Était-elle
universelle?
On rapporte habituellement l'histoire de la communion dans la main de
la façon suivante:
1)Depuis la Dernière Cène et au temps des
apôtres, on distribuait naturellement la communion dans la main. Il
en était également ainsi à l'époque des martyrs et cela s'est poursuivi
durant l'âge d'or des Pères de la liturgie, après la paix de Constantin.
On distribuait la communion aux fidèles de la façon dont on le fait
maintenant (dans les secteurs plus ouverts et plus à la page de l'Église).
Cette pratique s'est maintenue au moins jusqu'au dixième siècle. Telle
fut donc la norme durant la moitié au moins de la vie de l'Église. On
en trouve une preuve merveilleuse dans le texte de saint Cyrille
de Jérusalem (313-386), dans lequel il conseille aux fidèles de
former un trône de leurs mains pour y recevoir le Roi [dans la sainte
Communion]. Ce Père de l'Église conseille également de prendre bien
soin de tout fragment qui pourrait rester dans la main, car de même
qu'on ne laisserait pas tomber sur le sol de la poussière d'or, il faut
y veiller plus soigneusement encore lorsqu'il s'agit du Corps du Seigneur.
On pense généralement que le changement dans la manière de recevoir
le pain consacré est survenu de la façon suivante: Au cours du Moyen
Âge, sont apparues certaines distorsions dans la foi et dans l'approche
de la foi qui se sont graduellement développées. Celles-ci incluaient
une peur exagérée de Dieu et une préoccupation subséquente en ce qui
concerne le péché, le jugement et le châtiment; une trop grande importance
accordée à la divinité du Christ qui consistait virtuellement à nier,
ou tout au moins à minimiser Son humanité sacrée; une exagération du
rôle du prêtre dans la liturgie sacrée; et une perte du sens de la communauté
qui constitue, en fait, ce qu'est l'Église. En particulier, en raison
d'une importance excessive accordée à l'adoration du Christ dans la
sainte Eucharistie et à une approche trop stricte en ce qui concerne
les questions morales, la sainte communion était devenue de plus en
plus rare. On considérait qu'il était suffisant de contempler l'hostie
consacrée au moment de l'élévation. (En fait, cette pratique décadente
de "l'élévation" [c'est ainsi que le courant de pensée dominant actuel
continue d'interpréter cette époque] et la pratique également malsaine
de l'exposition et de la bénédiction du Saint Sacrement ont pris naissance
au cours de cette malheureuse période du Moyen-Âge qui a donné lieu
à des pratiques liturgiques dont nous ferions bien de nous débarrasser).
C'est dans cette atmosphère et en raison de ces circonstances qu'on
a commencé à restreindre la pratique de la communion dans la main. La
pratique du prêtre qui dépose l'hostie consacrée directement dans la
bouche du communiant s'est développée et, cela est triste à dire, a
été imposée.
La conclusion est assez claire: nous devrions nous débarrasser de cette
coutume qui trouve ses racines dans un âge d'ignorance. Nous devrions
interdire, ou à tout le moins décourager cette pratique qui ne permet
pas aux fidèles de "prendre et de manger" et revenir à la manière originale
des Pères et des Apôtres de la communion dans la main.
2)Voilà une histoire "irrésistiblement
convaincante". Mais elle n'est pas vraie. Le sacré Concile de
Trente a déclaré que la coutume pour le prêtre qui célèbre la messe
de se donner à lui-même la communion (de ses propres mains) et des laïcs
de la recevoir du prêtre est une tradition apostolique. Un examen plus
rigoureux des documents sur l'histoire de l'Église et des écrits
des Pères ne justifie pas l'assertion selon laquelle la communion
dans la main était une pratique universelle qui fut graduellement supplantée
et finalement remplacée par la pratique de la communion sur la langue.
Les faits semblent plutôt conduire à une conclusion différente. Déjà
au Vè siècle, le Pape saint Léon le Grand (440-461) témoigne
de cette pratique traditionnelle. Dans son commentaire sur le sixième
chapitre de l'Évangile de Jean, il mentionne que la communion dans la
bouche est d'un usage courant: On reçoit dans la bouche ce que l'on
croit par la foi [2]. Le Pape ne parle pas comme s'il introduisait une
nouveauté, mais comme s'il s'agissait d'un fait bien établi. Un siècle
et demi plus tard, mais toujours trois siècles avant que la pratique
(selon ce que nous lisons plus haut) ait été prétendument introduite,
le Pape Grégoire le Grand (590-604) en est lui aussi le témoin.
