Manière d' Entretenir avec Dieu
une Conversation continuelle et familière
par saint
Alphonse de Liguori |
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TABLE DES MATIÈRES | |
Il faut parler à Dieu avec confiance et familiarité | |
L'entretien avec Dieu est agréable et facile | |
De quoi faut-il parler à Dieu ? | |
Pratique détaillée de la conversation avec Dieu |
Il faut parler à Dieu avec confiance et familiarité
1. A considérer la préoccupation qu'a notre grand
Dieu de faire du bien aux hommes, à ne découvrir dans son CSur
divin de soin plus pressant que d'aimer les hommes et de s'en faire aimer, le
saint homme Job était dans la stupeur. « Seigneur, s écriait-il,
qu'est-ce que l homme pour que Vous fassiez de lui si grand cas ? ou pourquoi
votre cSur est-il en souci de lui ? » (Job 7, 17.)
Voilà qui nous fait comprendre quelle erreur c'est de penser qu'il y
ait manque de respect envers la Majesté divine à mettre, dans
nos relations avec Dieu. de l'abandon et de la familiarité.
Sans doute, âme pieuse, vous devez, en toute humilité, respecter
Dieu et vous tenir bien petite en sa présence, au souvenir surtout
de vos ingratitudes et des procédés offensants dont vous avez
usé à son égard. Mais cela ne doit pas vous empêcher
de le traiter avec l'amour le plus tendre et le plus confiant dont vous soyez
capable.
Il est majesté infinie, mais en même temps infinie bonté
et amour sans mesure. Vous trouvez en Dieu la plus haute Souveraineté
qui se puisse concevoir; mais vous rencontrez aussi, en lui, l'Ami le plus affectueusement
attaché que vous puissiez avoir.
Si vous apportez, dans vos rapports avec lui, la confiante liberté et
la naïve affection des enfants pour leurs mères, loin d'en être
fâché, il en est heureux. Écoutez comment il vous invite
à venir près de lui et quelles tendresses il vous promet: «
Vous serez de petits enfants portés à la mamelle et caressés
sur les genoux: de même qu'une mère caresse un de ses enfants,
ainsi moi je vous consolerai. (Is 66, 12-13). Une mère jouit de prendre
son enfant sur ses genoux, et là, de lui donner sa nourriture et de lui
prodiguer ses caresses; notre Dieu si bon prend plaisir à traiter de
semblable manière les âmes chéries qui se donnent entièrement
à lui et placent dans sa bonté toutes leurs espérances.
2. Croyez bien qu'il n'est au monde ni ami, ni frère.
ni père, ni mère, ni époux, ni fiancé qui aime plus
que ne vous aime votre Dieu. La grâce divine est ce trésor de grand
prix, ce « trésor infini dont parle le Sage, qui, dès que
nous en usons. nous rend participants de l'amitié de Dieu. »
(Sag. 7, 14). Devant ce Dieu, nous n'étions que de bien chétives
créatures, de pauvres serviteurs; et voilà que nous devenons les
amis, les amis très chers de notre Créateur lui-même. En
vue précisément de nous rendre plus confiants avec lui, «
il s'est anéanti » (Philipp. 2, 7) pour ainsi dire, s'abaissant
jusqu'à se faire homme pour « converser familièrement avec
les hommes. » (Bar. 3, 38). Ce n'était pas assez : il s'est fait
enfant ; il s'est fait pauvre ; il s'est même laissé mettre à
mort, par arrêt de justice, devant tout un peuple, sur une croix. Plus
encore: il va jusqu'à se placer sous les espèces du pain pour
se faire notre compagnon de tous les jours et s'unir, d'intime union, à
chacun de nous : « Celui, dit-il, qui mange ma chair et boit mon sang,
demeure en moi, et moi en lui. » (Jean 6, 57). Bref, on dirait qu'il
n'a d'amour que pour vous, tant il vous aime.
Aussi, est-ce lui que vous devez aimer, et nul autre. De lui, vous pouvez et
vous devez dire : « Mon Bien-Aimé est à moi et je suis à
Lui (Cant. 2, 16) ; mon Dieu s'est donné à moi sans réserve,
et sans réserve à lui je me donne ; j'ai été choisi
par lui comme objet de sa tendresse ; et lui, entre mille, entre tous, lui,
blanc et vermeil, si aimable et si aimant, il est l'élu (Cant. 5, 10)
de mon cSur, celui que je veux uniquement aimer. »
3. Dites-lui donc souvent : « Mon doux Seigneur, pourquoi
m'aimez-vous à ce point ? Que voyez-vous de bon en moi ? avez-vous oublié
quelles offenses je vous ai faites ? Ah ! dès lors que vous m'avez traité
avec tant d'amour, au lieu de m'envoyer en enfer, vous m'avez comblé
de vos grâces, à qui donc voudrai-je désormais porter mon
amour, sinon à vous, ô Bien qui êtes mon bien et tout
mon bien ? Mon Dieu, Dieu tout aimable, dans mes péchés passés,
ce qui m'afflige le plus, ce ne sont point les châtiments que j'ai mérités
: c'est le déplaisir que je vous ai causé, à vous qui êtes
digne d'un amour infini. Mais vous ne savez pas mépriser un cSur
qui se repent et s'humilie. (Ps. 50, 19). Ah ! désormais, pour cette
vie et pour l'autre, mon cSur n'aspire plus qu'à vous posséder,
vous. « Qu'y a-t-il pour moi au ciel, et hormis vous, qu'est-ce que je
désire sur la terre ? Vous êtes le Dieu de mon cSur, le Dieu
qui est mon partage pour l'éternité » (Ps. 72, 25-26). Oui,
vous êtes et à jamais vous serez l unique Maître de
mon cSur, de ma volonté, et mon unique trésor, mon paradis,
le terme de mes espérances et de mes affections, mon tout, en un mot
: vous, le Dieu de mon cSur et mon partage pour toujours.
