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Ce qui nous empêche d'avancer, Père F.W.Faber
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Les symptômes |
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Il semble maintenant que
notre itinéraire soit clairement tracé, et que nous ayons reçu nos instructions
touchant l'esprit avec lequel nous devons servir Dieu. Nous sommes maintenant
en pleine mer, mais comment se fait-il que nous
n'avancions pas? Nous voyons autour
de nous des voyageurs plus fortunés qui voguent à pleines voiles, tandis
que nulle brise ne vient gonfler les nôtres. Peut-être sommes-nous encore
sous l'influence du rivage, peut-être la faute est-elle ailleurs; toujours
est-il que nous ne savons pas trouver le vent favorable. Telle est la plainte
que font entendre bien des âmes arrivées à ce point de leur pèlerinage.
Quelque chose les empêche d'avancer, et elles ne peuvent découvrir au premier
abord ce qui les arrête. Nous allons maintenant rechercher quels sont ces
obstacles cachés, et voir de quelle manière nous pourrons les vaincre. |
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Notre premier soin doit
être d'examiner les symptômes qui trahissent
nos endroits faibles. D'abord, nous sentons que les forces nous manquent
pour résister aux tentations, pour pratiquer les mortifications et pour
rester fidèles à nos devoirs de piété. Ensuite, nous nous roidissons contre
les surprises qui tombent sur nous, contre les changements, les épreuves,
et l'accomplissement de nos devoirs extérieurs que nous ne savons comment
concilier avec la dévotion et la vie intérieure. De plus, nous nous apercevons
qu'un certain besoin de lumière se fait sentir au dedans de nous. Dans nos
examens, le fond de notre conscience ne nous apparaît plus qu'à travers
les vapeurs d'un jour douteux. Nous nous laissons aller peu à peu aux scrupules,
aux pensées étroites, et nous semblons perdre de vue l'idée de Dieu que
nous possédions auparavant, et qui, toute faible qu'elle était, nous prêtait
cependant de véritables lumières. Il y a dans notre combat spirituel un
je ne sais quoi de vague qui nous fait sentir le besoin de quelque chose
de plus défini et de plus vigoureux à la fois. Enfin, ajoutez à cela une
sorte de torpeur, de sommeil qui s'appesantit sur nous
comme un rêve qui nous oppresse. |
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Il y a là quelque chose qui ne va pas bien, cela est
évident; la question est de savoir où se trouve le mal. |
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1.
Il n'est pas impossible que ce qui nous retient en arrière soit un défaut
de dévotion envers la sainte Vierge. Sans cette dévotion,
la vie intérieure devient impossible, car on appelle ainsi une vie entièrement
conforme à la volonté de Dieu; et c'est surtout dans la sainte Vierge que
réside la volonté de Dieu. C'est par elle que toute dévotion est solide.
Toutefois, cette pensée n'est pas toujours suffisamment présente à notre
esprit. Ceux qui entrent dans la vie spirituelle sont d'ordinaire tellement
occupés de la partie métaphysique, qu'ils n'accordent pas assez d'importance
à la dévotion envers Marie. Je vais toucher ici à quelques-unes des considérations
qu'ils ne semblent pas prendre à cœur. La dévotion à la Mère de Dieu n'est
pas un simple ornement du système catholique, un enjolivement, un hors-d'œuvre,
ni même un secours, parmi tant d'autres, dont nous pouvons nous servir ou
non, à volonté; c'est une partie intégrante du christianisme. Sans elle,
à proprement parler, une religion n'est plus chrétienne, c'est une religion
différente de celle que Dieu a révélée. La sainte Vierge est un ordre de
Dieu à part, un canal spécial de grâces, dont l'importance ressort surtout
