concil. II,
1096).
14. Et c’est pourquoi l’Apôtre des nations, inspiré
de l’Esprit-Saint, nous avertit : " L’homme qui n’est
pas marié a souci des affaires du Seigneur, des moyens de plaire
au Seigneur… Et la femme sans mari, comme la vierge, pense aux choses
du Seigneur, pour être sainte de corps et d’esprit. "
(Cf. I Cor, VII, 32, 34). Telle est donc la première intention,
telle est la principale raison de la virginité chrétienne
; à savoir d’aspirer uniquement et de diriger son esprit
et son cœur vers les choses divines ; de vouloir plaire à
Dieu en toutes choses ; de penser à lui intensément et de
lui consacrer totalement son esprit et son corps.
15. Les saints Pères ont toujours interprété de
cette façon la parole de Jésus-Christ et la doctrine de
l’Apôtre des nations ; depuis les premiers temps de l’Église,
en effet, ils ont tenu la virginité pour l’offrande à
Dieu de la consécration du corps et de l’esprit. Aussi saint
Cyprien demande aux vierges " que s’étant consacrées
au Christ, elles s’abstiennent de tout plaisir charnel, qu’elles
se vouent à Dieu de corps et d’esprit… qu’elles
ne recherchent point de parure, ni à plaire à qui que ce
soit, si ce n’est à Dieu ". (S. CYPRIEN. De habitu virginum,
4 ; P.L. IV, 443.) L’évêque d’Hippone, avec plus
de précision déclare : " Ce n’est pas pour elle-même,
parce que c’est la virginité, mais parce qu’elle est
consacrée à Dieu qu’on l’honore… Et nous
ne la louons pas dans les vierges parce qu’elles sont vierges, mais
parce qu’elles sont des vierges consacrées à Dieu
par une pieuse continence " (SAINT AUGUSTIN.De sancta virginitate,
c. VIII, 11 ; PL XL, 400, 401). Les principes de la sacrée théologie,
saint Thomas d’Aquin (S. THOM.Sum. theol… IIa IIæ q
CLII a. 3) et saint Bonaventure (S. BONAVENTUREDe perfectione evangelica
q III a 3, sol. 5), se basant sur l’autorité de saint Augustin
enseignent que la virginité ne possède pas la fermeté
de la vertu si elle ne vient pas d’un vœu de la garder perpétuellement
sans tache. Et, en effet, ceux-là réalisent le mieux et
le plus parfaitement la parole du Christ touchant la perpétuelle
abstinence du mariage qui s’obligent par un vœu perpétuel
à la garder ; et on ne peut justement prétendre que soit
meilleure et plus parfaite l’intention de ceux qui voudraient se
réserver la possibilité de se libérer de son obligation.
La charité seule
inspire et anime la virginité chrétienne
16. Les saints Pères ont considéré ce lien de la
chasteté parfaite comme une espèce de mariage spirituel
par lequel l’âme s’unit au Christ ; et c’est pourquoi
certains se sont avancés jusqu’à comparer à
l’adultère la violation d’un vœu en cette matière
(Cf. S. CYPRIEN, De habitu virginum, c. XX ; P.L., IV, 459). C’est
pourquoi saint Athanase écrit que l’Église catholique
a la coutume d’appeler épouses du Christ celles qui se distinguent
par la vertu de virginité (Cf. S. ATHANASE, Apl. ad Constant.,
33 ; P.G. XXV, 640). Et saint Ambroise, en écrivant sobrement sur
la virginité, a ce mot : " Est vierge celle qui épouse
Dieu. " (S. AMBROISE, De virginibus, L 1er c. VIII, n 52 ; P.L. XVI,
202) Bien mieux, comme il ressort des écrits du même évêque
de Milan (Cf. ibid. L III, c I-III n. 1-14 ; De institutione virginis,
c. XVII, n. 104-114 ; P.L., XVI, 219-224, 33-336), dès le IVe siècle,
le rite de la consécration des vierges était fort semblable
à celui qu’emploie l’Église dans la bénédiction
du Mariage jusqu’en notre temps (Cf. Sacramentarium Leonianum, XXX
; P.L.LV, 129 ; Pontificale Romanum : " De benedictione et consecratione
virginum ").
17. C’est pourquoi les saints Pères exhortent les vierges
pour qu’elles aiment leur divin Époux avec plus d’ardeur
qu’elles n’aimeraient celui qui aurait été leur
conjoint, et de suivre toujours sa volonté dans leurs pensées
et leurs actions (cf. S. CYPRIEN, De habitu virginum, 4 et 22 ; P.L.,
443-444 et 462 ; S. AMBROISE, De virginibus, L Ier, c. VII, n. 37 ; P.L.,
XVI, 199). Saint Augustin leur écrit même : " Aimez
de tout votre cœur le plus beau des enfants des hommes : cela vous
est loisible ; votre cœur est libre des liens conjugaux… Si
donc vous devriez un grand amour à vos conjoints, combien plus
devez-vous aimer Celui pour qui vous n’avez pas voulu avoir de conjoints
? Qu’il soit fixé dans votre cœur profondément
Celui qui pour vous a été attaché à la croix.
" (S. AUGUSTIN, De sancta virginitate, c. LIV-LV ; P.L., XL, 428)
Ce qui d’ailleurs correspond aux sentiments et résolutions
que l’Église elle-même demande aux vierges, dans le
rite de leur consécration à Dieu, quand elle les invite
à prononcer ces paroles : " J’ai méprisé
le royaume de ce monde et tout le faste du siècle pour l’amour
de Notre-Seigneur Jésus-Christ, que j’ai vu, que j’ai
aimé, en qui j’ai cru, que j’ai préféré
" (Pontificale Romanum : " De benedictione et consecratione
virginum ".) Il n’y a donc rien d’autre qui incline avec
suavité la vierge à consacrer totalement son corps et son
âme au divin Rédempteur, sinon l’amour de Dieu, selon
les très belles paroles que saint Méthode, évêque
d’Olympe, met sur ses lèvres : " Christ, tu es tout
pour moi. Je me garde chaste pour toi, et tenant ma lampe resplendissante,
je cours au-devant de toi. " (S. MÉTHODED’OLYMPE, Convivium
decem virginum, or. XI, c. II ;P.G., XVIII, 209). C’est donc l’amour
du Christ qui conseille à la vierge de se réfugier dans
l’enceinte d’un monastère, et d’y demeurer toujours
pour contempler et aimer plus librement et plus facilement son Époux
céleste ; c’est cet amour qui la stimule puissamment à
entreprendre les œuvres de miséricorde en faveur du prochain
de toutes ses forces jusqu’à la mort.
18. Pour ces hommes " qui ne se sont pas souillés avec les
femmes, car ils sont vierges " (Apoc.XIV, 4), l’apôtre
saint Jean assure : " Ceux-ci suivent l’Agneau partout où
il va. " (Ibid.) Méditons donc cette exhortation que saint
Augustin adresse à tous : " Suivez l’Agneau, parce que
vierge est assurément la chair de l’Agneau… A bon droit
vous le suivez par la virginité du cœur et de la chair partout
où il va. Qu’est-ce, en effet, que le suivre sinon l’imiter
? Car le Christ a souffert pour nous, nous laissant son exemple, comme
dit l’apôtre Pierre, " pour que nous suivions ses traces
". (I Petr. II, 21 ; S. AUGUSTIN, De sancta virginitate, c. XXVII
; P.L., XL, 411). Tous ces disciples et épouses du Christ ont donc
embrassé l’état de la virginité, comme le dit
saint Bonaventure, " par conformité avec le Christ leur époux,
à qui leur état rend semblables les vierges ". (S.
BONAVENTURE. De perfectione evangelica, q. III, A. 3.) Il ne pouvait suffir,
en effet à leur ardente charité envers le Christ de lui
être unie par les simples liens de l’affection : mais il fallait
absolument que cette même charité fût éprouvée
par l’imitation de ses vertus, particulièrement par une conformité
avec sa vie, toute consacrée au bien et au salut du genre humain.
