Etant à genoux devant votre
confesseur en la contenance la plus humble qu’il vous sera possible,
vous vous représenterez que vous faites cette action devant Notre
Seigneur crucifié, lequel vous prépare le pardon et l’absolution
avec une douceur de miséricorde incomparable. Et partant, avec
une sainte confusion accompagnée néanmoins d'une confiance
très grande, vous vous accuserez selon les avis suivants.
Il se faut accuser non seulement du genre du péché que
l'on a commis, mais aussi de l’espèce : donc, il ne suffit
pas de dire que l'on a été homicide, luxurieux ou larron,
mais il faut encore nommer l’espèce de l'homicide, de la
luxure et du larcin que l'on a commis. Par exemple : si l'homicide a
été commis en la personne du père ou de la mère,
il le faut exprimer, car cela s'appelle parricide; si l'homicide a été
commis en lieu sacré, c'est sacrilège ; si on a tué
une personne sacrée, c'est un parricide spirituel. De même
au genre du péché de luxure, il y a bien de la différence
entre les espèces d'iceluy : car déflorer une vierge,
c'est un stupre ; connaître une femme mariée, c'est adultère
; et ainsi des autres péchés.
Non seulement on se doit accuser des espèces des péchés
que l'on a commis, mais aussi du nombre d'iceux, disant combien de fois
on a commis tel ou tel péché, au plus près que
l'on peut, selon la souvenance que l'on a ; et si l'on n'a pas souvenance
de la quantité des péchés, il suffit de dire combien
plus ou moins environ ; que si même on ne peut bonnement se résoudre
de l'environ, il suffit de dire combien de temps on a persévéré
au péché et si on y est fort adonné. Or, la nécessité
de dire au plus près que l'on peut la quantité des péchés
mortels est essentiellement requise pour faire une bonne confession,
d'autant que pour absoudre le pécheur de ses péchés,
il faut avoir connaissance de l'état de sa conscience ; mais
on ne peut connaître l'état d'une âme si on ne sait
à peu près la quantité des péchés
qu'elle a commis : car, quelle apparence y aurait-il d'avoir en égale
considération une femme, par exemple, qui n’aurait offensé
de son corps qu'une seule fois, comme la sainte pénitente Aglaë,
et celle qui aurait offensé peut-être dix mille fois, comme
on peut croire de sainte Pélagienne, de sainte Marie AEgytiaque
et de sainte Madeleine ?
Il se faut encore accuser de la diversité des degrés qui
se retrouve en chaque espèce de péché ; car tout
ainsi qu’il y a divers degrés en chaque vertu par lesquels
passant de l'un à l'autre on arrive à la vertu héroïque
ou angélique, aussi y a t il divers degrés au péché
par lequel on descend jusqu’au péché diabolique.
Par exemple, il y a bien de la différence entre le courroux et
injurier, frapper du poing, ou avec un bâton, ou avec l'épée
et tuer, qui sont des divers degrés du péché de
colère ; de même, il y a bien à dire entre le regard
charnel, l'attouchement déshonnête et la conjonction luxurieuse,
qui sont divers degrés d'un même péché, il
est vrai que celui qui a confessé une action mauvaise n'a pas
besoin de dire les autres actions qui sont ordinairement requises pour
faire celle-là : ainsi, celui qui s'est accusé d'avoir
commis l’adultère une fois n'est point obligé de
dire les baisers et attouchements qu’il a fait parmi cela, car
cela s'entend assez sans qu'on le dise, et l'accusation de telle chose
est comprise en la confession de l'acte principal duquel les autres
ne sont que les accessoires.
Or, entre les degrés du péché, il faut prendre
garde à celui qui multiplie ou redouble la malice du péché
en une seule action, comme, par exemple, celui qui dérobe un
écu fait un péché ; celui qui en dérobe
deux tout à la fois ne fait aussi qu'un péché,
mais toutefois la malice de ce second péché est deux fois
aussi grande comme celle du premier. De même il se peut faire
qu'avec un mauvais exemple on scandalisera une seule personne, et qu'avec
un autre mauvais exemple de même espèce on scandalisera
trente ou quarante personnes. et qui ne voit que la malice de ce second
péché est beaucoup plus grande que celle du premier ?
Ainsi, si l'un tue une fille et l'autre tue une femme enceinte, ils
n'ont chacun fait qu'un seul coup ; mais l'un néanmoins, en un
seul péché, a fait deux homicides, et par conséquent
son péché, quoi qu'il ne soit qu'un quant à l'acte,
a néanmoins double malice. C'est pourquoi il faut particulariser,
tant qu'il se peut bonnement faire, la qualité de l'objet ou
de la matière par le moyen de laquelle la malice du péché
peut croître ou décroître; car il ne suffirait pas
à celui qui aurait empoisonné un flacon de vin, de dire
qu'il a empoisonné du vin pour faire mourir des personnes, mais
faudrait dire combien de personnes ; car encore que l'empoisonnement
se fît par une seule action, néanmoins il se terminerait
à la mort de plusieurs personnes, et bien que l'action fût
unique, la nuisance néanmoins serait de grande quantité.