Dans ses dialogues (Romain 3, c. 3) il rapporte que le Pape saint Agapet
accomplit un miracle durant la messe après avoir placé le Corps du Seigneur
dans la bouche d'une personne. Jean le Diacre nous parle également
de la manière dont ce Pape distribuait la sainte communion. Ces témoins
remontent au cinquième et au sixième siècle. Comment peut-on raisonnablement
affirmer que la communion dans la main était la pratique officielle
qui s'est poursuivie jusqu'au dixième siècle ? Comment peut-on affirmer
que la communion sur la langue est une invention médiévale ? Nous ne
prétendons pas que jamais, en aucune circonstance, les fidèles n'ont
reçu la communion dans la main. Mais dans quelles conditions cela se
passait-il ? Il semble bien que très tôt le prêtre plaçait habituellement
l'hostie consacrée dans la bouche du communiant. Cependant, à l'époque
des persécutions, lorsque la présence des prêtres fut rendue difficile
et que les fidèles emportaient chez eux le sacrement, ils se donnaient
à eux-mêmes la communion, de leurs propres mains. Autrement dit, plutôt
que d'être totalement privés du Pain de Vie, ils pouvaient le recevoir
de leurs propres mains, faute de quoi ils auraient été privés de cette
nécessaire nourriture spirituelle. Il en était de même pour les moines
qui s'étaient retirés au désert où ils ne disposaient pas des services
d'un prêtre et ne voulaient pas abandonner la pratique de la communion
quotidienne. En résumé, il était permis de toucher l'hostie lorsque
ne pas le faire signifiait se priver du sacrement. Mais lorsqu'un prêtre
était présent, on ne recevait pas la communion dans la main. Saint
Basile (330-379) dit clairement que recevoir la communion de ses
propres mains n'est permis qu'en temps de persécution ou, comme dans
le cas des moines au désert, lorsqu'il n'y a ni prêtre ni diacre pour
la distribuer. Il n'est pas nécessaire de montrer que communier de sa
propre main ne constitue par une faute grave en l'absence d'un prêtre
ou d'un diacre (Lettre 93). Le texte laisse entendre que recevoir la
communion dans la main en d'autres circonstances, hormis la persécution,
représente une faute grave [3]. Le saint fonde son opinion sur la coutume
des moines solitaires au désert, qui conservaient le saint sacrement
dans leur demeure et qui, en l'absence du prêtre ou du diacre, se donnaient
à eux-mêmes la communion. Dans son article intitulé "Communion" dans
le Dictionnaire d'archéologie chrétienne, Leclerq déclare que
la paix de Constantin mettait un terme à la pratique de la communion
dans la main. Ceci réaffirme, en ce qui nous concerne, le raisonnement
de saint Basile voulant que ce soit la persécution qui ait créé l'alternative
entre recevoir la communion dans la main ou de ne pas la recevoir du
tout. Lorsque les persécutions eurent cessé, il est évident que la pratique
de la communion dans la main a persisté ici et là. Cela était considéré
par les autorités de l'Église comme un abus dont il fallait se débarrasser,
puisqu'on l'estimait contraire à la coutume des Apôtres. C'est ainsi
que le Concile de Rouen, qui s'est réuni en 650, déclare : Ne
mettez pas l'Eucharistie dans les mains d'un laïc ou d'une laïque, mais
seulement dans leur bouche. Le Concile de Constantinople, connu
sous le nom de concile in Trullo interdisait aux fidèles de se donner
à eux-mêmes la communion (ce qui est évidemment le cas lorsque la particule
consacrée est placée dans la main des communiants). Il décrétait une
excommunication d'une semaine pour ceux qui feraient cela en présence
d'un évêque, d'un prêtre ou d'un diacre.
3)Que penser de saint Cyrille ?