Si les prêtres, si les religieux, si les religieuses, si enfin tous
ceux qui d’une manière ou d’une autre, se sont voués
au service de Dieu, observent la chasteté parfaite, c’est
en définitive parce que leur Maître divin fut vierge jusqu’à
la fin de sa vie. " C’est même le Fils unique de Dieu,
s’écrie saint Fulgence. Fils également unique de la
Vierge, unique Époux de toutes les vierges saintes, fruit, ornement
et récompense de la sainte virginité, lui que la sainte
virginité a engendré, que la sainte virginité épouse
spirituellement, lui qui féconde la sainte virginité pour
qu’elle persévère sans tache, lui dont elle est ornée
pour qu’elle reste belle, lui qui la couronne pour qu’elle
règne éternellement glorieuse. " (S. FULGENT. Epist.,
III, c IV, n 6 ; P.L. LXV, 326).
… Pour servir Dieu
plus librement et plus facilement
19. Nous estimons ici opportun, Vénérables Frères,
de développer davantage et d’expliquer avec un plus grand
soin pour quelles raisons l’amour du Christ pousse les cœurs
généreux à renoncer au mariage et quels liens secrets
existent entre la virginité et la perfection de la charité
chrétienne. La parole du Christ que Nous avons rapportée
plus haut suggère déjà que le parfait renoncement
au mariage libère les hommes de leurs lourds fardeaux et graves
devoirs. Inspiré par l’Esprit divin, l’Apôtre
des nations expose la raison de cette libération en ces termes
: " Je veux vous voir exempts de soucis… Celui qui est avec
une femme a souci des affaires de ce monde, des moyens de plaire à
sa femme ; et le voilà partagé. " (I Cor.VII, 32-33)
On doit pourtant, à cet égard, remarquer que l’Apôtre
ne blâme pas les hommes de se préoccuper de leurs épouses,
et il ne reproche pas aux épouses de chercher à plaire à
leurs maris ; mais il assure plutôt que leurs cœurs sont partagés
entre l’amour du conjoint et leur amour de Dieu, et qu’ils
sont tiraillés par des soucis aigus, et qu’à cause
des devoirs qu’ils ont contractés en se mariant, ils ne peuvent
facilement se donner à la méditation des choses divines.
Car le devoir de leur union qui les lie leur commande clairement : "
Ils seront deux dans une seule chair. " (Gen. II, 24 ; cf. Matth.
XIX, 5) Et, en effet, les conjoints sont tenus par des liens mutuels,
tant dans les tristesses que dans les joies de tout ce qui arrive (cf.
I Cor. VII, 39). On comprend dès lors facilement pourquoi ceux
qui désirent s’adonner au service de Dieu embrassent l’état
de vie virginale comme une libération, c’est-à-dire
pour pouvoir plus pleinement servir Dieu et se dévouer de toutes
leurs forces au bien du prochain. Comment, par exemple un missionnaire
de l’Évangile comme saint François Xavier, un père
des pauvres comme saint Vincent de Paul, un éducateur de la jeunesse
comme saint Jean Bosco, une " mère des émigrés
" comme sainte Françoise-Xavier Cabrini, auraient-ils pu accomplir
des œuvres aussi grandes et aussi pénibles s’ils avaient
dû pourvoir aux besoins matériels et spirituels d’un
conjoint et de plusieurs enfants ?
Elle facilite l’élévation de la vie spirituelle
et féconde l’apostolat
20. Il y a encore une autre raison pour que tous ceux qui aspirent à
se dévouer à Dieu et au salut du prochain embrassent l’état
de virginité. C’est ce qu’affirment les saints Pères,
quand ils traitent des avantages que peuvent trouver ceux qui s’abstiennent
de ces plaisirs du corps pour mieux goûter les élévations
de la vie spirituelle. Sans aucun doute comme ils l’ont clairement
observé, — une volupté de ce genre, comme celle qui
vient légitimement du mariage, n’est pas condamnable en soi
; bien mieux, le chaste usage du mariage est ennobli et consacré
par un sacrement spécial. Toutefois, il faut également reconnaître
que les facultés inférieures de la nature humaine, après
la chute misérable d’Adam, font obstacle à la droite
raison et même parfois poussent l’homme à agir contre
ses devoirs. Comme l’écrit le Docteur angélique, l’usage
du mariage " occupe l’âme et l’empêche de
s’adonner entièrement au service de Dieu ". (S. THOMAS,
Sum. theol. IIa- IIæ, q CLXXXVI, a. 4)
21. C’est précisément pour que ses ministres sacrés
arrivent à cette liberté spirituelle de l’esprit et
du corps et qu’ils ne soient pas embarrassés dans des affaires
terrestres que l’Église latine leur demande d’assumer
volontairement et de bon gré l’obligation de la chasteté
parfaite (Cf. Code de droit canon 1917, can. 132 §1). " Si cette
même loi ne lie pas dans toute sa rigueur — comme le rappelait
Notre Prédécesseur d’immortelle mémoire, Pie
XI — les clercs de l’Église orientale, chez eux aussi
pourtant, le célibat ecclésiastique est en honneur : et
en certains cas — quand il s’agit des plus hauts degrés
de la hiérarchie — c’est une condition nécessaire
et obligatoire. " (Cf. lettre Enc Ad catholici sacerdotii fastigium.
A.A.S., XXVIII, 1936 p. 24-25)
22. Il faut de plus observer que les ministre sacrés s’abstiennent
complètement du mariage, non seulement pour qu’ils s’acquittent
de leur charge apostolique, mais également parce qu’ils servent
à l’autel. Car, si déjà, dans l’Ancien
Testament les prêtres s’abstenaient de l’usage du mariage
lorsqu’ils s’acquittaient du service du Temple pour ne pas
contracter l’impureté légale comme les autres hommes
(cf. Lév XV, 16-17 ; XXII, 4 ; 1 Sam., 21, 5-7 ; S. SIRICE, Pape,
Ep ad Himer., 7 ; P.L., LVI, 558-559), combien plus il convient que les
ministres de Jésus-Christ, qui offrent chaque jour le Sacrifice
eucharistique, se distinguent par une chasteté perpétuelle
? Pour ce qui regarde cette continence parfaite des prêtres, saint
Pierre Damien observe sous une forme interrogative : " Si donc notre
Rédempteur a tant aimé cette fleur de la chasteté
parfaite, au point non seulement de naître du sein d’une Vierge,
mais encore de recevoir les soins d’un nourricier vierge, et cela
alors que tout enfant il vagissait dans la crêche, à qui,
dites-moi, veut-il confier son corps maintenant qu’il règne
immense dans les cieux ? " (SAINT PIERRE DAMIEN, De cœlibatu
sacerdotum, c. III ; P.L., CXLV, 384).
Sa supériorité sur le mariage
23. Pour ce motif surtout, il faut affirmer — ce que l’Église
enseigne clairement — que la sainte virginité l’emporte
par son excellence sur le mariage. Le divin Rédempteur l’avait
déjà suggéré à ses disciples comme
un conseil de vie plus parfaite (Cf. Matth. XIX, 10-11) et l’apôtre
Paul après avoir dit du père qui donne sa fille en mariage
: " Il fait bien " ajoute aussitôt : " Et celui qui
ne la donne pas en mariage fait mieux ". (ICor. VII, 38) Ce même
apôtre, tout en comparant le mariage avec la virginité, plus
d’une fois expose sa pensée, surtout lorsqu’il dit
: " Je veux, en effet, que vous soyez tous comme moi… Aux célibataires
et aux veuves, je dis donc : qu’il est bon de demeurer comme moi.
" (Ibid. VII, 7-8) Si donc, comme Nous l’avons écrit,
la virginité l’emporte sur le mariage cela vient surtout
sans doute de ce qu’elle tend à réaliser une fin plus
excellente (Cf S. THOMAS, Sum. theol. IIa- IIæ, q CLII a. 3-4) ;
et que, de plus, elle offre un moyen très efficace de s’adonner
totalement au service de Dieu : alors qu’au contraire, l’âme
de celui qui est engagé dans les liens et affaires du mariage est
plus ou moins " partagée ". (Cf. I Cor., VII 33)
24. Mais si nous considérons l’abondance de fruits qui en
proviennent alors sans aucun doute, son excellence est mise encore en
plus grande lumière : car " on connaît l’arbre
à ses fruits ". (Matth XII, 33)
Des multitudes de vierges ont été de tous temps l’honneur
et la gloire de l’Église
25. Nous ne pouvons Nous empêcher d’éprouver une immense
et très douce joie à la pensée de cette innombrable
phalange de vierges et d’apôtres qui dès les débuts
de l’Église jusqu’en nos temps ont renoncé au
mariage pour se consacrer plus facilement et plus pleinement au salut
du prochain par amour pour le Christ et ont déployé de si
admirables initiatives sur le plan de la religion et de la charité.