Le désir est un degré du péché, et la résolution
d’exécuter en est un autre dont il se faut confesser, bien
que par après on ne vienne point à l’exécution
; car qui désire et beaucoup plus qui se résout de pécher,
il a formé le péché dans son cœur, suivant
le dire de Notre Seigneur : Qui regardera la femme pour la convoiter,
il a déjà adultéré en son cœur( Mt
5,28), et s'il n'a pas péché par effet, il a péché
par affection. Mais cela s'entend des désirs qui sont formés,
et non pas de certaine sorte de mouvements intérieurs qui, de
sursaut, à l'imprévu et sans notre consentement, passent
par notre cœur, pendant lesquels mêmement, qui nous interrogerait
si nous voudrions les choses auxquelles ces mouvements semblent nous
porter, nous dirions indubitablement que non ; car par là on
voit bien que ces désirs sont des actions de notre nature et
non pas de notre franc arbitre.
Il se faut encore accuser des mauvaises pensées quand, avec une
volontaire complaisance au péché, nous nous y arrêtons,
car elles sont un degré du péché, encore bien qu'elles
n’aient été suivies ni du désir, ni de la
résolution. Par exemple, celui qui prend plaisir à penser
en soi même à tuer, ruiner et maltraiter son ennemi, encore
qu'il ne désire point d'en venir aux effets, néanmoins,
s’il a volontairement et à son escient pris délectation
et réjouissance en telles imaginations et pensées, il
s'en doit accuser rigoureusement; comme aussi celui qui, pour prendre
plaisir, s'amuse à penser, imaginer et se représenter
les voluptés charnelles, car il pèche intérieurement
contre la chasteté, d'autant qu’encore qu'il n'ait pas
voulu appliquer son corps au péché, il y a néanmoins
appliqué son cœur et son âme. Or, le péché
consiste plus a l'application du cœur qu'à celle du corps,
et il n'est nullement loisible de prendre à son escient plaisir
et contentement au péché ni par les actions du corps,
ni par celles du cœur.
Encore faut-il prendre garde, pour se bien confesser, à certaines
actions qui comprennent en elles plusieurs espèces de péchés
enveloppés l'un dans l'autre : comme, par exemple, celui qui
ferait tuer le mari pour jouir de la femme, comme David (2 R 11,15),
ferait trois sortes de péché tout ensemble, car il commettrait
scandale, homicide et adultère ; ainsi, celui qui battrait un
valet, et en le battant se représenterait par imagination le
plaisir qu’il prendrait à battre le maître, ferait
ensemble deux péchés, l'un de cœur et l'autre de
corps ; et celui qui ayant accointances à une fille s'imaginerait,
pour prendre plaisir, une femme mariée qu’il aurait désiré,
ferait du corps un stupre, et du cœur un adultère. Il y
a même certaines actions lesquelles semblent être mêlées
de péché mortel et de véniel, esquelles quelquefois
on est grandement trompé , comme, par exemple, une personne grandement
en colère aura voulu donner un grand coup à quelqu'un
qui, gauchissant, se sera échappé ; et par ce que l’effet
de sa mauvaise volonté ne sera pas ensuivi, il tiendra l’offense
pour petite, bien que réellement son intention de frapper rudement
la fasse fort grande. Ainsi, celui-là ne se confesserait pas
bien qui ayant dérobé une bourse en laquelle il n'y avait
que demi-douzaine de jetons lesquels il pensait être des écus,
ne s'accuserait que d’avoir dérobé des jetons ;
car encore qu'en effet il n’ait dérobé que des jetons,
en affection néanmoins il a dérobé des écus.
DES PECHES CONTRE LE PREMIER
COMMANDEMENT DU DECALOGUE
En ce premier commandement il nous est ordonné de servir, honorer
et aimer Dieu selon les règles de la vraie religion ; les espèces
de péché qui se commettent contre ce commandement sont
:
1. Premièrement : le blasphème, qui
n'est autre chose qu'une médisance de la divine Majesté
faite par mauvaise affection ; comme quand on dit que Dieu n'est pas
bon, qu'il n'est pas juste, qu'on le renie, qu'on le maugrée,
qu'on le dépite et, en fin finale, toutes fois et quantes que
volontairement et à notre escient nous parlons de Dieu incivilement,
ainsi que l'on fait quand on dit : Aussi vrai comme Dieu est ; un tel
est vilain comme Dieu est noble ; Dieu ne se soucie pas de ce que nous
faisons ; laissons Dieu en Paradis et demeurons ici ; et semblables
impertinences.
C'est aussi un espèce de blasphème de médire des
Saints ou parler incivilement d'eux et des choses sacrées : comme,
par exemple, emprunter les paroles de l'Ecriture par moquerie, risée
et déhonnêteté.
2. La seconde espèce des péchés contre ce commandement,
c'est l’impiété , qui consiste ès actions
par lesquelles nous voulons déshonorer Dieu ou les choses sacrées
: comme font ceux qui emploient les Sacrements, le saint Chrême,
les paroles sacrées pour des charmes, ou qui les foulent par
dédain, rompent les images, ruinent les autels, les reliques
et semblables choses.