de cette guerre que l'esprit malin lui fait avec sa finesse ordinaire, et
de la haine instinctive que l'hérésie lui a jurée. Marie est le cou du corps
mystique de Jésus-Christ, unissant ainsi tous les membres à la tête, et
servant de canal pour dispenser toutes les grâces. La dévotion à la sainte
Vierge est la véritable imitation de Jésus-Christ; car, après la gloire
de son Père, c'était la dévotion qui était la plus proche et la plus chère
à son Cœur sacré. C'est une dévotion solide, parce qu'elle s'attache constamment
à inspirer la haine du péché et l'amour des vertus réelles. Négliger Marie,
c'est mépriser Dieu, parce qu'elle est dans l'ordre de ses desseins, et
blesser Jésus, parce qu'elle est sa Mère. Dieu lui-même a placé la sainte
Vierge dans l'Église comme une puissance à part; c'est pourquoi son culte
est si fécond en résultats, et la source d'une foule de miracles; c'est
pourquoi elle constitue une partie de notre religion, que nous ne saurions
en aucune façon laisser de côté. L'orthodoxie est la condition première
de la spiritualité. Cette vérité n'a pas besoin de démonstration. Or, une
doctrine ne serait pas orthodoxe, si elle passait sous silence les fonctions
et les prérogatives de la Mère de Dieu; la spiritualité cesse également
d'être orthodoxe du moment qu'elle peut se distinguer et se séparer d'une
dévotion juste autant que généreuse envers Marie. Il est constant qu'une
erreur dans la doctrine est doublement dangereuse quand on la fait passer
dans la vie spirituelle. Elle empoisonne tout, et il n'est pas de malheur
qu'on ne puisse prédire à l'âme infortunée qui en est infectée. Si donc
certains symptômes vous font pressentir que tout ne va pas bien, que quelque
obstacle s'oppose à vos progrès, regardez
d'abord si votre dévotion envers la sainte Vierge est ce qu'elle doit être;
si vous lui rendez le culte qui lui appartient et au degré convenable, si
vous avez en elle assez de foi et de confiance, si vous la servez avec assez
d'amour et de fidélité. La perfection est sous sa protection particulière,
car c'est une des prérogatives attachées à son titre de Reine des saints.
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2.
Il. se peut aussi que votre dévotion à la sainte humanité de Jésus et à
ses mystères soit défectueuse. Il n'y a là rien d'impossible, ni de si étrange que nous serions portés à le croire. Et cependant peut-on douter que la dévotion, qui peut-être ne nous élève pas aux hauteurs les plus sublimes de la contemplation, ne soit néanmoins indispensable dans les différents états dé la vie spirituelle dont nous nous occupons actuellement? Il. faut qu'elle pénètre dans toutes les parties de la vie chrétienne; car c'est là ce que signifie être chrétien, si cela signifie quelque chose. Jésus-Christ est la voie du chrétien, la vérité du chrétien et la vie du chrétien. L'âme qui mène une vie sainte est l'épouse du Verbe incarné; c'est pourquoi l'amour du Verbe fait chair constitue l'essence même de la sainteté. Il y a trois manières d'aimer la sainte humanité du Sauveur; l'une représente l'affection que nous avons au fond du cœur pour lui; l'autre, les preuves de la sincérité et de la solidité de cette affection , et la troisième, les effets que Jésus lui-même opère dans les âmes qui y sont suffisamment préparées. Ces trois sortes d'affection s'appellent respectivement amour affectif, amour effectif, et amour passif. |
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L'amour
affectif de Notre-Seigneur consiste dans un ardent désir de procurer
sa gloire, dans un sentiment de joie sympathique, en voyant prospérer ses
intérêts, et dans une noble et affectueuse douleur en présence du péché.