Évidemment, les promoteurs de la "communion dans la main" font généralement
très peu mention des faits que nous venons de présenter. Ils font cependant
grand usage du texte attribué à saint Cyrille de Jérusalem, contemporain
de saint Basile au quatrième siècle. Henri Leclerq résume les
faits comme suit: "Saint Cyrille de Jérusalem recommandait aux fidèles
qu'en se présentant pour recevoir la communion, ils devraient avoir
la main droite tendue, les doigts joints, soutenus par la main gauche,
la paume légèrement concave; et au moment où le Corps du Christ serait
déposé dans sa main, le communiant dirait: Amen." Le texte ne s'arrête
toutefois pas là. Il poursuit en proposant ce qui suit: "Sanctifiez
votre oil par le contact avec le Corps Sacré (...) Alors que vos lèvres
sont encore humides, touchez vos lèvres et passez votre main sur vos
yeux, votre front et vos autres sens pour les sanctifier." Cette recommandation
plutôt bizarre (ou même superstitieuse ? Irrévérencieuse ? ) à amené
les savants à s'interroger sur l'authenticité de ce texte.
Certains pensent qu'il y a eu interpolation, ou que c'est en réalité
le successeur du saint qui en est l'auteur. Il n'est pas impossible
que ce texte soit réellement l'oeuvre du Patriarche Jean qui
a succédé à saint Cyrille de Jérusalem. Mais l'orthodoxie de ce Jean
était suspecte. Nous le savons grâce à la correspondance échangée entre
saint Épiphane, saint Jérôme et saint Augustin. Nous avons donc
à l'appui de la communion dans la main un texte dont l'origine est douteuse
et le contenu discutable. D'un autre côté, nous avons des témoins digne
de foi, y compris deux grands papes, montrant que la pratique de placer
l'hostie consacrée dans la bouche du communiant était habituelle et
ordinaire au moins depuis le cinquième siècle. Cléricalisme? N'est-ce
pas une forme de cléricalisme de permettre au prêtre de toucher l'hostie
consacrée et d'interdire aux laïcs de faire la même chose? Mais les
prêtres n'étaient autorisés à toucher le saint sacrement que par nécessité.
En fait, en dehors du célébrant lui-même, personne, pas même un prêtre,
ne pouvait recevoir la communion de ses propres mains. Ainsi, dans la
pratique liturgique traditionnelle du rite romain, si un prêtre assistait
à la messe (sans la célébrer) et désirait recevoir la sainte communion,
il ne le faisait pas de ses propres mains: un autre prêtre la lui donnait
sur la langue. Ce qui serait également vrai pour un évêque. Ce qui est
vrai pour le Pape lui-même. Lorsque le Pape saint Pie X, par
exemple, était sur son lit de mort, en août 1914, et que la sainte communion
lui fut apportée en viatique, il ne lui a pas été permis de la recevoir
dans la main; il la reçut sur la langue en conformité avec la loi et
la pratique de l'Église catholique. Ce qui confirme un point fondamental
: en signe de révérence, l'hostie consacrée ne devrait pas être touchée
sans nécessité. Il est évidemment nécessaire que quelqu'un distribue
le Pain de Vie. Mais il n'est pas nécessaire que chaque homme, chaque
femme et chaque enfant se fasse son "ministre eucharistique" en multipliant
les manipulations et les dangers de laisser tomber l'hostie et de perdre
des parcelles. Même les mains de ceux qui ont été spécialement consacrés
pour toucher la très sainte Eucharistie, c'est-à-dire les prêtres, ne
devraient le faire sans nécessité. [1] sess. 13, c. 8: En ce qui concerne
la réception du sacrement, il a toujours été la coutume de l'église
de Dieu que les laïcs devraient recevoir la communion des prêtres; mais
que les prêtres, lorsqu'ils célèbrent, devraient se communier eux-mêmes;
laquelle coutume, nous venant de la tradition apostolique, devrait avec
justice et raison être maintenue. In sacramentale autem sumptione semper
in Ecclesia Dei mos fuit, ut laici a Sacerdotibus communionem acciperent;
Sacerdotes autem celebrantes seipsos communicarent: qui mos, tamquam
ex traditione Apostolica descendens, jure, ac merito retinere debet.
[2] Hoc enim ore sumiter quod fide creditur. Serm. 91.3 [3] Tout comme
si je disais que ce n'est pas une faute grave de manquer la messe un
dimanche si l'on doit prendre soin d'un malade. Ceci implique (ce que
nous savons déjà) que lorsqu'une pareille excuse n'existerait pas, il
y aurait faute grave.