3. La troisième espèce, c'est la superstition, comme est
idolâtrer, c'est à dire adorer comme Dieu ce qui n'est
point Dieu ; user de magie, c'est à dire employer le diable pour
quelque opération, soit qu'on l’emploie ouvertement, comme
font ceux qui ont fait convention avec lui et les sorciers, soit qu'on
l’emploie tacitement par paroles et caractères inconnus,
ou paroles et caractères connus, mais appliqués faussement
et vainement ; item, aller aux devins, et, en somme, faire ou dire quelque
chose pour obtenir quoi que ce soit du malin esprit ou de ceux qui dépendent
de lui.
4. Violer les voeux que l'on a fait, ou bien faire des mauvais voeux
: comme par exemple, de tuer quelqu’un, ou de ne faire pas quelque
bien.
5. Tenter Dieu, c'est a dire vouloir éprouver et essayer si Dieu
est bon, juste ou puissant, soit expressément, comme faisaient
les Juifs demandant des miracles a Notre Seigneur sans nécessité
ni raison quelconque, soit tacitement, comme font ceux qui, sans nécessité
ni occasion, méprisent les moyens ordinaires que Dieu nous a
donné pour faire les choses, prétendant que Dieu en fournira
d’extraordinaires, et ceux qui, sans nécessité,
se mettent en des dangers éminents, présumant que Dieu
les en doive délivrer.
Les péchés suivants sont aussi contre ce commandement
:
Douter de la foi. Se défier de son salut ou de son amendement
et rémission des péchés ; ou bien, au contraire,
présumer d'obtenir le salut sans s'amender, ou penser avoir l'amendement
sans pénitence, ou la pénitence sans prier, s'humilier
et se disposer à l'avoir. Mettre son cœur ès choses
créées en telle sorte qu'on oublie le Créateur.
Dire des mauvaises paroles contre Dieu, les Saints et l'Eglise; disputer
curieusement et témérairement des choses de la foi ; disputer
on faire des persuasions que les commandements de Dieu n'obligent pas
les personnes, qu'il ne faut pas craindre de les rompre, et semblables
choses que des jeunes gens font quelquefois, ou pour pervertir l'esprit
des filles, ou pour faire les galants en matière du péché
de la chair. Se plaindre de Dieu, blasphémer, invoquer le diable
ou pour soi, ou contre soi, ou contre les autres, comme font ceux qui
disent : je voudrais que le diable me guérisse d'une telle maladie,
ou me rompît le col, ou me fît avoir telle chose; le diable
t'emporte ; le diable m'emporte ; et semblables choses.
Employer les enchanteurs et les assister. Ouïr les hérétiques
en leurs prêches, prières et assemblées; avoir leurs
livres et tous livres faits pour deviner. Faire des irrévérences
dedans les églises, comme mugueter, cajoler, pavaner, reiller,
tenir des contenances inciviles et arrogantes, empêcher les autres
de prier, et semblables discourtoisies et méseances spirituelles.
Outre cela, on pèche contre ce commandement : laissant de servir
Dieu quand l'occasion le requiert, par respect humain. Ne savoir pas
les choses requises au bon chrétien, comme sa créance,
le Pater, la Salutation angélique, les Commandements de Dieu
et de l'Eglise. Ne prier pas Dieu le soir et le matin, ne faire point
l'honneur et la révérence due aux choses sacrées,
ne bénir ou faire bénir la table, ne dire ou faire dire
Grâces après le repas.
PECHES CONTRE. LE SECOND COMMANDEMENT
1. Jurer sans discrétion par le nom de Dieu, ou des Saints et
des autres créatures quelconques en tant qu'elles dépendent
de Dieu et se rapportent à iceluy : comme font ceux qui jurent
à tout propos, autant pour chose de peu d'importance comme pour
chose de grande importance ; car ceux-ci exposent le nom sacré
de Dieu et prennent à témoin sa divine Majesté
vainement, frivolement et contemptiblement, sans jugement ni discernement
quelconque.
2. Jurer contre la justice, c'est à dire contre la raison comme
font ceux qui jurent de faire le mal ou de ne faire pas le bien ; car
c'est mépriser grandement Dieu que de l’appeler à
témoin d'une action mauvaise, comme fit Hérode, jurant
de faire trancher la tête à saint Jean Baptiste (Mt 14,7),
auquel sont semblables ceux qui jurent de battre, de couper le nez,
de ruiner, de tuer et autres.
3. Jurer pour le mensonge ; qui est parjurer.
4. Procurer ou donner occasion aux autres de jurer sans nécessité,
contre raison, et de parjurer.
PECHES CONTRE LE 3e COMMANDEMENT
1. Travailler les fêtes à quelque oeuvre servile, ou être
cause que l'on travaille, sans évidente nécessité
et congé des Supérieurs ecclésiastiques.
2. Omettre d'ouïr la sainte Messe les jours de fêtes et Dimanches;
ou bien l’ouïr, mais sans attention, avec irrévérence
et incivilité. Ne point avoir soin que les serviteurs et autres
domestiques oyent la Messe lesdits jours de fêtes. Frapper, battre,
paillarder et faire telles dissolutions ès lieux sacrés.