Il. nous porte à répandre avec confiance notre âme devant Dieu, à nous plaindre
de notre froideur et de nos imperfections, à lui exposer nos peines, nos
angoisses, nos dégoûts et nos épreuves, et à nous abandonner tout entiers
entre ses mains, avec la tranquille insouciance d'un enfant. |
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L'amour
effectif nous rend l'image vivante de Jésus- Christ, en faisant
passer dans notre vie les divers états de la sienne, ses mystères et ses
vertus Nous portons sa ressemblance au dehors, en pratiquant des mortifications
continuelles, en diminuant les commodités et les jouissances de notre corps,
en veillant sur nos sens, en nous refusant à toutes les extravagantes exigences
du monde et de la société, en usant avec une jalouse modération des affections
et des plaisirs les plus innocents; enfin, en réprimant sans cesse tout
sentiment de vanité et d'amour-propre. Notre vie intérieure se conforme
à Jésus par la liberté d'esprit, ce qui veut dire par le détachement des
créatures et l'abandon de soi-même à la volonté divine. Nos actes extérieurs
sont frappés à son effigie, lorsque nous agissons comme ses membres, et
que toutes nos actions se font en son nom et sous ses inspirations. |
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Si
je parle de l'amour passif, c'est plutôt pour que nous apprenions
à soupirer après ce qui doit peut-être un jour devenir notre partage, que
pour nous occuper d'une chose qui, en général, n'appartient pas aux premières
phases de la vie spirituelle. Quelle douce jouissance de voir combien près
de Jésus nous arriverons un jour, s'il plaît à Dieu, même avant l'heure
de notre mort! Le premier acte que Jésus opère dans l'âme élevée à cet état
surnaturel est de la blesser d'un trait d'amour, de manière à lui faire
perdre le goût de tout ce qui n'est pas lui ou à lui. C'est comme si une
nouvelle nature était créée en nous, si peu en harmonie avec le misérable
monde qui nous entoure, que nous languissions et que nous soupirions après
notre véritable élément. Plus tard il enfonce le trait plus avant, et fait
que toutes nos pensées, nos affections, nos paroles et nos œuvres soient
imbues de son amour, jusqu'à ce que nous soyons réduits à l'impossibilité
de faire autre chose que de le chercher, comme l'épouse du Cantique. Tout
amour est dédaigné pour le sien, toute idée s'efface de notre esprit, excepté
la sienne; enfin, tout ce qui n'a pas rapport à lui, tombe de notre mémoire
comme une chose qui n'aurait jamais existé, de sorte qu'il possède notre
âme tout entière, et que c'est moins nous qui vivons que lui qui vit en
nous, Ensuite il nous embrase d'un amour irrésistible, qui éclate en actes
de charité héroïque et d'union surnaturelle avec lui, tandis qu'il ne cesse
de faire pénétrer si profondément dans notre cœur le sentiment de notre
propre bassesse et de notre néant que nous ne pouvons plus que déplorer
le peu de générosité que nous mettons à le servir, et le faible amour que
nous avons pour lui. Enfin, il nous plonge dans un océan de souffrances
pour nous y purifier, et nous attache sur les épaules la croix que nous
devons toujours porter. Alors nous n'avons plus qu'un désir, souffrir davantage,
et la crainte de souffrir moins est la seule pensée qui nous puisse effrayer.
C'est ainsi qu'il nous dépouille de nous-mêmes, et nous rend tout à lui.
Mais ce moment est encore bien éloigné de vous. Levez les yeux et regardez
aussi loin que peuvent plonger vos regards. Je ne sais si vous pourrez même
apercevoir le sommet de la montagne où un si grand bonheur vous attend.
Mais courage! c'est quelque chose déjà de savoir que ces hauteurs bénies
existent réellement. |
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On ne saurait s'imaginer
les avantages que nous procurent ces
pratiques de l'amour du Verbe incarné. Le cœur se détache des créatures
; l'amour-propre se consume et s'éteint ; les imperfections se corrigent
; l'âme se remplit de l'esprit de Jésus, et avance à pas de géant dans le
sentier de la perfection. Lors donc que le vent ne vient pas gonfler vos
voiles, examinez-vous et voyez si votre amour pour l'adorable personne de
Notre Seigneur et pour sa sainte humanité est ce qu'il doit être, ce que
Jésus prétend, ce qu'il demande qu'il soit, ou du moins si nous en faisons
l'objet d'une étude particulière, et si nous cherchons à le faire grandir
chaque jour dans notre cœur. |
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3.