Car, même si Nous ne voulons, comme il convient, rien enlever de
leurs mérites et des fruits de leur apostolat à ceux qui
militent dans les rangs de l’Action catholique et peuvent dans leur
activité salutaire, atteindre ceux que des prêtres et des
religieux et religieuses ne peuvent approcher : néanmoins, Nous
savons que c’est à ceux-ci pour la plus grande part qu’il
faut attribuer les œuvres de cette charité. Ceux-là,
en effet, suivent et dirigent la vie des hommes de tout âge et de
toute condition d’un cœur généreux et quand ils
succombent à la fatigue ou à l’infirmité, ils
confient aux autres la continuation de leur mission sacrée, comme
un héritage. Aussi, il arrive souvent que l’enfant à
peine né soit accueilli en des mains virginales et que rien ne
lui manque de ce que la mère elle-même pourrait en son amour
intense lui donner ; de même lorsqu’il a grandi et s’est
ouvert à la raison, on le confie pour l’élever à
ceux qui pourront donner à son âme l’enseignement de
la doctrine chrétienne, orner son esprit des sciences profitables
et formeront comme il faut ses facultés et son caractère.
Si quelqu’un souffre d’une maladie ou pâtit d’autres
maux, il est entouré de ceux qui animés par la charité
du Christ, s’efforcent de lui rendre la santé par leurs soins
vigilants et les remèdes convenables. Qu’ils s’agisse
de celui qui est privé de ses parents ou qui se trouve accablé
de misères spirituelles ou par la pauvreté ou qui ait été
mis en prison, il ne sera pas sans réconfort et sans secours ;
mais les ministres sacrés, les religieux, les vierges consacrées
verront avec pitié en lui comme un membre souffrant du Corps mystique
de Jésus-Christ, se souvenant de la parole du divin Rédempteur
lui-même : " J’ai eu faim, en effet, et vous m’avez
donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez
donné à boire ; j’étais un étranger
et vous m’avez recueilli ; nu et vous m’avez vêtu ;
infirme et vous m’avez visité ; en prison, et vous êtes
venu à moi… En vérité, je vous le dis, ce que
vous avez fait à l’un des moindres d’entre mes frères
que voici, c’est à moi que vous l’avez fait. (Matth.
XXV 35-36 40) Que dirions-Nous pour louer en tout point les hérauts
de la parole de Dieu, qui, loin de leur patrie supportent les plus accablants
labeurs pour convertir des multitudes d’infidèles à
la foi chrétienne ? Que dire des épouses sacrées
du Christ qui leur donnent le secours de leur collaboration très
précieuse ? Pour chacun et pour tous, Nous répétons
ces mots que Nous écrivions dans Notre Exhortation apostolique
Menti Nostræ : "… Par cette obligation du célibat,
bien loin de perdre entièrement le privilège de la paternité,
le prêtre l’accroît à l’infini, car la
postérité qu’il ne suscite pas à cette vie
terrestre, il l’engendre à la vie céleste et éternelle.
" (A.A.S., XLII 1950 p 663)
26. D’autre part, la virginité n’est pas seulement
féconde par les initiatives et les œuvres extérieures
auxquelles peuvent se dévouer plus facilement et plus pleinement
tous ceux qui l’embrassent mais encore en raison des formes de charité
parfaite à l’égard du prochain comme le sont leurs
ardentes prières appliquées à son intention et les
lourdes privations supportées spontanément et volontiers
pour la même raison. A tout cela, les serviteurs de Dieu et les
épouses de Jésus-Christ — ceux et celles surtout qui
passent leur vie dans l’enceinte du cloître — ont consacré
leur vie.
27. Enfin, la virginité consacrée au Christ témoigne
par elle-même d’une telle foi dans le royaume de Dieu, montre
un tel amour à l’égard du divin Rédempteur,
qu’il ne faut pas s’étonner qu’elle produise
des fruits abondants de sainteté. Car ces vierges et tous ceux
qui s’adonnent à l’apostolat et se vouent à
la chasteté parfaite par la sainteté élevée
de leur vie sont en nombre presque incalculable, l’honneur de l’Église.
Cette virginité donne en effet aux âmes une telle force spirituelle
qu’elle peut s’il le faut les mener jusqu’au martyre
: et c’est ce qu’enseigne l’histoire très nettement
en proposant à l’admiration de tous tant de phalanges de
vierges depuis Agnès la Romaine jusqu’à Maria Goretti.
La " vertu angélique " témoigne de l’amour
vivant de l’Église pour son divin Époux
28. Ainsi ce n’est pas sans raison qu’on appelle la virginité
la vertu angélique : c’est ce qu’assure saint Cyprien,
en écrivant à des vierges : " Ce que nous serons plus
tard, vous commencez vous à l’être déjà.
Vous jouissez déjà en ce siècle de la gloire de la
résurrection ; vous passez dans le siècle sans en souffrir
la contagion. En persévérant dans la chasteté et
la virginité vous êtes égales aux anges de Dieu. "
(S. CYPR. de habitu virginum, 22 : P.L. IV 462 ; Cf S AMBROISEDe virginibus
L Ier, c VIII, n. 52 ; PL XVI, 202). A l’âme assoiffée
de vie très pure et brûlante du désir d’arriver
au règne de Dieu la virginité est offerte " comme une
pierre précieuse " pour laquelle un homme " a vendu tout
ce qu’il avait et l’a achetée " (Matth. XIII 46)
Quant à ceux qui sont mariés et même jusqu’à
ceux qui se roulent dans la fange des vices, lorsqu’ils voient des
vierges souvent ils admirent la splendeur de leur pureté et ils
se sentent poussés à la poursuite de ce qui doit surpassez
les plaisirs des sens. Ce qu’assure saint Thomas d’Aquin en
écrivant : " A la virginité… ont attribue une
beauté plus sublime. " (S. THOMSum theol. IIa IIæ q
CLII a.5) c’est sans aucun doute la raison pour laquelle les vierges
attirent tout le monde à leur exemple. Et, d’autre part ces
hommes et ces femmes ne démontrent-ils pas excellemment par leur
parfaite chasteté, que cette maîtrise de l’âme
sur les mouvements du corps est un effet du secours divin et un signe
de puissante vertu ?
29. Il nous plaît encore de souligner ce qui est le fruit le plus
suave de la virginité : c’est que les vierges manifestent
et rendent comme publique la parfaite virginité de leur Mère
l’Église elle-même et la sainteté de son étroite
union avec le Christ. C’est pour cela que très sagement ont
été écrites les paroles dont se sert le pontife en
suivant le rite de la consécration des vierges et en suppliant
Dieu en ces termes : " Afin qu’il y ait des âmes plus
sublimes qui méprisant dans le mariage les plaisirs de la chair
en cherchent la signification secrète et au lieu d’imiter
ce qui se pratique dans le mariage, aspirent à ce qu’il symbolise.
" (Pontificale Romanum : " De benedictione et consecratione
virginum ".)
30. C’est pour les vierges leur plus grande gloire qu’elles
soient les images vivantes de cette parfaite intégrité qui
unit l’Église avec son divin Époux. Elles offrent
en outre un signe admirable de la sainteté florissante et de la
fécondité spirituelle par laquelle excelle la société
fondée par Jésus-Christ et elles procurent à cette
même société une joie aussi intense que débordante.
C’est pourquoi saint Cyprien écrit fort à propos :
" C’est la fleur qui s’épanouit en l’Église
l’honneur et l’ornement de la grâce spirituelle, la
joie de sa nature, une œuvre parfaite et sans tache de louange et
de gloire, l’image de Dieu correspondant à la sainteté
du Seigneur, la part la plus illustre du troupeau du Christ. La glorieuse
fécondité de l’Église, notre Mère, se
réjouit par elles et en elles elle fleurit abondamment ; et plus
l’essaim des vierges grandit en nombre, d’autant plus croît
la joie de cette Mère. " (S. CYPR.De habitu virginum, 3 ;
P.L., IV 443.)
II. — Condamnation des erreurs
et doctrine de l’Église touchant la chasteté parfaite.