Or, quant à la chasse ou tournois loisibles et autres exercices
appartenant principalement à la noblesse, ils ne sont pas prohibés
es jours de fêtes en qualité d’œuvre servile,
et partant, la Messe étant ouïe, on peut loisiblement s'y
appliquer lesdits jours de fêtes ; mais ce serait néanmoins
une irrévérence trop grande d'y vaquer ès grands
jours solennels en lesquels, tant qu'il est possible, un chacun doit
assister non seulement à la Messe, mais aux autres services chrétiens.
Et serait aussi une chose méseante et abuser de l'institution
des fêtes, de faire profession et métier ordinaire d’employer
les temps sacrés en telles occupations.
PECHES CONTRE LE 4e COMMANDEMENT
Désirer la mort ou quelque mal au père et à la
mère naturelle, aux supérieurs civils et politiques qui
tiennent lieu de père en la république, et aux supérieurs
ecclésiastiques qui tiennent lieu de pères en l'Église.
Se résoudre de ne point leur obéir et d'user de mépris
envers eux. Ne tenir compte d'eux en son cœur. juger témérairement
de leurs déportements et de leurs intentions; ou bien, au contraire,
les affectionner tant les uns et les autres que, pour leur respect,
on soit disposé d’offenser Dieu. Parler mal des pères,
mères, supérieurs, tant temporels que spirituels; les
contrôler, censurer et se plaindre d'eux mal à propos;
leur faire des répliques hautaines, fâcheuses et piquantes;
les provoquer à ire volontairement et à son escient. Dépiter
contre eux. Leur défaillir en leurs nécessités,
ne les consolant pas ni secourant selon son pouvoir.
Item, les pères, mères et supérieurs des maisons,
villes et républiques offensent Dieu contre ce commandement,
traitant indignement et outrageusement leurs femmes, enfants, sujets
et inférieurs; n’ayant pas soin de les avancer en la vertu
; ne les assistant pas ès choses requises, selon leur pouvoir;
les scandalisant par mauvais exemple.
Enfin, les enfants, héritiers et légataires qui n'accomplissent
pas les volontés de leurs bienfaiteurs, dont ils sont chargés.
PECHES CONTRE LE 5e COMMANDEMENT
Prendre plaisir ès cogitations de vengeance et s'y entretenir
volontairement pour s'y complaire. Désirer la mort ou quelque
mal notable au prochain ou à soi-même, par haine et malveillance.
(Je dis par haine, parce que de désirer la mort ou à soi
ou au prochain pour la gloire de Dieu, pour son salut et pour autres
telles bonnes occasions, quand la haine de la personne ne s'y mêle
point, il n'y a pas péché.) Haïr quelqu’un
; désirer de s'en venger; se réjouir du mal d’autrui
; se contrister de son bien; se mutiner contre lui et ne lui vouloir
point parler à cette intention. Infâmer et injurier le
prochain ; le maudire, le mépriser, conseiller ou inciter à
lui faire du mal.
Tuer ou battre ; susciter des inimitiés ; provoquer aux querelles
et notamment aux duels. Se courroucer et entrer en grande ire. Ne vouloir
pardonner l'injure ni remettre l’offense à celui qui est
prêt de faire satisfaction; persécuter le prochain par
menées, procès ou autre moyen. Prendre plaisir à
faire battre les uns contre les autres, comme on fait souventefois des
laquais, goujats et autres semblables sortes de gens. Donner ou faire
donner la couverte aux pauvres gens et insensés ; piquer et harier
les fous, user de cruauté envers eux. S'exposer témérairement
aux dangers et inconvénients. Procurer la stérilité
ou avortement des femmes. Etre dur et cruel envers les pauvres; les
laisser périr ou souffrir des grandes nécessités,
quand on les peut secourir. Laisser les innocents à la merci
de l'injustice, quand, par voie légitime et juste, on les peut
garantir.
C'est encore péché contre ce commandement de tuer l'âme
du prochain, la provoquant à péché, ou bien de
lui nuire spirituellement, la détournant des bonnes œuvres
ou l’empêcher malicieusement de bien faire C'est aussi péché
de ne l'aider pas au bien, la conseillant, admonestant et corrigeant
quand on le peut bonnement faire.
PECHES CONTRE LE 6e COMMANDEMENT
Avoir des pensées déshonnêtes et les entretenir
volontairement pour se complaire en la délectation sensuelle
qui en peut naître. Désirer les actions déshonnêtes.
Dire des paroles ou chanter des chansons lascives, principalement quand
c'est à mauvaise intention. Se louer, vanter et glorifier du
péché de la chair; dire des paroles en faveur d'iceluy
; l'excuser et amoindrir son énormité. Avoir des livres
et images lubriques. Regarder impudiquement les personnes. Envoyer des
dons, faire des promesses, envoyer des messages, prendre ou donner des
assignations, et toutes autres sortes de poursuites qui se font en intention
d'impudicité. Mugueter, cajoler, donner de l'amour, et toutes
sortes d'amourettes, bien que d'abord il ne semble pas que l'intention
soit tout a fait charnelle. Faire des attouchements déshonnêtes
sur soi ou sur autrui, avec intention de plaisir sensuel. Se provoquer,
soi-même ou autrui, à pollution ; faire la fornication,
c'est à dire avoir compagnie des femmes non vierges, non mariées,
non sacrées et non parentes. Faire l’adultère, qui
se commet lorsque l'une des parties ou toutes deux sont mariées.