OBJECTIONS
VALIDES À LA COMMUNION DANS LA MAIN
Le temps est venu de commencer à faire tout ce que nous
pouvons pour raisonnablement et licitement décourager la pratique de la
communion dans la main.
En fait, il y a longtemps que nous aurions dû commencer à le faire. Il
vaut beaucoup mieux recevoir la communion de la façon traditionnelle que
de recevoir l'hostie consacrée dans la main. Il est vrai qu'au Canada
et aux États-Unis il est permis de la recevoir "sur la main", avec les
précautions nécessaires, mais il est préférable de la recevoir sur la
langue. Il y a pour cela plusieurs raisons :
1. Le statut légal des deux méthodes
C'est une loi de l'Église universelle, dans le rite romain (auquel nous
appartenons pour la plupart), de recevoir la communion de la manière traditionnelle.
La recevoir dans la main n'est seulement qu'un "indult", c'est-à-dire
une concession accordée ici et là. Elle n'existe pas dans la plus grande
partie du monde. Par exemple, elle a été autorisée un certain temps aux
Philippines, mais les évêques ont changé d'avis et sont revenus sur leur
décision. Une autre façon d'illustrer le même point, c'est de se rappeler
que dans les pays où l'indult de la communion dans la main a été accordé
par le Saint-Siège, un évêque peut à lui seul interdire cette pratique.
Mais aucun évêque n'est autorisé à interdire la façon traditionnelle de
recevoir la communion: sur la langue. Ainsi, du point de vue de la loi
liturgique, les deux sont loin d'être égales. On notera également que
la législation en cause nous exhorte tous vigoureusement à recevoir la
communion de la façon traditionnelle, laquelle est officiellement décrite
comme étant "plus révérencieuse". On chercherait en vain un encouragement
à recevoir la communion dans la main de la part de l'autorité suprême
de l'Église. En vérité la seule fois où elle est mentionnée dans les documents
officiels, c'est pour nous mettre en garde. Cela peut être fait de façon
révérencieuse, mais faites attention ! Cette pratique de recevoir la communion
dans la main a été introduite dans certains pays. Elle a été demandée
par des conférences épiscopales individuelles et a reçu l'approbation
du Siège apostolique. Cependant, des cas de manque de respect déplorables
envers les espèces eucharistiques ont été rapportés, des cas imputables
non seulement aux individus qui s'en sont rendus coupables, mais également
aux pasteurs de l'église qui n'ont pas été suffisamment vigilants en ce
qui concerne l'attitude des fidèles envers l'Eucharistie. Il arrive également,
à l'occasion, que le libre choix de ceux qui préfèrent continuer la pratique
de recevoir la communion sur la langue n'est pas pris en considération
dans les endroits où la distribution de la communion dans la main a été
autorisée. Il est par conséquent difficile, dans le contexte de la présente
lettre, de ne pas mentionner le triste phénomène auquel nous avons fait
allusion précédemment. Ceci ne s'adresse évidemment d'aucune façon à ceux
qui, dans les pays où cette pratique a été autorisée, reçoivent le Seigneur
Jésus dans leur main avec une révérence et une dévotion profondes (Jean-Paul
II, Dominicae Cenae, 11). Dans Memoriale Domini, qui accordait la concession
originale, et dans la lettre aux nonces qui accompagnait dans chacun des
cas l'indult lui-même, la permission de recevoir la communion dans la
main était entourée de tant de précautions que certains en ont conclu
que même dans les pays où cette pratique pourrait paraître légale, en
réalité, dans la grande majorité des cas, elle n'est pas autorisée.
2.