Le troisième défaut, et je suis tenté de supposer qu'il est beaucoup .plus
généralement répandu que les deux autres, consiste peut-être dans notre
manque d'amour filial pour Dieu. Je voudrais pouvoir m'expliquer avec autant de clarté que de force sur ce sujet, car presque tout dépend de là. Si nous n'avons pas pris l'habitude de toujours considérer Dieu comme un père, les sources mêmes de la piété se corrompront en nous. Nous encourrons la malédiction dont parle le prophète: ce qui était doux, nous deviendra amer, et ce qui était amer, nous le trouverons doux. |
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Quelle
est notre position vis-à-vis de Dieu ? Nous sommes ses créatures. Que de choses renfermées dans ce peu de mots! c'est-à-dire qu'il a un domaine absolu sur nous. Nous n'avons d'autres droits que ceux qu'il a daigné, dans sa miséricorde, nous assurer par son alliance. Notre vie est à la merci de la Providence, et cette Providence n'est pas seulement une série d'événements extérieurs, mais l'expression de la volonté d'un seul Dieu en trois Personnes. Ce Dieu sait déjà le sort qui nous attend dans l'autre vie; et, de notre côté, nous savons que des grâces plus abondantes que celles qu'il est obligé de nous donner nous sont nécessaires, quoique nous possédions aussi la certitude qu'il nous les accordera infailliblement, si nous voulons seulement correspondre à celles que nous avons déjà reçues. Toutefois, cette dernière considération ne suffit pas pour calmer entièrement l'inquiétude que la vue de notre position doit naturellement nous inspirer. Des réflexions sur les attributs de Dieu, sur sa science qui embrasse tout, sur sa toute-puissance, sur son immensité et sur sa sainteté ineffable, ne sont pas de nature à diminuer notre frayeur. Néanmoins la conviction que l'esprit d'adoration, l'essence du culte et l'instinct religieux consistent à rappeler sans cesse par nos pensées, par nos paroles et nos actions que nous sommes les créatures de Dieu, c'est-à-dire des êtres qui n'ont point une existence indépendante, mais qui ont été tirés du néant par lui, cette conviction, dis-je, loin de jeter un voile de tristesse sur nos âmes, ou d'exciter l'inquiétude dans nos cœurs, nous fait trouver, au contraire, que plus ces vérités se gravent profondément dans notre esprit, plus nous acceptons sans réserve la souveraineté de Dieu, et plus aussi nous sentons renaître en nous une tranquillité, une paix surnaturelle. |
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Toutefois, ceci ne parait pas au premier abord, ni jusqu'à ce que l'esprit se soit familiarisé avec les pensées religieuses, et en soit fortement imbu. Nous sommes tentés de voir en Dieu tout, excepté un père, tant à cause de notre propre faiblesse, qu'à cause de cette toute-puissance et de cette immensité qui écrasent notre intelligence. Pourtant notre vie spirituelle dépend entièrement du point de vue auquel nous envisageons Dieu. Si nous le regardons comme notre maître, alors son service deviendra notre tâche, et les idées de récompense et de châtiment domineront tous nos actes. Si nous voyons en lui notre Roi, nous devons courber la tête sous les droits incontestables de son légitime empire; et l'idée abstraite d'une respectueuse fidélité est le seul sentiment qu'il soit permis à notre cœur de chérir. Si nous le considérons comme notre juge, le bruit de ses foudres vengeresses rend nos oreilles sourdes à tout le reste; ses jugements, dans leur redoutable exactitude, nous laissent muets, et nos yeux demeurent frappés d'aveuglement en présence de l'éclat d'une sainteté qu'ils ne peuvent supporter. Si donc nous envisageons Dieu sous l'un de ces points de vue en particulier, ou sous tous en général, le culte que nous lui rendrons devra nécessairement emprunter son caractère de notre manière de le considérer. La dureté, la sécheresse, la crainte sans adoucissement, et le sentiment de notre impuissance à invoquer nos droits, toutes ces causes réunies nous rendront lâches et bas, vils et mercenaires, toujours prêts à nous plaindre, et aussi peu respectueux que nous oserons l'être. | ||