Faire le stupre, c'est a dire déflorer une vierge consentante.
Faire le viol, c'est a dire prendre une femme ou une fille par force.
Faire l'inceste, c'est à dire avoir accointance avec une parente
ou alliée, tant spirituellement que temporellement ; je dis spirituellement,
a cause des compères, commères, parrains, marraines, filleuls
et filleules. Faire le sacrilège, c'est à dire avoir connaissance
des personnes sacrées a Dieu, comme prêtres, Religieux
et Religieuses, ou bien faire l'excès de paillardise en lieu
sacré. Faire le vice exécrable de Sodome, c'est a dire
commettre l'acte charnel avec un autre de son propre sexe, ou bien avec
une personne de sexe différent, mais usant des endroits non dédiés
à la génération. Et enfin, employant ou les bêtes
ou le diable, qui sont les deux plus malheureux excès de tous.
Ce commandement aussi s’entend à ce que les personnes mariées
s'entre-rendent fidèlement l'un à l'autre le devoir nuptial,
usant de l'acte que Dieu a béni en faveur du mariage et selon
raison, tant pour la génération que pour la conservation
de l’amitié et complaisance requise entre les mariés;
se ressouvenant qu’ils sont hommes raisonnables et chrétiens,
et qu’ils doivent posséder les corps l'un de l'autre en
sanctification, avec honneur ( 1 Th 4,4), amour et dilection, et toujours
dans les bornes que la nature a prescrites.
PECHES CONTRE LE 7e COMMANDEMENT
Dérober le bien d’autrui ; le retenir contre raison. Tromper
en vendant et achetant, voire même jouant. Prendre l'usure; faire
contrats injustes. Acheter ou vendre ès bénéfices.
Frauder l'Eglise des dîmes et prémices, ou les prémices
des tributs et péages justes. Poursuivre des procès injustement.
Retenir les gages des serviteurs, mercenaires, artisans, ouvriers, soldats.
Imposer des daces, subsides, contributions, angaries, injustement et
contre raison. Ne payer point les dettes quand on le peut faire. Contracter
des dettes démesurées pour lesquelles on est insolvable,
ou qui difficilement peuvent être payées. Favoriser les
injustes détenteurs du bien d’autrui contre les justes
poursuites des vrais possesseurs et maîtres. N’empêcher
pas les larcins, concussions et autres dommages du prochain. Et généralement,
ôter ou retenir sans raison le bien, l'honneur et les commodités
du prochain ; comme aussi, faire des prodigalités et dépenses
excessives, pour lesquelles on fait des emprunts et on se prive des
moyens d'assister le pauvre et met à souffrance sa famille.
PECHES CONTRE LE 8e COMMANDEMENT
Juger mal et témérairement de la conscience et des actions
du prochain ; or, on juge témérairement quand c'est sans
légitime fondement. Disant mal du prochain, ou faisant mal parler
d’autrui ; ce qui se fait en plusieurs façons :
1. Par imposture, qui n'est autre chose que de jeter sur une personne
un crime ou un vice qui n'est pas en lui par agrandissement du vice
ou du péché qui se trouve en quelqu’un ; par révélation
d'un crime secret de quelqu'un ; par mauvaise interprétation
de l'intention de quelqu’un, détournant en mauvais sens
les bonnes actions d’autrui ; niant le bien être en une
personne, lequel y est, ou ravalant la juste estime que l'on doit avoir
d'une personne ; se taisant lorsque l'on peut justement défendre
de blâme une personne.
2.Idem : mentir en quelle façon que ce soit, particulièrement
quand le mensonge apporte le dommage au prochain. Faire lire, avoir,
réciter des pasquins qui ne sont pas publiquement connus. Celer
la vérité ou dire le mensonge en jugement. Semer des noises.
User d'accusations, calomnies, exagérations ès procès
et autres disputes d'importance. Prendre plaisir à ouïr
médire et calomnier.
PECHES CONTRE LE 9e COMMANDEMENT
Désirer la femme du prochain, ou sa fille, ou les autres personnes
qui lui appartiennent, pour les avoir et en user charnellement ; car,
comme le sixième défend le péché de luxure
quant à l'effet, le neuvième le défend quant à
l'affection.
CONTRE LE 10e COMMANDEMENT
Désirer le bien d’autrui, de quelle sorte qu'il soit, pour
l'avoir injustement et avec incommodité du prochain, car, comme
le septième commandement défend le larcin quant à
l'effet, le dixième le défend quant à l'affection.