31. Cette doctrine qui établit l’excellence et la supériorité
de la virginité et du célibat sur le mariage, comme Nous
l’avons dit, a déjà été énoncée
par le divin Rédempteur et l’Apôtre des nations ; de
même au Concile de Trente (Sess., XXIV, Can 10) elle fut solennellement
définie comme dogme de foi divine et les Pères et les Docteurs
de l’Église ont toujours été unanimes à
l’enseigner. Nous-même, comme Nos Prédécesseurs,
chaque fois que l’occasion Nous en a été donnée,
Nous n’avons cessé de l’exposer et de la recommander
vivement. Cependant comme récemment plusieurs ont attaqué
cette même doctrine transmise par l’Église, non sans
graves dangers et dommages pour les fidèles en raison des devoirs
de Notre charge, Nous avons jugé opportun de l’exposer à
nouveau dans cette Encyclique et de dévoiler et condamner les erreurs
qui bien souvent, sont proposées sous la fausse apparence de la
vérité.
La chasteté ne nuit pas à l’organisme humain
32. D’abord, selon le sentiment commun d’hommes éprouvés
auquel l’Église a toujours fait honneur, ceux qui considèrent
l’instinct sexuel naturel comme la plus importante et la plus grande
inclination de l’organisme humain et par conséquent en concluent
que l’homme ne peut pendant toute sa vie contenir un tel instinct
sans courir le grave danger de détériorer son organisme
et particulièrement ses nerfs, et donc de nuire à l’équilibre
de sa personnalité, sont sans aucun doute dans l’erreur.
33. Comme saint Thomas le fait justement observer, l’instinct qui
est le plus profondément enraciné dans notre âme est
celui de la conservation, l’instinct sexuel ne vient qu’en
second lieu. De plus, il appartient à l’impulsion dirigeante
de la raison humaine, ce privilège singulier de notre nature de
maîtriser les impulsions et les instincts et de les ennoblir en
les dirigeant avec rectitude. (Cf SAINT THOMAS, Sum. theol., Ia -IIæ,
q. XCIV, a.2.)
34. Il est vrai, malheureusement qu’après le premier péché
d’Adam, les facultés et les désirs déréglés
de notre corps cherchent à dominer non seulement les sens, mais
les âmes en obscurcissant les esprits et en affaiblissant les volontés.
Mais la grâce de Jésus-Christ nous est donnée particulièrement
dans les sacrements pour que vivant de l’esprit, nous réduisions
notre corps en servitude. (Cf Gal. V, 25 ; 1 Cor, IX, 27) La vertu de
chasteté n’exige pas de nous que nous ne sentions pas l’aiguillon
de la concupiscence, mais plutôt que nous le soumettions à
la juste raison et à la loi de la grâce, en le faisant tendre
de toutes nos forces à ce qu’il y a de plus noble dans la
vie humaine et chrétienne.
35. Pour acquérir parfaitement cette domination de l’âme
sur les sens, il ne suffit pas de s’abstenir seulement des actes
qui sont directement contraires à la chasteté, mais il est
absolument nécessaire de renoncer volontairement et généreusement
à tout ce qui de près ou de loin offense cette vertu ; l’âme
régnera alors pleinement sur ce corps et pourra avec tranquillité
et liberté vivre de sa vie spirituelle. Qui ne voit parmi ceux
qui sont imprégnés des principes de la religion catholique
que la virginité et la chasteté parfaite loin de nuire au
développement et au progrès naturels de l’homme et
de la femme, les augmentent et les ennoblissent au plus haut point ?
On ne se sanctifie pas mieux dans le mariage que dans la virginité
36. Récemment, Nous avons avec regret condamné l’opinion
de ceux qui vont jusqu’à dire que seul le mariage peut assurer
à la personnalité humaine le développement naturel
et la perfection voulue. (Cf Allocution aux Supérieures générales
d’Ordres et Congrégations religieuses, 15 septembre 1952
; A.A.S., XLIV 1952 p. 824). Certains, en effet affirment que la grâce
donnée ex opere operato dans le sacrement de Mariage, sanctifie
l’usage du mariage jusqu’à en faire un moyen plus efficace
que la virginité elle-même pour unir les âmes à
Dieu puisque le Mariage chrétien est un sacrement tandis que la
virginité ne l’est pas. Nous dénonçons cette
doctrine comme fausse et pernicieuse. Certes, ce sacrement donne aux époux
la grâce d’accomplir saintement leur devoir conjugal et renforce
les liens de l’amour réciproque qui les unit : cependant
il n’a pas été institué pour faire de l’usage
du mariage en quelque sorte, un moyen plus apte en soi à unir à
Dieu les âmes des époux par les liens de la charité
(CF Décret du Saint-Office De matrimonii finibus, 1er avril 1944
; A.A.S., XXXVI, 1944 p 103). Saint Paul n’a-t-il pas plutôt
reconnu aux époux le droit de s’abstenir de l’usage
du mariage pour un certain temps afin de vaquer à la prière
(Cf 1 Cor. VII. 5), parce que cette abstinence rend plus libre l’âme
de celui qui veut s’adonner aux choses de Dieu et à la prière
?
37. Enfin, on ne peut pas affirmer, comme le font certains, que "
l’aide mutuelle " (cf. Code de droit canon 1917 can. 1013 §1er)
que les époux cherchent dans le mariage chrétien, soit pour
leur propre sanctification une aide plus parfaite que — selon l’expression
utilisée — la solitude de cœur des vierges et des non-mariés.
Car bien que ceux qui ont embrassé l’état de chasteté
parfaite aient renoncé à l’amour humain on ne peut
dire que par cette renonciation ils aient diminué ou dépouillé
leur personnalité humaine. Ils reçoivent, en effet, du Rémunérateur
céleste lui-même, un don spirituel qui dépasse de
loin " l’aide mutuelle " qu’il est donné
aux époux de recevoir l’un de l’autre. En se consacrant
à Celui qui est leur principe et qui leur communique sa vie divine,
bien loin de s’appauvrir, ils s’enrichissent au plus haut
point. Qui pourrait prendre à son compte d’une façon
plus vraie que les vierges cette phrase admirable de saint Paul : "
Ce n’est pas moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi.
" (Gal. II, 20.) ?
38. C’est pour cette raison que l’Église estime avec
sagesse devoir maintenir le célibat des prêtres parce qu’elle
sait qu’il est et doit être une source de grâces qui
les unit plus intimement à Dieu.
L’apostolat n’est pas plus efficace dans le mariage que dans
la virginité
39. Nous estimons opportun de parler encore de ceux qui pour détourner
les jeunes gens des Séminaires et les jeunes filles des Instituts
religieux, essayent de les persuader que l’Église, aujourd’hui,
a davantage besoin de l’aide et des exemples de vertu chrétienne
de ceux qui sont unis dans le mariage et vivent au milieu des autres hommes
que des prêtres et des religieuses qui, à cause de leur vœu
de chasteté vivent comme séparés de la société
humaine. Il n’est personne, Vénérables Frères,
qui ne voie que cette opinion est absolument fausse et pernicieuse.