Origine de la communion dans la main
L'origine de la pratique actuelle de la communion dans
la main en chrétienté occidentale remonte à la révolution protestante,
ou "Réforme". Certains diront que c'était la réintroduction d'une ancienne
pratique universelle et vénérable. Nous examinerons cela plus bas. Mais
même s'il s'agissait d'une ancienne pratique de l'Église catholique, sa
réintroduction au seizième siècle n'était guère orthodoxe. Elle concrétisait
plutôt la négation de la présence réelle enseignée par le Christ et son
Église, et la réalité du sacerdoce catholique. C'était la conséquence
liturgique d'une hérésie antérieure. On sait que la communion dans la
main a commencé à se répandre dans des cercles hollandais au début des
années soixante. Elle a donc commencé de la même manière que la pratique
protestante, ou à tout le moins comme un "faux archéologisme": une idolâtrie
des (prétendues) pratiques de l'Église des premiers temps. Elle impliquait
l'oubli (ou le rejet !) du développement véritable de la doctrine catholique
eucharistique d'une façon plus claire et plus explicite que jamais. Elle
impliquait un rejet de ce qui nous avait de fait était transmis dans le
développement organique de la liturgie. Et c'était un cas flagrant de
défi et de désobéissance envers la loi de l'Église et l'autorité ecclésiastique.
Le désir de cette pratique ne provenait ni de l'autorité suprême de l'Église,
qui y était opposée, ni des rangs des fidèles du Christ (par définition,
ceux-ci demeurent fermement attachés à la croyance en la transsubstantiation)
qui n'ont jamais demandé cette pratique. Elle était souhaitée plutôt par
une partie des cadres moyens de l'Église et d'un "establishment liturgique"
en particulier. Et cela s'est fait d'une manière typiquement révolutionnaire.
Lorsque le temps fut venu d'exercer des pressions en faveur de cette pratique
en Amérique du Nord, les moyens utilisés n'ont pas été des plus honnêtes.
En fait, il s'y est mêlé un certain degré de tromperie ou à tout le moins
de "désinformation". Il est préférable de tirer le rideau sur certains
détails sordides, mais une abondante documentation peut être fournie à
quiconque voudrait contester que les choses ne se sont passées de cette
façon. Nous pouvons résumer en disant que dans les temps modernes, la
pratique de la communion dans la main trouve son origine dans l'hérésie
et la désobéissance. Est-ce là ce que le Saint Esprit voudrait inspirer
pour amener des changements liturgiques souhaités ? Il est peut-être permis
de penser qu'une différente sorte d'esprit était à l'oeuvre.
3. Les fragments...
Si nous examinons la pratique de placer l'hostie consacrée dans la main
du communiant, un dogme de l'Église vient immédiatement à l'esprit : la
présence eucharistique du Christ commence au moment de la consécration
et demeure tant que subsistent les espèces eucharistiques. Le Christ est
tout entier présent dans chacune des espèces et tout entier dans chacune
de leurs parties, de sorte que la fraction du pain ne divise pas le Christ
[Note 205: cf. Concile de Trente: DS 1641]. (CEC n. 1377). Le catéchisme
romain nous dit : le Christ tout entier est contenu non seulement sous
les deux espèces, mais également dans chacune des particules de chaque
espèce. Chacune, dit saint Augustin, reçoit le Seigneur Jésus Christ,
et Il est tout entier dans chacune des portions. Il n'est pas diminué
pour être distribué au grand nombre, mais se donne Lui-même tout entier
à chacun (...) le Corps de Notre Seigneur est contenu tout entier sous
la plus petite particule de pain. Il faut par conséquent traiter ces fragments
avec grande révérence, grand soin et grand respect. Si tel est le cas,
pourquoi voudrions-nous multiplier immensément le nombre de personnes
qui manipulent l'hostie consacrée, alors que certaines d'entre elles sont
maladroites, ou ne voient pas très bien, ou sont indifférentes, ou ne
savent pas, etc., etc. Pour ceux dont la foi est vivante, cette question
devrait suffire à mettre un terme à la communion dans la main : "Et les
fragments? "
4. Qui encourage la communion dans
la main ?
On pourrait considérer que cet argument est entaché
du sophisme de "culpabilité par association". Mais il n'est pas nécessairement
faux. Les personnes appartenant au courant de pensée actuel de l'establishment
liturgique (et leurs disciples) qui encouragent la communion dans la main
sont les mêmes qui, pour la plupart, éprouvent de la répugnance en général
pour l'adoration du Seigneur dans la sainte Eucharistie et l'adoration
perpétuelle en particulier. Une forte insistance sur le culte dû à la
présence réelle du Christ Notre Seigneur dans la sainte communion n'est
pas une caractéristique des liturgistes modernes. En vérité, ils vont
même jusqu'à la décourager. Nous devons porter notre attention sur la
communauté, disent-ils. En général, nous pouvons appliquer aux corrupteurs
(conscients et inconscients) de la doctrine et de la pratique catholiques,
en ce qui concerne la messe, les paroles de G. K. Chesterton : Ils sont
coupables d'idolâtrer ce qui est intermédiaire pour oublier ce qui est
fondamental. Eh bien, voilà les promoteurs de la communion dans la main.