4. Il faut affermir toujours davantage votre confiance en Dieu.
Pour cela, rappelez-vous fréquemment la conduite, toute de tendresse,
qu'il a tenue à votre égard, les doux moyens qu'a employés
sa miséricorde pour vous ramener des chemins où vous vous
égariez, vous dégager de vos attaches à la terre, et vous
attirer à son saint amour. Craignez, dès lors, cette crainte même
qui vous retiendrait de traiter votre Dieu avec une confiante liberté,
maintenant que vous vous êtes arrêtée à la résolution
de l'aimer et de le servir selon votre pouvoir.
Les miséricordes dont vous avez été l'objet sont des gages
extrêmement sûrs de son amour pour vous. 0r, quand Dieu aime une
âme et qu'il en est sincèrement aimé, il lui déplaît
de trouver en elle de la défiance. Si donc vous voulez réjouir
son CSur si aimant, allez à lui, à partir de ce jour, dans
toute la mesure que vous pourrez atteindre, avec la plus entière confiance
et la plus libre tendresse.
« J'ai gravé ton nom sur mes mains, disait le Seigneur à
Jérusalem : tes murailles sont toujours devant mes yeux. » (Is.
49, 16). Ainsi vous parle-t-il à vous-même: « Âme chérie,
que crains-tu ? pourquoi cette défiance ? Ton nom, je le porte écrit
dans mes mains : c'est-à-dire que je ne perds jamais de vue le bien à
te faire. Ce sont tes ennemis qui te font trembler ? Sache que le souci de ta
défense est tellement présent à ma pensée, qu'il
m'est impossible de m'en distraire. »
Cette assurance mettait David en joie. « Seigneur, s'écriait-il,
votre bienveillance nous couvre comme un bouclier » (Ps. 5, 13) ; qui
jamais pourra nous nuire alors que votre bonté et votre amour nous enveloppent
de toutes parts pour nous défendre ?
Par-dessus tout, avivez votre confiance par la pensée du don que Dieu
nous a fait de Jésus-Christ: « Dieu a tant aimé le monde
qu'il a donné son Fils unique. » (Jean 3, 16). D'où pourrait,
s'écrie l'Apôtre, nous venir la crainte que Dieu nous refusât
aucun bien, après qu'il a daigné nous faire donation de son Fils
même: « Il l'a livré pour nous tous : comment ne nous aurait-il
pas donné aussi toutes choses avec lui ? » (Rom. 8, 32).
5. « Mes délices sont d'être avec les enfants
des hommes. » (Prov. 8, 31). Le paradis de Dieu, pouvons-nous dire,
c'est le cSur de l'homme. Dieu vous aime ? Aimez-le. Ses délices
sont d'être avec vous ? Mettez vos délices à rester avec
lui, à passer votre vie entière en sa tout aimable compagnie,
qui sera, vous l'espérez bien, le charme de votre éternité.
L'entretien avec Dieu est agréable et facile
6. Prenez l'habitude de vous entretenir seul à seul
avec Dieu, familièrement, avec confiance et amour, comme avec l'ami le
plus cher que vous ayez, et le plus affectueux.
C'est une grande erreur, nous l'avons vu, de mettre de la défiance dans
nos rapports avec Dieu, de ne vouloir jamais paraître en sa présence
que comme un esclave timide et honteux, tout tremblant d'épouvante devant
son Maître. Mais c'est une erreur plus grande encore de s'imaginer que
la conversation avec Dieu n'ait que peine et ennui. Oh ! non, cela n'est pas:
« Il n'y a pas d'amertume à converser avec lui, ni d'ennui à
vivre auprès de lui ! » (Sag. 8, 16). Interrogez les âmes
qui l'aiment de vrai amour : elles vous diront que, dans les épreuves
de la vie, elles trouvent leur meilleure et plus solide consolation à
s'entretenir amoureusement avec Dieu.
7. On ne réclame pas de vous une application continuelle
de l'esprit, qui vous fasse oublier vos affaires, ni même vos délassements.
La seule chose qu'on vous demande, c'est que, sans négliger vos occupations,
vous vous comportiez avec Dieu comme vous agissez, dans les différentes
circonstances qui se présentent, avec les personnes qui vous aiment et
que vous aimez.