EXAMEN TOUCHANT LES PECHES CAPITAUX
Quant à l'orgueil
L'orgueil n'est autre chose qu'une volonté désordonnée
d'une grandeur disproportionnée à celui qui la veut, et
partant c'est péché d'orgueil de s'attribuer le bien que
l'on a d’autrui comme si on l’avait de soi même ;
penser mériter les biens et les grâces que l'on a, encore
qu'il n'en soit rien ; s'attribuer des biens et des grâces que
l'on n'a pas ; se préférer aux autres es choses esquelles
on ne se doit pas préférer. Or, l'orgueil est péché
mortel quand on ne veut pas reconnaître de Dieu ce que l'on a;
quand, pour maintenir sa vaine estime, on est prêt a violer les
commandements de Dieu et quand, pour s'exalter, on déprime et
on méprise le prochain en chose notable.
A l'orgueil est attachée la vaine gloire, qui est se glorifier
de ce que l'on n'a pas, ou de choses qui ne le méritent pas,
ou de choses qui ne nous appartiennent pas, ou de choses mauvaises ;
ou vouloir avoir la gloire du bien que l'on a, sans reconnaissance de
Dieu duquel il vient.
A la vaine gloire est attachée la jactance, qui consiste à
se vanter de chose mauvaise, ou de chose bonne, mais plus qu'on ne doit,
ou avec mépris du prochain, comme quand on se vante d'être
plus que les autres ; ou avec le dommage du prochain, comme quand on
se vante de savoir guérir de telle et telle maladie, et que les
personnes s'y amusent et sont trompées.
L’hypocrisie est encore une branche de l'orgueil, laquelle consiste
a faire semblant d'être saint ou vertueux, pour amuser ou décevoir
le prochain. La contention s'ensuit, qui n'est autre chose qu'un débat
de paroles fait contre la vérité. La discorde vient après,
qui n'est autre chose qu'une contrariété déréglée
à la volonté du prochain, laquelle est en sa perfection
quand l’opiniâtreté survient, par laquelle on s’arrête
fermement en son opinion, quoique sans bon fondement.
La curiosité appartient aussi a l'orgueil, qui n'est autre chose
qu'un désir immodéré de savoir et connaître
les choses qui ne sont pas de notre profession, ou qui sont dangereuses,
ou qui sont défendues.
Après celle-ci suit la recherche des nouveautés en habits,
en discours et en opinions, et enfin la désobéissance
et mépris des lois et des supérieurs. De tout cela naît
la présomption, par laquelle on entreprend de faire, dire, paraître
et être plus qu'il ne nous appartient : comme quand on veut parler
de choses qu'on n'entend pas, ou faire un art que l'on ne sait pas,
ou paraître plus que l'on n'est pas, ou qu'on veut être
plus que l'on ne peut pas. Et ce dernier porte proprement à l'ambition,
qui n'est autre chose qu'un désir désordonné des
honneurs et dignités.
De l'avarice
L'avarice n'est autre chose qu'une volonté immodérée
d'avoir des biens temporels contre raison, et d'icelle naissent tous
les péchés contraires au septième commandement
; comme aussi la dureté de cœur, qui n'est autre chose qu'un
trop grand soin de garder le bien que l'on a, jusque même à
n'avoir point de pitié des souffreteux.
Item, l'inquiétude que le soin et l'ardeur immodérée
des choses temporelles excite en nos esprits. De la naissent bien souvent
les tromperies, fraudes, parjures, violences et trahisons.
De la luxure
La luxure n'est autre chose qu'un appétit désordonné
du plaisir de la chair. Or, l'appétit est désordonné
ou parce qu'il veut prendre le plaisir sur un sujet qui n'est pas à
nous, comme il advient en la fornication et en l’adultère,
ou parce qu'il le veut prendre contre l'ordre établi par la nature
; ou parce qu’il le veut prendre contre la fin et l'intention
pour laquelle ce plaisir est destiné. Or, de la luxure dépendent
tous les péchés contraires au sixième commandement,
qui rendent l'esprit distrait, obscur, inconsidéré, inconstant,
terrestre et brutal.
De l'ire
L'ire n'est autre chose qu'un appétit de vengeance, et produit
tous les péchés que nous avons marqué au cinquième
commandement, qui engendrent les péchés suivants :
1. L'indignation, qui consiste à rejeter comme indigne le prochain
;
2. L'enflure du cœur, qui n'est autre chose qu'un assemblage de
pensées et de mouvements qui portent le cœur à la
vengeance ;
3. Le désordre de la voix et de la parole
4. les injures
5. les blasphèmes ;
6. les querelles et les noises.
De la gloutonnerie
La gloutonnerie n'est autre chose qu'un appétit désordonné
de boire et de manger. Or, le désordre consiste ou à désirer
des viandes ou breuvages trop précieux, ou à les prendre
en trop grande quantité, ou à les faire apprêter
trop curieusement, ou à s'y complaire trop délicieusement,
ou à les prendre hors de temps et de saison.
La gloutonnerie a deux branches : la gourmandise, qui regarde les viandes,
et l’ivrognerie qui regarde le breuvage. L'hébétude
de l'entendement engendre la dissolution, trouble les paroles, souille
le corps et infâme toute la vie.
De l'envie,
L'envie n'est autre chose que la tristesse que nous avons du bien d’autrui
en tant qu'il semble diminuer le notre. J’ai dit, en tant qu'il
semble diminuer le notre, parce qu'on peut être marri du bien
de quelqu’un non seulement sans pécher, mais aussi par
charité : comme quand on est marri que les indignes soient avancés,
ou que les ennemis de la République prospèrent.