40. Ce n’est certes pas notre intention de nier que les époux
catholiques par les exemples de leur vie chrétienne dans leur milieu
de vie et d’affaires peuvent porter des fruits abondants et salutaires
par le témoignage de leurs vertus. Cependant, celui qui, pour cette
raison suggère qu’il est préférable de vivre
dans le mariage que de se consacrer à Dieu invertit et confond
l’ordre normal des choses. Il est certain que nous désirons
ardemment, Vénérables Frères que ceux qui sont déjà
mariés ou aspirent à le devenir soient instruits du grave
devoir qui leur incombe, non seulement d’élever avec un soin
parfait leurs enfants, mais d’aider les autres, dans la mesure de
leurs moyens, par leurs bons exemples et le témoignage de leur
foi. Mais ceux qui cherchent à détourner les adolescents
d’entrer au Séminaire ou dans les Ordres et Congrégations
religieuses et de prononcer les saints vœux en les persuadant qu’ils
peuvent en se mariant faire davantage de bien spirituel par la profession
publique et visible de leur vie chrétienne en tant que père
ou mère de famille, tous ceux-là, comme la conscience de
Notre charge Nous en fait un devoir. Nous ne pouvons que les condamner
absolument. ils feraient beaucoup mieux d’exhorter avec le plus
de zèle possible ceux qui, nombreux, vivent dans le mariage à
coopérer avec empressement aux œuvres d’apostolat laïque,
plutôt que de chercher à détourner de l’état
de virginité les jeunes aujourd’hui malheureusement peu nombreux,
qui veulent se consacrer au service de Dieu. Saint Ambroise écrit
opportunément, à ce propos : " Il a toujours appartenu
à la grâce sacerdotale de répandre la semence de la
chasteté et de susciter l’amour de la virginité. "
(S. AMBR.De virginitate, c. V, n. 26 ; P.L. XVI. 272)
41. Nous estimons en outre devoir avertir qu’il est absolument
faux d’affirmer que ceux qui embrassent une vie de chasteté
parfaite sont comme étrangers à la communauté des
hommes. Les religieuses qui consacrent leur vie au service des pauvres
et des malades sans distinction de race, de condition sociale ou de religion,
ne sont-elles pas unies intimement aux misères et aux douleurs
de ces derniers et n’y compatissent-elles pas comme le feraient
leurs mères ? De même, le prêtre, à l’exemple
du divin Maître, ne remplit-il pas l’office de bon pasteur
qui connaît ses brebis et les appelle par leur nom (Cf. Joan.X,
14 ; X, 3) ? C’est là une conséquence de la chasteté
parfaite que pratiquent ces prêtres, ces religieux et ces religieuses
qu’ils puissent se dévouer à tous les hommes et les
aimer tous de l’amour du Christ. Même ceux qui mènent
la vie contemplative, parce qu’ils offrent à Dieu non seulement
leurs prières et leurs supplications, mais aussi leur propre immolation
pour le salut des autres, contribuent beaucoup au bien de l’Église
; ils sont même hautement louables, car, dans les circonstances
présentes, ils se consacrent aux œuvres d’apostolat
et de charité selon les directives que Nous avons données
dans la Lettre apostolique Sponsa Christi (Cf. A.A.S., XLIII, 1951, p.20)
; ils ne peuvent pas être considérés comme étrangers
à la société, puisqu’ils contribuent doublement
au bien spirituel des hommes.
III. — Les moyens de conserver la chasteté parfaite
42. Nous en venons maintenant, Vénérables Frères,
aux conséquences pratiques qu’on peut déduire de la
doctrine de l’Église sur l’excellence de la virginité.
43. Il faut d’abord dire clairement ceci : de ce que la virginité
doit être estimée comme un état plus parfait que le
mariage, on ne doit pas conclure qu’elle doive être considérée
comme nécessaire pour parvenir à la perfection chrétienne.
Il est possible de vivre saintement, même sans chasteté consacrée
à Dieu, comme le prouve l’exemple de tant de saints et de
saintes, honorés par l’Église d’un culte public,
qui ont été des époux fidèles et d’excellents
pères et mères de famille ; et il n’est pas rare de
rencontrer des époux qui recherchent ardemment la perfection chrétienne.
La chasteté est la conséquence d’un choix libre et
prudent
44. Il faut en outre faire observer que Dieu n’a pas imposé
la virginité à tous les chrétiens, comme l’enseigne
saint Paul par ces paroles : " Pour ce qui est des vierges, je n’ai
pas de commandement du Seigneur, mais je donne un conseil. " (I Cor.
VII, 25). Ce n’est qu’un conseil qui nous invite à
embrasser la chasteté comme conduisant ceux " à qui
cela a été donné " (Matth. XIX, 11), d’une
façon plus sûre et plus facile à la perfection évangélique
à laquelle ils aspirent et au royaume de Dieu ; comme le fait remarquer
justement saint Ambroise, " elle est proposée et non imposée
" (S. AMBROISE, De Viduis, c. XII, n. 72 ; P.L., XVI, 256 ; Cf. S.
CYPR. De habitu virginum, C. XXIII ; P.L., IV, 463).
45. C’est pourquoi, d’une part, la chasteté parfaite
postule des chrétiens un libre choix avant qu’ils s’offrent
et se consacrent à Dieu ; d’autre part, elle postule de Dieu
lui-même un don et une grâce supérieure (Cf. I Cor.
VII, 7). Déjà le divin Rédempteur lui-même
nous a avertis à ce sujet en disant : " Tous ne comprennent
pas cette parole mais seulement ceux à qui cela a été
donné… Comprenne qui peut comprendre (Matth. XIX, 11-12).
Commentant cette parole de Jésus-Christ, saint Jérôme
invite " chacun à estimer ses propres forces pour savoir s’il
lui sera possible de pratiquer la virginité et d’obéir
aux préceptes de la pureté. La chasteté en elle-même
est en effet, douce et attirante pour tous. Mais il faut bien mesurer
ses forces pour que celui qui peut comprendre comprenne. La voix du Seigneur
semble encourager et exhorter ses soldats à recevoir la récompense
de la chasteté. Que celui qui peut comprendre comprenne : que celui
qui peut combattre combatte, vainque et triomphe " (S. JÉRÔME,
comment, in Matth. XIX, 12 ; P.L. XXVI, 136).
C’est une vertu difficile…
46. La virginité est, en effet, une vertu difficile : pour pouvoir
la pratiquer, il ne suffit pas seulement d’être fermement
et expressément décidé à s’abstenir
d’une façon absolue et pour toujours des plaisirs licites
du mariage, il faut encore pour contenir et maîtriser les révoltes
de la chair et les passions du cœur par une vigilance et une lutte
constantes fuire les attraits du monde afin de triompher des tentations
du démon. Combien vraie est cette phrase de saint Jean Chrysostome
: " La racine et le fruit de la virginité, c’est une
vie crucifiée. " (S. JEAN CHRYSOST. De virginitate, 80 ; P.G.,
XLVIII, 592) La virginité, en effet, selon Saint Ambroise, est
comme un sacrifice et la vierge elle-même " une hostie de pureté,
une victime de la chasteté " (S. AMBROISE, De virginibus l.I,
c.II n. 65 ; PL., XVI. 206) Mieux, Méthode, évêque
d’Olympe, compare les vierges aux martyrs (cf. S. METH. D’OLYMPE,
Convivium decem virginum, Orat. VII, c. III ; P.G., XVIII, 128-129), et
saint Grégoire le Grand enseigne que la chasteté parfaite
supplée le martyre : " Car, bien que le temps de la persécution
soit passé, notre paix a cependant son martyre ; bien que nous
ne présentions pas notre cou au fer, nous tuons les désirs
charnels avec un glaive spirituel. " (S. GRÉGOIRELE GRAND,
Hom. in Evang., L. I, hom. III, n.4, P.L., LXXVI, 1089). C’est pourquoi
la chasteté consacrée à Dieu exige des âmes
fortes et nobles qui soient prêtes à lutter et à vaincre
" pour le royaume des cieux " (Matth. XIX. 12).
47. Avant de s’engager sur ce chemin ardu, que ceux à qui
l’expérience a appris qu’ils ont l’âme
trop faible écoutent humblement cet avertissement de saint Paul
: " S’ils ne peuvent se contenir, qu’ils se marient ;
car il vaut mieux se marier que de brûler. " (I Cor. VII, 9)
Pour beaucoup en effet la continence perpétuelle serait une charge
beaucoup trop lourde pour qu’on puisse la leur conseiller. De même
les prêtres en aidant de leurs conseils les adolescents qui disent
sentir l’appel au sacerdoce ou à la vocation religieuse,
ont le strict devoir de les exhorter à considérer la chose
attentivement, de façon à ce qu’ils ne s’engagent
pas dans un chemin dont on ne peut pas espérer qu’ils le
parcourront jusqu’au bout avec constance et succès. Qu’ils
examinent prudemment leurs aptitudes, en demandant conseil même
à des médecins chaque fois que cela leur semblera nécessaire
: alors, s’il reste un doute sérieux, surtout à cause
de l’expérience de leur vie passée, qu’ils usent
de leur autorité pour dissuader les candidats d’embrasser
l’état de chasteté parfaite, et pour empêcher
leur admission aux Ordres sacrés et à la profession religieuse.