Ils éprouvent de l'aversion pour la manière traditionnelle de recevoir
la communion et ils la découragent. Pour quelle raison?
5. L'expression "communion dans
la main" n'est pas appropriée
On ne donne pas la sainte communion à une personne lorsqu'on
place une hostie consacrée dans sa main. Le sacrement de la sainte communion
consiste à manger du Pain de Vie.Chaque personne qui reçoit l'hostie consacrée
dans sa main se donne plutôt à elle-même la sainte communion. Chaque personne
devient son propre ministre (extraordinaire devenu ordinaire) de la communion.
De cette façon, le ministère des prêtres (et des diacres) ou même celui
des ministres extraordinaires légitimes de la sainte communion est rendu
obscur, ou même évacué. On a suggéré que cette pratique devrait être rebaptisée
"une auto-communication manuelle commune".
6. La communion dans la main est
trop désinvolte
Quelle sorte de nourriture mangeons-nous avec les mains?
Souvent, dans notre "culture", c'est un aliment auquel on ne prête guère
attention. Nous mangeons du pop-corn avec les mains, machinalement, les
yeux rivés sur l'écran. Nous avalons des amuse-gueule à une réception,
tout en poursuivant la conversation. Particulièrement avec les enfants,
mais pas seulement avec eux, il semble peu judicieux d'associer cette
manière de manger avec la très sainte Eucharistie.
7. Ses fruits...
Il nous faut être rigoureusement honnêtes avec nous-mêmes. Cette pratique
a-t-elle réellement raffermi et clarifié notre foi dans la présence réelle
? A-t-elle eu pour résultat une piété plus grande, un plus grand amour,
une charité fraternelle plus abondante ? Comme peuple de Dieu, sommes-nous
de plus en plus remplis d'une crainte révérencielle en prenant le Corps
du Christ dans nos mains ? Il est au moins un fruit que l'introduction
de cette pratique n'a pas donné et c'est aussi un trait de l'ensemble
de la réforme liturgique en général : l'unité en a souffert. Il apparaît
à l'auteur de ces lignes que la communion dans la main doit au moins prendre
sa part du blâme pour le déclin parmi les catholiques de la croyance en
la présence réelle.
8. Était-elle universelle ?
Pour montrer que la communion dans la main a déjà été
une pratique universelle, on cite habituellement un texte en particulier
de saint Cyrille d'Alexandrie selon lequel nous devrions faire de nos
mains un trône pour y recevoir le Roi. Ce qu'on n'ajoute habituellement
pas, cependant, c'est ce que tout chercheur sérieux en patristique vérifierait:
ce texte est d'origine douteuse. En fait, il est plus vraisemblablement
de l'évêque untel, qui serait un évêque nestorien. De plus, nous avons
des textes de Léon le Grand... de Grégoire le Grand... de saint Basile...
etc.
9. La dernière Cène
Mais les apôtres ont sûrement reçu la communion dans
la main à la dernière Cène ? On le présume habituellement. Cependant,
même si cela était, nous voudrions faire remarquer que les apôtres étaient
eux-mêmes prêtres, ou même évêques. Mais nous ne devons pas oublier une
pratique de l'hospitalité au Moyen-Orient, qui avait cours à l'époque
de Jésus et que l'on rencontre encore aujourd'hui: elle consiste à nourrir
ses invités de ses propres mains en plaçant un morceau symbolique dans
la bouche de l'invité. Et nous avons également de cela une preuve scripturaire:
Notre Seigneur trempa un morceau de pain dans le vin et le donna à Judas.
A-t-il déposé le morceau trempé dans la main de Judas ? Cela serait un
peu malpropre. N'a-t-il pas tendu à celui à qui il s'est adressé plus
tard dans le jardin en l'appelant "Ami", le geste d'hospitalité dont nous
venons de parler ? Et dans ce cas, pourquoi pas avec la sainte communion,
"se donnant Lui-même de Sa propre main".