Mais nous pouvons aussi le regarder comme
notre Créateur, et cependant nous tromper encore; car il est possible de
considérer un créateur comme un être indépendant, trouvant en lui-même la
source de son existence éternelle qui, pour sa propre satisfaction, comme
cause première, a tiré les créatures du néant, et ne s'inquiète pas plus
d'elles qu'il ne leur a d'obligation. Pourtant il me semble que l'idée de
Créateur implique aussi celle de Père. La volonté seule de créer est à mes
yeux un acte admirable de tendresse paternelle. Ainsi Dieu n'est pas seulement
notre Père et notre Créateur, mais il est notre Père parce qu'il est notre
Créateur. Une créature raisonnable, pour être une créature doit aussi être
un fils, Nous apportons avec nous du néant, d'où nous avons été tirés, ce
lien de filiation. La création appartient à la bonté de Dieu, plutôt qu'à
sa puissance et à sa sagesse; de sorte que si nous savions seulement de
Dieu qu'il est notre Créateur, nous devrions sentir en même temps qu'il
est notre Père. Qui plasmasti me, miserere mei : ô vous qui m'avez
formé, ayez pitié de moi! telle était la prière que chaque jour de sa vie
la pénitente du désert adressait à Dieu. Il y avait une sorte de droit,
ou plutôt une ombre de droit dans cette invocation, et c'était là ce qui
la rendait si chère à la timide humilité de la sainte. |
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Quoi qu'il en puisse être, Dieu est notre Père, il n'y a pas de vérité plus certaine que celle-là; et tout ce que la paternité terrestre offre de plus tendre et de plus aimable n'est qu'une pâle image de la suavité et de la douceur ineffable de notre Père qui est dans les cieux. La parole ne saurait exprimer ce que cette idée offre de beau et de consolant; nous cessons de nous sentir isolés au milieu du monde, et les châtiments et lés afflictions nous apparaissent sous un jour nouveau. La consolation sort pour nous du sentiment même de notre faiblesse, nous nous reposons sur Dieu des problèmes que nous ne pouvons résoudre, et nous nous attachons par les liens de la plus tendre parenté aux autres créatures. Cette pieuse idée entre plus avant dans notre cœur, et devient le mobile de tous nos actes spirituels. Dans le péché, nous nous en souvenons; dans les sacrements, nous la goûtons; dans nos efforts vers la perfection, nous nous appuyons sur elle; dans les tentations, nous y puisons des forces; dans les souffrances, nous y trouvons la joie. Dieu est notre Père, jusque dans les circonstances ordinaires de la vie; il nous protège contre mille dangers dont il ne permet pas même que nous nous apercevions, il exauce nos prières, il bénit ceux que nous aimons, et il nous supporte; il supporte cette froideur et ces rechutes qui paraissent incroyables, et dont nous sommes étonnés les premiers. | ||
Dieu est notre Père, non-seulement de nom, mais encore en réalité. Comme je l'ai déjà dit, le lien qui nous unit à lui sort de la création. Le Créateur a pour ses créatures un amour sensible aussi étonnant que mystérieux, et dont l'indulgence et la tendresse ne trouvent rien dans les affections terrestres qui leur ressemble. Bien plus, il a daigné identifier ses intérêts avec les nôtres; il nous a créés à son image à sa ressemblance, et a fait de nous autant de reflets de sa divine majesté. Mais il est encore notre Père par alliance; et comme il tient toujours ce qu'il promet, cette nouvelle paternité est aussi réelle que l'autre. Enfin, au-dessus de tous les liens de la nature, de la grâce et de la gloire, en vertu desquels il nous appelle ses enfants, il est notre Père pour une raison dont nous ne comprendrons jamais la grandeur, c'est-à-dire en tant qu'il est le Père de Notre-Seigneur Jésus- Christ. | ||