… Mais elle est possible, avec la grâce de Dieu…
48. Bien que la chasteté consacrée à Dieu soit une
vertu difficile, cependant, ceux qui, à l’invitation de Jésus-Christ,
après un sérieux examen, répondent d’un cœur
généreux et font tout leur possible pour la pratiquer, peuvent
la conserver fidèlement et parfaitement. En effet, en acceptant
cet état de virginité et de célibat, ils reçoivent
de Dieu la grâce avec l’aide de laquelle ils pourront garder
leur promesse. C’est pourquoi, si d’aventure ils s’en
trouvaient " qui ne pensent pas avoir reçu le don de la chasteté
(même s’ils en ont fait le vœu) " (Cf. Conc. Trid.,
sess. XXIV, can 9), qu’ils ne prétendent pas à cause
de cela ne pouvoir satisfaire à leurs obligations sur ce point
: car " Dieu ne commande pas des choses impossibles, mais en commandant
il conseille, et de faire ce que tu peux et de demander ce que tu ne peux
pas (Cf. S. AUGUSTIN, De natura et gratia, c. XLIII, n. 50 ; P.L., XLIV,
271) et il t’aide à pouvoir " (Conc. Trid., sess VI,
c. 11). Rappelons cette vérité si consolante aussi à
ceux dont la volonté est affaiblie par des troubles nerveux et
auxquels certains médecins, parfois même catholiques, conseillent
avec trop de facilité — sous ce prétexte fallacieux
qu’ils ne pourront jamais conserver la chasteté sans nuire
à leur équilibre mental — de se faire relever de leurs
obligations. Combien il serait plus utile et opportun d’aider ces
malades à fortifier en leur volonté et des les convaincre
que la chasteté n’est pas impossible, même pour eux,
selon la parole de l’Apôtre : " Dieu, qui est fidèle,
ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces
; mais avec la tentation, il ménagera aussi une heureuse issue
en vous donnant le pouvoir de la supporter " (I Cor. X. 13).
49. Les moyens recommandés par le divin Rédempteur lui-même
pour protéger efficacement notre vertu sont : une vigilance assidue
et attentive, grâce à laquelle nous faisons soigneusement
ce qui est en notre pouvoir : et en outre une prière constante
par laquelle nous demandons à Dieu ce que, en raison de notre faiblesse,
nous ne pouvons pas faire : " Veillez et priez afin que vous n’entriez
point en tentation ; l’esprit est prompt, mais la chair est faible
" (Matth. XXVI, 41).
… La vigilance est la mortification…
50. Une telle vigilance, qui doit s’étendre à tous
les instants et toutes les circonstances de notre vie, nous est absolument
nécessaire : " Car la chair a des désires contraires
à ceux de l’esprit et l’esprit en a de contraires à
ceux de la chair " (Gal. V, 17). Si quelqu’un fait des concessions,
même petites, aux désirs de la chair, il se sentira facilement
entraîné à ces "œuvres de la chair "
que l’Apôtre énumère (Cf. Ibid., 19-21), et
qui sont les vices les plus honteux et les plus repoussants de l’humanité.
51. A cause de cela, il faut avant tout que nous veillions sur les mouvements
des passions et des sens et que nous les maîtrisions par une austérité
volontaire de vie et les pénitences corporelles de façon
à nous soumettre à la juste raison et à la loi de
Dieu : " Ceux qui sont à Jésus-Christ ont crucifié
la chair avec ses passions et ses convoitises " (Ibid 24). L’Apôtre
des nations avoue au sujet de lui-même : " Je traite durement
mon corps et je le tiens en servitude de peur qu’après avoir
prêché aux autres, je ne sois moi-même réprouvé
" (I Cor.IX, 27). Tous les saints et saintes ont veillé attentivement
aux mouvements de leurs sens et des passions et quelquefois les ont maîtrisés
énergiquement, selon les paroles du divin Maître lui-même
qui nous enseigne : " Et moi je vous dis que quiconque regarde une
femme avec convoitise, a déjà commis l’adultère
avec elle dans son cœur. Si ton œil droit est pour toi une occasion
de chute, arrache-le et jette-le loin de toi ; car il vaut mieux pour
toi perdre un seul de tes membres et que ton corps tout entier ne soit
pas jeté dans la géhenne " (Matth.V, 28,29). Par cet
avertissement, notre Rédempteur nous demande d’une façon
très claire tout d’abord que nous ne tombions pas dans le
péché, ne serait-ce qu’en pensée, et de même,
que nous écartions de nous avec une volonté ferme ce qui
pourrait ternir cette magnifique vertu, même le plus légèrement.
Sur ce point, on ne veillera jamais trop, on ne sera jamais trop sévère.
Si quelqu’un, en raison d’une mauvaise santé ou pour
d’autres causes ne peut pas pratiquer les austérités
corporelles, cela ne doit en aucun cas le dispenser de la vigilance et
de la mortification intérieure.
… La fuite des tentations et des occasions de péché
52. A ce sujet, il faut encore rappeler — ce que d’ailleurs
enseignent les Pères (Cf. S. CÉSAIRE D’ARLES, Sermo.
XLI ; éd. G. MORIN, MAREDSOUS, 1937), vol. Ier, p 172) et les Docteurs
de l’Église (cf. S. THOMAS, in Ep. I ad Cor. VI, lect. 3
; S. FRDE SALESIntroduction à la vie dévote, part. IV ;
c. VII ; S. ALPHONSE DE LIGUORI. La vera sponsa di Gesu Cristo, C. I,
n. 16 ; C. XV, n. 10) — que nous pouvons plus facilement vaincre
les charmes du péché et les attraits des passions en les
fuyant de toutes nos forces plutôt qu’en les affrontant directement.
Pour protéger la chasteté, selon la phrase de saint Jérôme
la fuite vaut mieux que la lutte ouverte. " Je fuis pour ne pas être
vaincu " (S. JÉRÔME, Contra Vigilant., 16 ; P.L. XXIII,
352). Cette fuite doit être ainsi comprise que, non seulement nous
évitions avec soin les occasions du péché, mais que
surtout dans ce genre de combat, nous élevions notre esprit et
notre âme vers les choses divines, et particulièrement vers
Celui à qui nous avons consacré notre virginité.
" Regardez la beauté de Celui qui vous aime. " (S. AUGUSTIN,
De sancta virginitate, C. LIV ; P.L., XL, 428), comme le conseille saint
Augustin.
53. En tous temps, les saints et les saintes ont considéré
cette fuite et cette vigilance attentive, par lesquelles nous devons éviter
soigneusement les occasions du péché comme la meilleure
façon de lutter dans ce domaine ; cependant, aujourd’hui,
il semble que tous ne pensent pas ainsi. Certains soutiennent que tous
les chrétiens, et principalement les prêtres, ne doivent
pas — selon leur expression — être séparés
du monde comme dans les siècles passés, mais qu’ils
doivent être présents au monde, et par conséquent
qu’il est nécessaire de leur faire courir des risques et
de mettre leur chasteté à l’épreuve, pour qu’ils
montrent par là si oui ou non, ils ont la force voulue pour résister
: il s’ensuivrait que les jeunes clercs doivent tout voir, pour
les habituer à tout regarder avec une âme tranquille et les
immuniser contre tous les troubles. Pour cela, ils leur permettent facilement,
sans aucune réserve, de regarder librement tout ce qui se présente
à leurs yeux, d’aller au cinéma et de voir même
les films qui sont prohibés par la censure ecclésiastique
: de feuilleter des revues même obscènes, et de lire même
les romans qui sont à l’Index ou interdits par la loi naturelle.
Et ils le leur permettent parce qu’ils estiment que les masses d’aujourd’hui
se nourrissent de tels spectacles et de tels livres, et que ceux qui auront
à les aider doivent comprendre leur mode de penser et de sentir.
Mais il est facile de voir que cette façon d’éduquer
les jeunes clercs et de les préparer à la sainteté
de leur état est erronée et préjudiciable. En effet
" celui qui aime le danger y trouvera sa perte " (Eccli. III,
24), et ce conseil de S. Augustin est ici opportun : " Ne dites pas
que vous avez des âmes pures si vous avez des yeux impurs, parce
que l’œil impur annonce un cœur impur " (S. AUGUSTIN,
Epist.,CCXI, n. 10 ; P.L., XXXIII, 961).