De l'envie naissent les jalousies, compétences, haines, murmures,
détractions, réjouissances du mal d’autrui et mille
sortes de maux.
De la Paresse
La paresse n'est autre chose qu'une certaine tristesse que l'on a à
pratiquer le bien spirituel. Elle procède d'une trop grande affection
aux choses temporelles et des trop grandes délectations es choses
sensuelles, qu'il nous fâche de laisser pour suivre la vertu ;
comme aussi elle procède encore de l'appréhension du travail
et de la peine qu'il y a à pratiquer les bonnes œuvres.
Elle produit le découragement, par lequel on n'ose pas entreprendre
le bien qui nous est conseillé; l'engourdissement d'esprit, par
lequel on est empêché de se mouvoir à bien faire
; l'aigreur malicieuse, par laquelle on hait la perfection chrétienne
; la rancune et dégoût contre les personnes spirituelles,
parce qu’ils nous provoquent au bien ; l'inadvertance aux choses
bonnes ; le désespoir, comme si c'était chose impossible
de garder les commandements de Dieu et de se sauver.
DES PECHES QUI SE COMMETTENT CONTRE LES COMMANDEMENTS
DE L'EGLISE,
On pèche contre le premier commandement de l'Eglise, violant
le Carême, les vendredis, samedis, vigiles et Quatre Temps quant
à l'usage des viandes prohibées, ou bien ne jeûnant
pas ; ce qui s'entend, sinon que quelque légitime occasion nous
empêche.
On pèche contre le second commandement, n'oyant pas la Messe
entière ès jours de Dimanche et de fête, sinon aussi
que quelque légitime raison excuse. Or, celui est estimé
ouïr la Messe entière qui entend presque toute la Messe,
encore qu'il ne l'oye pas exactement toute : ainsi, celui qui arriverait
quand on dit l’Epître, oyant tout le reste de la Messe,
satisferait au commandement, l'Eglise n'ayant pas intention d'obliger
plus rigoureusement que cela.
On pèche contre le troisième commandement, lors qu'on
omet de se confesser a Pâques, ou qu'on se confesse à quelqu'un
qui n'a point d’autorité.
On pèche contre le quatrième, ne se communiant pas à
Pâques. Or, celui-là est estimé communier à
Pâques, qui communie dans les huit jours précédant
ou dans les huit jours suivant la fête de Pâques.
On pèche contre le cinquième commandement, ne payant pas
la dîme et autres devoirs ordinaires qu'on est obligé de
rendre à l'Eglise.
MOYEN DE DISCERNER LE PECHE MORTEL DU VENIEL
Toute la loi de Dieu consiste en ces deux commandements : Tu aimeras
Dieu sur toutes choses et ton prochain comme toi même (Dt 6,5
; Mt 22,17). C'est pourquoi, tout ce qui est contraire à l'amour
de Dieu et à l'amour du prochain, si la contrariété
est parfaite, doit être estimé péché mortel
; mais si la contrariété n'est pas parfaite ni accomplie,
ains imparfaite et non accomplie, il n'y a que péché véniel.
Or, la contrariété qui se fait à l'amour de Dieu
et du prochain est réputée imparfaite en trois façons
:
Premièrement : de la part de notre volonté, lorsque notre
liberté n'est pas parfaite et que, par conséquent, notre
volonté n’agit pas avec pleine délibération
ni avec un total usage de son franc-arbitre : comme il arrive quelque
fois que nous dirons une injure à quelqu'un par une si soudaine
surprise de colère, que nous l'avons plus tôt dite que
pensée ; car alors, bien que d'injurier le prochain soit ordinairement
un péché mortel, toutefois, à raison de ce que
l'acte de la volonté a été fort imparfait et indélibéré,
ce n'est qu'un péché véniel, parce que la contrariété
à l'amour de Dieu en cet acte de la volonté n'a pas été
une pleine et accomplie contrariété, ains une contrariété
sortie par surprise et inadvertance et la volonté n'étant
pas pleinement à soi même.
Secondement : la contrariété à l'amour de Dieu
et du prochain est quelquefois imparfaite à raison de la petitesse
de la matière en laquelle elle est commise : comme, par exemple,
dérober c'est un péché mortel, parce que le larcin
contrarie à la charité du prochain ; mais pourtant, ce
que l'on dérobe peut être si peu de chose, que la nuisance
qui s'en ensuit contre le prochain est si extrêmement légère
qu'elle n'est point considérable, et par conséquent la
contrariété de cette action là a l'amour du prochain
n'est pas une parfaite contrariété, mais plutôt
comme un commencement de contrariété. Ainsi celui qui
dérobe une pomme, une poire, un liard ne pèche que véniellement,
parce qu'il offense fort peu le prochain et par conséquent ne
contrarie pas parfaitement à l'amour qui lui est dû ; de
même les colères légères, petits chagrins,
ou quelque légère et imparfaite caresse à l'endroit
de la femme d’autrui ne seront pas estimés péché
mortel.