Ce sentiment de piété filiale envers notre Père céleste calme les inquiétudes de notre conscience au sujet des péchés du passé. Nous pouvons nous reposer sur lui, avec une douce confiance, même de la terrible décision de notre sort pour l'éternité. Nous jouissons jusque dans les actions les plus indifférentes d'une douce liberté d'esprit, à laquelle se mêle un ardent désir de le servir, que nous inspire notre amour filial. De ce sentiment naît encore un aimable oubli de soi- même; il nous envoie la douceur dans la prière, la patience dans le doute, le calme dans les difficultés, la joie dans les épreuves, et la résignation dans les douleurs. Nous adorons Dieu pour l'amour de lui, parce qu'il est. notre Père chéri. Douce pensée, qui tombe sur notre âme comme un triple rayon de soleil, qui apporte avec, soi plus de confiance en Dieu, plus de liberté avec Dieu, plus de générosité pour Dieu | ||
J'ai insisté sur ce point, parce qu'il est
de la plus haute importance que nous soyons imbus du véritable esprit de
l'Évangile; et si tant d'hommes tombent dans des erreurs funestes à ce sujet,
c'est en partie parce qu'ils ne se rappellent pas il chaque heure du jour
que Notre-Seigneur est Dieu, et en partie parce qu'en pensant à Dieu ils
mêlent quelque autre idée à celle de Père, et laissent dominer l'élément
le moins tendre. |
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L'esprit
de l'Évangile ne respire que tendresse, et les trois défauts
que j'ai signalés, le manque de dévotion envers la sainte Vierge, le manque
de dévotion envers la sainte humanité de Jésus, et le manque de piété filiale
envers Dieu, sont autant d'effets du défaut de tendresse, et autant de causes
qui continueront à le faire sentir. Voilà le grand obstacle caché qui vous
arrête. Avec votre désir chevaleresque d'arriver à la perfection, avec votre
dégoût pour le monde, avec votre estime des grandes choses, vous espérez
faire de rapides progrès., et vous êtes trompés dans votre attente. Je vous
ai déjà invités à vous examiner vous-mêmes, et à voir si vous ne manquez
pas de dévotion envers la sainte Vierge, envers l'humanité sacrée de Notre-Seigneur,
ou enfin envers la paternité à jamais bénie de Dieu. Permettez-moi maintenant
de vous présenter la même chose sous une autre forme. Ces trois défauts
indiquent en réalité le défaut de tendresse, quoiqu'ils indiquent autre
chose encore. Mais le manque de tendresse en religion suffit quelquefois
pour arrêter la croissance d'un homme en sainteté. Il n'est donc pas inutile
d'en toucher quelques mots. Un homme peut être religieux dans un sens, c'est-à-dire
qu'il craindra Dieu, haïra le péché, aura une conscience sévère, le tout
accompagné d'un pur désir de sauver son âme. Il n'y a rien là-dedans que
de louable. Mais il faut avouer que les saints n'étaient pas des gens de
cette catégorie. Il y avait en eux un je ne sais quoi de suave, de doux,
de délicat, d'aimable, d'affectueux, et, j'ose le dire, de poétique, qui
donnait un caractère tout différent à leur dévotion. C'étaient des images
vivantes de Jésus-Christ. Voilà ce que, dans la mesure de nos faibles efforts,
nous devrions chercher à acquérir, si nous voulons croître en sainteté. |
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Par tendresse, je n'entends pas la faculté qu'ont les personnes impressionnables de s'attendrir et de verser des larmes. Ce ne sont là souvent que des preuves de lâcheté, de faiblesse, qu'un manque de résolution et de force de caractère. La véritable tendresse commence de diverses manières,. Les progrès en sont marqués par une vive douleur, qui éclate à la vue du péché, sans que la pensée du châtiment vienne y prendre part, par ce que j'ai appelé ailleurs de la susceptibilité pour les intérêts de Jésus, par une docilité enfantine envers nos supérieurs et nos directeurs spirituels, par les mortifications que nous nous imposons sans qu'elles nous paraissent un joug, par une habitude de ne jamais s'arrêter aux préceptes sans aller droit aux résolutions; enfin par un goût faible, et qui se fait encore à peine sentir pour les humiliations. A mesure que la tendresse s'empare de nos âmes, tous les