54. Il n’est pas douteux que cette funeste façon d’agir
repose sur une grave confusion de pensée. Certes, Notre-Seigneur
a dit de ses apôtres : " Je les ai envoyés dans le monde
" (Joan. XVII, 18) ; mais avant il avait aussi dit d’eux :
" Ils ne sont pas du monde, comme moi-même je ne suis pas du
monde " (Ibid. 15). L’Église, qui est guidée
par ces mêmes principes, a édicté des lois opportunes
et sages pour éloigner les prêtres des tentations auxquelles
peuvent facilement être sujets ceux qui sont engagés dans
les affaires du monde (Cf. Code de droit canon, can. 124-142. Cf. B. PIE
X, Exhortation ad cler. cath. Hærenti animo, A.A.S., XLI, 1908,
p. 565-573 ; PIE XI, Litt. enc. Ad catholici sacerdotii fastigium, A.A.S.,
XXVIII, 1936, p. 23-30 ; PIE XII, Adhort apost. Menti Nostræ, A.A.S.,
XLII, 1950, p692-694) ; par ces règles leur sainteté de
vie est suffisamment mise à l’abri des sollicitudes et des
divertissements des laïques.
55. A plus forte raison les jeunes clercs, parce qu’ils doivent
être formés à la vie spirituelle et à la perfection
sacerdotale et religieuse, doivent être écartés du
tumulte du monde avant d’être lancés dans les luttes
de la vie ; ils doivent demeurer longtemps au Séminaire ou au Scholasticat
pour y recevoir l’éducation soignée et attentive qui
les préparera progressivement et prudemment à traiter et
à connaître les problèmes de notre temps, selon les
directives que nous avons Nous-mêmes, données dans l’Exhortation
apostolique Menti Nostræ (Cf. A.A.S., XLII, 1950, p. 690-691). Quel
jardinier exposerait de jeunes plantes, précieuses, mais fragiles,
aux rigueurs de temps pour éprouver une robustesse qu’elles
n’ont pas encore ? Les élèves des Séminaires
et des Scolasticats sont comme les jeunes plantes fragiles, il faut les
tenir à l’abri et les exercer progressivement à la
résistance et à la lutte.
La pudeur chrétienne
56. Les éducateurs du jeune clergé feront œuvre plus
juste et utile en inculquant aux adolescents les principes de la pudeur
chrétienne, qui est si utile pour conserver la virginité,
et que l’on peut justement appeler la prudence de la chasteté.
La pudeur prévient le péril qui menace, empêche de
s’exposer au danger et conseille d’éviter les occasions
auxquelles s’exposent ceux qui sont moins prudents. Elle n’aime
pas les paroles déshonnêtes et vulgaires, et elle a horreur
de l’immodestie, même très légère ; elle
se garde avec soin d’une familiarité suspecte avec les personnes
de l’autre sexe ; elle porte fermement à donner au corps
le respect qui lui est du comme membre du Christ (cf. I Cor VI, 15) et
comme temple du Saint-Esprit (Ibid. 19). Celui qui connaît cette
modestie chrétienne a en horreur tout péché d’impureté
et il s’écarte immédiatement chaque fois qu’il
se sent attiré par ses séductions.
57. La pudeur, en outre suggère aux parents et aux éducateurs
et met dans leur bouche les paroles appropriées pour former à
la pureté la conscience des jeunes. " Cette réserve
— comme Nous l’avons dit dans une allocution récente
— ne doit pas être entendue de telle sorte qu’on fasse
un silence perpétuel sur ce sujet, et que dans l’enseignement
de la morale on n’en dise jamais un mot avec sobriété
et prudence. " (Alloc. Magis quam mentis, 23 sept. 1951 ; A.A.S.
XLIII, 1951, p 736). Cependant, aujourd’hui, il arrive trop souvent
que des professeurs et des éducateurs croient qu’il est de
leur devoir d’initier d’innocents enfants, garçons
ou filles, aux mystères de la procréation d’une manière
qui offense leur pudeur. La réserve chrétienne exige que,
lorsque l’on traite de ce sujet, on le fasse avec juste mesure et
modération.
58. Cette pudeur est alimentée par la crainte de Dieu, cette crainte
filiale basée sur une profonde humilité chrétienne,
qui nous fait prendre en horreur le moindre péché, comme
Notre prédécesseur, saint Clément Ier l’assure
en ces mots : " Celui qui est chaste, qu’il ne s’en glorifie
pas, sachant bien que c’est à un autre qu’il doit ce
don de la continence… " (S. CLÉMENT ROMAd Corinthios,
XXXVIII, 2 ; éd. Funk-Diekam, Patres Apostolici. Vol Ier p. 148).
Quelle est l’importance de l’humilité dans la sauvegarde
de la virginité, personne, peut-être, ne l’a dit plus
clairement que saint Augustin : " La continence perpétuelle,
et bien plus la virginité, est un grand don de Dieu qui est fait
aux saints, il faut veiller avec soin à ce que l’orgueil
ne le corrompe… Plus grand est le bien que je vois, plus je crains
pour lui l’orgueil ravisseur. Ce don de la virginité, il
n’est personne d’autre qui le protège que Dieu de qui
il vient : et " Dieu est amour " (I Joan. IV, 8). Le gardien
de la virginité, c’est donc l’amour, mais c’est
dans l’humilité qu’il réside " (S. AUGUSTIN.De
sancta virginitate, c. XXXIII, LI : P.L., XL, 415, 426 ; cf. c XXXI-XXXII,
XXXVIII ; 412-415, 419.)
Le secours de la prière et des sacrements
59. Il y a encore une autre chose sur laquelle il faut soigneusement arrêter
son attention pour conserver intacte cette chasteté ; ni la vigilance,
ni la pudeur ne sont suffisantes. Il faut encore utiliser ces secours
qui dépassent nos forces naturelles : la prière, les sacrements
de Pénitence et de l’Eucharistie, et une dévotion
ardente envers la Très Sainte Mère de Dieu.
60. Il ne faut jamais oublier que la chasteté parfaite est un don
supérieur qui vient de Dieu. Saint Jérôme dit nettement
à ce sujet : " Cela a été donné (Cf.
Matth. XIX 11), à ceux qui l’ont demandé, qui l’ont
voulu, qui ont peiné pour l’obtenir. Celui qui demande recevra,
celui qui cherche trouvera, et à celui qui frappe, il sera ouvert
" (Cf. Ibid. VII, 8 ; S. JÉRÔME. Comm. in Matth., XIX,
11 ; P.L., XXVI, 135). Saint Ambroise ajoute que de la prière dépend
la constante fidélité des vierges envers le divin Époux
(Cf. S. AMBROISE, De virginibus, l. III, c IV, n. 18-20 ; P.L., XVI, 225).
Et saint Alphonse de Liguori, avec son ardente piété, enseigne
qu’il n’y a rien de plus nécessaire et de plus sûr
pour vaincre les tentations contre cette belle vertu de la pureté
que de se réfugier aussitôt près de Dieu dans la prière
(Cf. S. ALPHONSE DE LIGUORI, Pratica di amar Gesu Cristo, c. XVII, n.
7-16).
61. À la prière il faut encore ajouter le sacrement de
la Pénitence qui reçu fréquemment et avec ferveur,
est un remède spirituel qui purifie et guérit ; il en est
de même de l’Eucharistie qui, selon les paroles de Notre Prédécesseur
d’immortelle mémoire Léon XIII, est le meilleur "
remède contre la concupiscence " (Léon XIII, Enc. Miræ
caritatis, 28 mai 1902 ; A.L., XXII, p. 1902-1903). Plus une âme
est pure et chaste, plus elle a faim de ce Pain dans lequel elle puise
la force de résister à tous les attraits du péché
impur, et par lequel elle s’unit plus intimement avec le divin Époux
: " Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi
en lui " (Joan. VI, 57).
La dévotion à la Très Sainte Vierge
62. Pour garder une chasteté sans tache et parfaite, et pour la
faire grandir, il existe un moyen remarquable et qui n’a cessé
de faire ses preuves au cours des siècles : c’est une dévotion
solide et fervente envers la Vierge Mère de Dieu. D’une certaine
manière, tous les autres moyens se trouvent contenus dans cette
dévotion ; celui qui en est animé sincèrement et
profondément est sans aucun doute poussé à veiller
attentivement, à prier et à s’approcher avec fruit
du tribunal de la Pénitence et de la Table sainte. C’est
pourquoi, Nous exhortons d’un cœur paternel tous les prêtres,
les religieux et les religieuses à se mettre sous la particulière
protection de la Mère de Dieu, qui est la Vierge des vierges et
" l’éducatrice de la virginité ", selon
l’expression de saint Ambroise (S. AMBROISE, De institutione virginis,
c. VI, n. 46 ; P.L.XVI, 320) et qui est, tout particulièrement
la Mère très puissante de tous ceux qui se sont consacrés
au service de Dieu.