10. Considérations scripturaires
Dans la sainte communion, nous recevons le Verbe fait
chair. Lorsque Ézéchiel a reçu la parole de Dieu, d'une manière merveilleuse
quoique inférieure à nôtre, ce fut ainsi: Et [le Seigneur] me dit (...)
"Et toi, fils d'homme, écoute ce que je vais te dire, ne sois pas rebelle
comme cette engeance de rebelles. Ouvre la bouche et mange ce que je vais
te donner" Je regardai: une main était tendue vers moi, tenant un volume
roulé. (...) J'ouvris la bouche et il me fit manger le volume, et il me
dit: " Fils d'homme, nourris-toi et rassasie-toi de ce volume que je te
donne." Je le mangeai et il fut dans ma bouche doux comme du miel. (Ez
2.1, 8, 9; 3.1-3). Il n'est pas écrit que le prophète tendit la main,
mais qu'il ouvrit la bouche. Et n'est-ce pas ce qu'il convient de faire
puisque nous allons recevoir la parole comme des petits enfants, que ce
soit le pain de la doctrine ou le Pain qui descend du Ciel. A un autre
endroit, dans un psaume ayant des accents prophétiques et eucharistiques
évidents et qui est utilisé dans l'Office du Corpus Christi, le Seigneur
nous dit : C'est moi le Seigneur ton Dieu, qui t'ai fait monter du pays
d'Égypte. Ouvre grand la bouche et je la remplirai! (...) Il nourrirait
Israël de fleur de froment, et de miel sauvage il le rassasierait. "Je
la remplirai", et non "tu la rempliras toi-même". J'admets que cela ne
constitue pas en soi une preuve. Mais, cela pointe dans une certaine direction.
Extrait
d'une révélation privée :
Un prêtre est venu chez moi et m'a dit: "Prie pour moi,
j'endure de grandes souffrances." Et il a disparu sans pouvoir m'en dire
plus. Dans la suite, une autre âme du Purgatoire m'a éclairée sur ce cas.
"Il a beaucoup à souffrir parce qu'il a introduit la communion dans la
main et a fait enlever les tables de communion. Ce qu'on pourrait faire
de plus efficace pour le soulager, ce serait de remettre les tables saintes
là où il les a fait enlever, et que ceux qu'il a ainsi entraînés à le
faire ne communient plus dans la main." J'ai dit la chose au doyen que
cela concernait. Il s'est montré compréhensif, et m'a dit: "Je n'ai pas
introduit la communion dans la main. Pour ce qui est des tables de communion,
tout ce que je puis faire, c'est d'essayer d'obtenir qu'on se conforme
à ce désir; mais sur ce point, je dois laisser décider le curé de l'endroit."
Deux fois déjà un prêtre est venu se plaindre. À la troisième rencontre
il se plaint d'avoir durement à souffrir parce qu'il a enlevé la table
de communion de l'église, et forcé le peuple à recevoir la communion debout.
Il y a là, nous le voyons, quelque chose qui n'est pas en règle. Le pape
a bien permis que l'on reçoive la communion debout, mais quiconque voudrait
communier à genoux doit avoir la possibilité de recevoir la Sainte Communion
à genoux à la table sainte. C'est cela que veut le pape, et nous pouvons
le demander de tout prêtre. Si un prêtre ou un évêque savait quelle responsabilité
il encourt en introduisant la communion dans la main, il n'y aurait, sur-le-champ,
plus de communion donnée ou reçue dans la main. Voici maintenant une question
que l'on me pose partout. La chose est claire, mais en cette époque moderne,
les commandements de Dieu ne se laissent pas moderniser. Ces commandements
sont une partie intégrante de l'enseignement de la religion. Qu'on rejette
donc ce "catéchisme hollandais", qui met en question ou passe sous silence
d'importantes vérités de foi, et qu'on achète l'ancien catéchisme, comme
en Suisse, où l'on en fait imprimer des milliers, pour qu'on puisse de
nouveau instruire les enfants d'une manière juste et sûre. Si le prêtre
ou le catéchiste ne le fait pas, que les parents le fassent. (Elle fait
ici allusion à "Anton Schraner, Catéchisme catholique", Christiana-Verlag.) |