principaux caractères de la sainteté viennent se réunir et se grouper autour d'elle. Car l'amour est une meilleure sauvegarde contre le péché que la crainte, et la tendresse rend notre retour à Dieu plus complet et plus facile. Elle a un attrait spécial pour Jésus, dont elle est l'es- prit, et qui ne veut pas se laisser vaincre sur le terrain de sa propre douceur. Sans tendresse, point de progrès; et tandis qu'elle rend le devoir plus aisé et, par conséquent, l'accomplissement du devoir plus par- fait, elle répand en nous les instincts essentiels du christianisme, tels que l'amour des souffrances, la patience dans les épreuves, et le désir des humiliations. De plus, elle transforme la douleur que cause le péché en une componction qui est plus précieuse pour l'âme pénitente qu'aucun autre don. Examinez les phénomènes de l'Incarnation, quels sont-ils? L'impuissance des souffrances qui n'étaient ni nécessaires, ni obligatoires, des sacrifices, des abaissements, des luttes in- fructueuses et sans cesse renouvelées, un abandon complet de ses droits, une grande indifférence pour le succès, et une Passion qui arrache des larmes. Et quelle peut être notre réponse à toutes ces choses, sinon la disposition qui est exprimée par ce mot de tendresse? | ||
La sainte enfance de Jésus nous prêche la tendresse; la tendresse est partout, dans la Passion, dans le Saint-Sacrement, dans le Sacré-Cœur. Mais jetez les yeux sur la vie de Jésus parmi les hommes, et vous verrez plus clairement ce que c'est que cette tendresse. D'abord la tendresse était répandue sur toute la personne intérieure de Notre-Seigneur. Le récit du Dimanche des Rameaux en est un exemple. Voyez ensuite la manière dont il traitait ses disciples, les pécheurs, et ceux que l'affliction ou le chagrin jetait sur son chemin. Il n'éteignait pas la lampe mourante, il n'écrasait pas le roseau brisé. Tel était le véritable portrait du Sauveur. Il Y avait de la tendresse jusque dans ses regards, comme lorsqu'il regarda un jeune homme et se prit à l'aimer; saint Pierre fut aussi converti par un regard. Toutes ses paroles étaient pleines de tendresse. Le ton de ses paraboles, ses sermons, d'où la terreur est bannie, enfin l'abîme de pardons qu'ouvrent ses enseignements, tout le prouve. Il ne mettait pas moins de tendresse en répondant aux questions, comme en ce jour où il fut accusé d'être possédé du démon, et lorsqu'il fut frappé au visage. Il n'est pas jusqu'à ses reproches qui ne respirassent la tendresse, témoin la femme adultère, Jacques et Jean, et la Samaritaine, et Judas. Son zèle n'était pas moins tendre, lorsqu'il reprenait les deux frères qui auraient voulu faire des- cendre le feu du ciel sur un village de Samarie, et lors- que, saisi d'une divine indignation, il purifia le temple des voleurs qui le déshonoraient. | ||
Maintenant, si Notre-Seigneur est notre modèle,
si son esprit est le nôtre, la tendresse chrétienne doit naturellement faire
une profonde impression sur notre vie spirituelle; et, pour parler proprement.
en constituer le principal caractère. Sans tendresse, nous ne posséderons
jamais cet esprit de générosité avec lequel nous devons servir Dieu. Elle
est aussi nécessaire à notre vie intérieure et à nos rapports avec Dieu
qu'à notre vie extérieure et à nos rapports avec les autres hommes; or,
il Y a un don du Saint-Esprit, la piété, qui a pour objet spécial de conférer
cette tendresse. |
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Conclusion Si donc les obstacles secrets dont vous vous plaignez affectent votre vie intérieure, et qu'ils proviennent de quelque chose de défectueux dans vos sentiments et dans vos exercices de piété, pratiquez ces trois dévotions envers la sainte Vierge, envers la sainte humanité de Jésus, envers Dieu considéré comme notre Père, et de grands résultats ne tarderont pas à apparaître. Quand tout ira bien sous ce triple rapport, vos voiles cesseront de pendre immobiles le long du mat. |
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