63. Saint Athanase fait remarquer que c’est par elle qu’est
née la virginité (Cf. S. ATHANASE, De virginitate, éd.
Th. Lefort, Museon, XLII, 1929, p. 247) et Saint Augustin enseigne clairement
: " C’est avec la Mère de Dieu qu’a commencé
la dignité virginale " (S. AUGUST. Serm. LI, c. XVI, n. 26
: P.L., XXXVIII, 348). A la suite de saint Athanase (Cf. S. ATHANASE,
ibid., p244), saint Ambroise propose en exemple aux vierges la vie de
la Vierge Marie : " Filles, imitez-la… (Cf S. AMBROISE, De
institutione virginis, c. XIV, n. 87 ; P.L., XVI, 328). Que la vie de
Marie soit pour vous comme un tableau de la virginité, qui, ainsi
qu’un miroir, reflète l’éclat de la chasteté
et la beauté de la vertu. Prenez des exemples pour votre vie, là
où se trouve pour vous comme un modèle qui vous montre ce
que vous devez corriger, imiter et garder… Elle est l’image
de la virginité. Telle, en effet fut Marie, que sa seule vie soit
un enseignement pour tous… (S. AMBROISE, De virginibus, L. II. c.
II, n. 6, 15 ; P.L.XVII, 208, 210). Que Marie donc, soit la règle
de votre vie " (Ibid., c. III, n.19 ; P.L., XVI, 211.) " Si
grande fut sa grâce qu’elle n’a pas gardé pour
elle seule le don de la virginité, mais qu’elle a donné
la parure de l’intégrité aussi à ceux sur lesquels
elle veillait " (S. AMBROISE, De institut. virginis, c. VII, n. 50
; P.L., XVI, 319.) Combien est vraie cette phrase du même saint
Ambroise : " O richesse de la virginité de Marie ! "
(Ibid., c. XIII, n. 81 ; P.L., XVI, 339.) C’est à cause de
ces richesses qu’il est si profitable aux religieuses, aux religieux
et aux prêtres d’aujourd’hui de contempler la virginité
de Marie, pour pratiquer plus fidèlement et plus parfaitement la
chasteté de leur état.
64. Qu’il ne vous suffise pas, chers fils et filles, de méditer
les vertus de la Bienheureuse Vierge Marie : recourez à elle avec
une confiance absolue, selon le conseil de saint Bernard : " Cherchons
la grâce et cherchons-la par Marie. " (S. BERNARD, In nativitate
B. Mariæ Virginis, " Sermo de aquæductu " n. 8 ;
P.L., CLXXXIII, 441-442.) Et particulièrement en cette Année
mariale, confiez-lui le soin de votre vie spirituelle et de votre perfection,
imitant l’exemple de saint Jérôme qui affirmait : "
Pour moi, la virginité est une consécration en Marie et
au Christ. " (S. JÉRÔME, Epist. XXII, n. 18) ; P.L.,
XXII, 405.)
IV. — Inquiétudes du Saint-Père
65. Dans les graves difficulté contre lesquelles l’Église
doit aujourd’hui lutter, c’est une grand consolation pour
Notre âme de pasteur suprême, Vénérables Frères,
de voir que la virginité qui fleurit dans le monde entier en notre
époque comme dans les précédentes, est tenue en grand
estime et hautement honorée, bien que, comme nous l’avons
dit, elle se heurte à des erreurs, qui, nous l’espérons,
seront passagères et se dissiperont rapidement.
La diminution des vocations
66. Nous ne nions cependant pas que notre joie se voile d’une certaine
tristesse en voyant que, dans plusieurs pays, le nombre de ceux qui répondent
à l’appel de Dieu et embrassent l’état de virginité
diminue de jour en jour. Nous en avons déjà montré
les principales causes et Nous n’avons pas à y revenir. Nous
exprimons plutôt Notre confiance que les éducateurs de la
jeunesse qui sont tombés dans ces erreurs en reviennent au plus
vite et les répudient, qu’ils aient à cœur de
les réparer, et qu’ils fassent tout ce qui est en leur pouvoir
pour que ceux qui se sentent appelés par une force surnaturelle
au sacerdoce et à la vie religieuse et s’en confient à
eux, soient aidés de toutes manières pour atteindre ce noble
idéal. Et souhaitons que de nouvelles et plus nombreuses légions
de prêtres, de religieux et de religieuses répondant en nombre
et en qualité aux besoins actuels de l’Église, s’avancent
au plus tôt pour cultiver la vigne du Seigneur.
67. Nous exhortons en outre — comme la conscience de Notre charge
apostolique Nous en fait un devoir — les pères et les mères
de famille pour qu’ils consentent volontiers à offrir au
service du Seigneur ceux de leurs enfants qui s’y sentent appelés.
Si cela leur coûte, s’ils en éprouvent de la tristesse
ou de l’amertume, qu’ils méditent attentivement ces
paroles que saint Ambroise adressait aux mères de Milan : "
J’ai connu des jeunes filles qui voulaient se consacrer à
Dieu et qui en ont été empêchées par leur mère…
Si c’était un homme que vos filles voulaient aimer, les lois
leur permettraient de choisir celui qu’elles désirent. S’il
leur est permis de choisir un homme, ne leur est-il pas permis de choisir
Dieu ? " (S. AMBROISE, De virginibus, l. I, c. X, n. 58 ; P.L.XVI,
205)
68. Que les parents pensent au grand honneur qui rejaillit sur eux avec
un fils qui reçoit la prêtrise ou un fille qui consacre sa
virginité au divin Époux. Parlant des vierges sacrées,
le même évêque de Milan disait : " Parents, vous
avez entendu… la vierge est un don de Dieu, une oblation de son
père, le sacerdoce de la chasteté. La vierge est l’hostie
de sa mère, dont le sacrifice quotidien apaise la colère
de Dieu. " (Ibid., c. VII, n. 32 ; P.L., XVI, 198)
Ceux qui souffrent persécution
69. Maintenant, Vénérables Frères, avant de terminer
cette Encyclique, nous désirons diriger Notre esprit et Notre cœur
tout particulièrement vers ceux et celles qui consacrés
à Dieu, subissent dans de nombreux pays de dures et terribles persécutions.
Qu’ils prennent exemple sur ces vierges sacrées des premiers
temps de l’Église qui ont subi le martyre pour leur virginité
avec un courage résolu et invincible (CF. S. AMBROISE, De virginibus,
l. II, c. IV, n. 32 ; P.L., XVI, 215-216)
70. Que tous persévèrent fermement dans leur sainte résolution
de servir Dieu " jusqu’à la mort " (Phil. II, 8)
; qu’ils pensent à la grande valeur que représentent
devant Dieu leurs angoisses, leurs souffrances et leurs prières,
pour instaurer son règne dans leurs pays et dans toute l’Église
; qu’ils soient aussi certains que ceux qui " suivent l’Agneau
partout où il va " (Apoc. XIV, 4), chanteront éternellement
le " cantique nouveau " (Ibid., 3) que personne d’autre
ne peut chanter.
71. Notre cœur paternel et compatissant se tourne avec émotion
vers ces prêtres, ces religieux et ces religieuses qui, courageusement,
confessent leur foi jusqu’au martyre ; Nous prions pour eux comme
aussi pour toutes les âmes consacrées au service divin dans
toutes les parties du monde pour que Dieu les confirme, les fortifie,
les console ; et Nous vous invitons ardemment, Vénérables
Frères, ainsi que vos fidèles, à prier en union avec
Nous afin d’implorer pour eux tous les consolations célestes
ainsi que les dons et les secours divins qui leur sont nécessaires.
72. Pour qu’elle soit la médiatrice de ces dons divins et
en gage de Notre particulière bienveillance, Nous vous accordons
de grand cœur, Vénérables Frères, Notre Bénédiction
apostolique, à tous les prêtres, les religieux, les religieuses,
en particulier à ceux " qui souffrent persécution à
cause de la justice " (Matth., V, 10) et à tous vos fidèles.
73. Donné à Rome, à Saint-Pierre, le 25 mars en
la fête de l’Annonciation de la Bienheureuse Vierge Marie,
l’an MDCCCCLIV, de Notre pontificat le seizième.
Pius pp. XII
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