Tiercement : la contrariété à l'amour de Dieu et
du prochain est imparfaite à raison de la nature même de
l'action que nous pratiquons, laquelle de soi n'est pas parfaitement
mauvaise, mais seulement a quelque sorte de défaut en soi, lequel
défaut ne la rend pas contraire à l'amour de Dieu et du
prochain, ains seulement à la perfection de l'amour. Comme par
exemple, un mensonge dit par joyeuseté ou pour excuser quelqu'un
: c'est une action laquelle n'est point contraire à l'amour de
Dieu et du prochain, ou si elle est contraire, c'est par une contrariété
fort imparfaite et qui regarde plutôt la perfection de l'amour
que l'amour même ; car bien que le prochain reçoive les
petits mensonges pour la vérité, si est-ce que cela ne
lui apporte nulle sorte de nuisance. Or je dis néanmoins que
la perfection de la charité est violée, parce que la perfection
de la charité ne requiert pas seulement que nous ne nuisions
pas au prochain, mais aussi que nous ne le frustrions pas de ses justes
désirs et que nous ne nous contrarions pas nous mêmes :
or, chacun désire naturellement de savoir la vérité
des choses qui lui sont représentées, et nous nous contrarions
nous même quand nous parlons contre notre pensée. De même,
jouer plus longuement qu'il ne faut par recréation c'est une
chose qui n'est point louable, mais elle n'est pas de soi contraire
à l'amour de Dieu et à l'amour du prochain ; car, comme
il appert, en cela il n’y a point de méchanceté,
mais seulement de l'inutilité.
MOYENS POUR DIVERTIR LES GRANDS
DU PECHE DE LA CHAIR
Les grands ordinairement ne pratiquent point ce péché
que par l'entremise de quelques confidents messagers et solliciteurs.
Si, donc, ils entreprennent à bon escient de s'amender de ce
péché-là, il faut qu’ils éloignent
de leur suite telles sortes de gens, car par ce moyen ils perdront la
facilité de retourner au malheur. Or cet éloignement se
peut faire par beaucoup de bons prétextes.
De plus, tant que la commodité des affaires le peut permettre,
ils doivent avoir avec eux leur femme; le mariage étant ordonné,
non seulement pour la génération des enfants, mais aussi
pour le remède de la concupiscence.
Chose grandement utile d'avoir toujours avec eux certaine sorte de gens,
soit gentilshommes ou autres, qui aient beaucoup de la crainte de Dieu
; car, comme la présence des méchants facilite le consentement
au mal, aussi la présence des bons facilite la résistance.
C'était un des saints artifices du glorieux saint Louis, qui
avait toujours près de soi quelque homme de grande dévotion
duquel l'entretien le confortait et consolait au bien. Les grands donc
ayant un de ces gens-là près d'eux et lui parlant une
fois ou deux le jour, c'est merveille comme ils en sont divertis du
mal et soulagés contre les tentations.
Quand on s'est résolu a bon escient de se retirer de ce vice,
il est bon de s'en déclarer parmi ceux qui sont le plus près
autour de nous, afin de nous brider par notre propre parole et déclaration.
Bon encore en la prière du matin et du soir de faire une résolution
particulière contre ce péché et offrir cette résolution
à Dieu, tantôt à l'honneur de sa Passion, tantôt
à l'honneur de sa Nativité, tantôt à l'honneur
de sa sépulture ; quelquefois à l'honneur de la glorieuse
Vierge Marie, sa Mère ; d'autrefois à l'honneur de notre
Ange gardien ; et ainsi diversement à l'honneur des Saints que
nous honorons le plus, protestant que pour l'amour d'eux nous observerons
notre résolution. Et qui, à l'oraison, ajouterait quelque
aumône pour même fin, ferait mieux.
Il est encore bon de s'imposer, voire par vœu, quelque pénitence
en cas que l'on retombe : comme serait de dire tant de prières
à genoux, de jeûner, et semblables choses. Mais sur tout,
l'excellent remède à ce mal c'est de se confesser et communier
souvent. Or, bien qu’il y ait de la difficulté en ces remèdes,
si est ce que celui-là se résoudra aisément de
les pratiquer qui se ressouviendra qu’il faut ou quitter ce péché
par quel moyen que ce soit, ou qu’il faut quitter la grâce
de Dieu et périr éternellement.
ORAISON POUR DIRE AVANT LA CONFESSION
O Seigneur, faites-moi voir la quantité et l'énormité
de mes maux, afin que je les déteste et me confonde en la grandeur
de ma misère ; mais faites-moi voir aussi l'infinité de
votre bonté, afin que je m'y confesse, et que, comme je confesse
humblement devant vous et devant le Ciel que je suis mauvais, ains la
méchanceté même de vous avoir tant offensé,
je confesse aussi hautement que vous êtes bon, ains la bonté
même de me pardonner si miséricordieusement. O souveraine
Bonté, octroyez le pardon à ce chétif coupable
qui confesse et accuse son péché en cette vie mortelle,
en espérance de confesser et célébrer votre miséricorde
en l'éternelle, par le mérite de la Mort et Passion de
votre Fils qui, avec vous et le Saint Esprit, est un seul Dieu vivant
et régnant es siècles des siècles.
AMEN.