8. Votre Dieu est toujours auprès de vous, voire au-dedans
de vous: « En lui, nous avons la vie, le mouvement et l'être ! »
(Act. 17, 28). Qui désire lui parler n'a pas à faire antichambre,
loin de là : Dieu désire vous voir le traiter sans cérémonie.
Entretenez-vous avec lui de vos affaires, de vos projets, de vos ennuis, de
vos craintes, de tout ce qui vous intéresse. L'essentiel, je le répète,
c'est que vous le fassiez sans gêne et à cSur ouvert.
Dieu, en effet, ne parle guère à l'âme qui ne lui parle
pas et qui, dès lors, n'entendrait que difficilement sa voix, n'étant
pas habituée à converser avec lui. C'est de quoi il se plaint
dans le Cantique des cantiques (8, 8) : « Notre sSur est encore une
entant dans mon amour : Comment ferons-nous pour lui parler, si elle ne comprend
pas ? »
Sans doute, Dieu, alors que nous repoussons sa grâce, se montre à
nous comme le Maître tout-puissant, dont la colère est redoutable;
mais, dès que nous l'aimons, tout change : il veut alors être traité
comme l'ami le plus affectionné et que nous soyons à l'aise avec
lui, que nous lui parlions souvent et de façon toute familière.
9. Il est vrai que nous devons toujours à Dieu un souverain
respect : mais quand il vous favorise du sentiment de sa présence et
qu'il vous sollicite à lui parler comme au meilleur de vos amis, laissez
aller votre cSur librement et en toute confiance.
« Il prévient ceux qui le désirent ardemment, afin
de se montrer à eux le premier. » (Sag. 6, 14). Non, il n'attend
pas que vous alliez à lui : dès que vous désirez son amour,
il vous prévient, il se présente à vous, vous apportant
grâces et remèdes selon vos besoins. A peine aurez-vous parlé
à votre tour, qu'il vous révélera sa présence par
sa promptitude à vous écouter et à vous consoler,
car son oreille est ouverte, se tend à votre prière. » (Ps.
33, 16).
10. Par son immensité, Dieu se trouve partout ;
mais il a deux sanctuaires préférés dont il a fait sa propre
demeure : l'un est le ciel empyrée, où, par sa présence,
il communique sa gloire aux bienheureux ; l'autre est sur la terre : c'est l'âme
humble dont il est aimé. « Il habite avec le cSur contrit
et avec l'esprit humble. » (ls. 57, 15).
Ainsi donc, notre Dieu, qui a son trône au plus haut des cieux, ne dédaigne
pas de passer les jours et les nuits avec ses serviteurs dans leurs grottes
ou leurs cellules : là, il leur fait part de ses divines consolations,
dont une seule dépasse les délices que le monde pourrait accumuler
; à ne pas les désirer, il n'y a que celui qui ne les a pas goûtées:
« Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux. » (Ps.
33, 9).
11. Les autres amis -- ceux du monde -- ont des heures pour
s'entretenir, des heures aussi où il leur faut bien rester séparés
: entre Dieu et vous, si vous le voulez, il n'y aura jamais d'heure de séparation.
« Tu reposeras, et doux sera ton sommeil ... Car le Seigneur sera à
ton côté. » (Prov. 3, 24-26) Tandis que tu dormiras, il se
tiendra près de toi, et, si tu t'éveilles, il veillera sur toi.
-- Vous pouvez dire : « Je reposerai avec lui (Sag. 8, 16). Et il sera
l'encourageant conseiller de ma pensée. » (Sag. 8, 9).
En vérité, pendant votre repos même, Dieu ne s'éloigne
pas de votre chevet et continue à penser à vous sans relâche.
Il veut, si vous vous éveillez, vous parler par ses inspirations et recevoir
de vous quelque acte d'amour, d'offrande, de remerciement, pour entretenir ainsi
avec vous, même durant ces heures de la nuit, une aimable et douce conversation.
Il pourra même arriver qu'il vous parle durant votre sommeil, qu'il vous
fasse entendre ses volontés, pour que, à votre réveil,
vous les mettiez à exécution: « Je lui parlerai en songe.
» (Nombr. 12, 6).
12. Le matin, il est là encore, pour cueillir sur vos
lèvres une parole d'affection ou de confiance, pour recevoir la confidence
de vos premières pensées et l'offrande de toute votre journée
: actes de vertu et bonnes Suvres auxquels vous promettez de vous employer
pour lui plaire, peines que vous vous déclarez prêt à souffrir
volontiers pour sa gloire et son amour.
Voyant votre Dieu si empressé à se présenter à vous
dès le moment de votre réveil, ne manquez pas, de votre côté,
de jeter sur lui un regard plein d'amour, de laisser votre âme s'épanouir
à l'entendre vous donner lui-même la douce assurance qu'il n'est
pas loin de vous, comme au temps malheureux où vos péchés
le tenaient à l'écart, qu'il vous aime et qu'il veut être
aimé de vous : à ce moment-là même, il vous dicte
son suave précepte: « Tu aimeras le Seigneur/on Dieu de tout ton
cSur. »(Deut. 6, 5).
De quoi faut-il parler à Dieu ?
13. N'oubliez donc jamais sa douce présence, comme font,
hélas ! la plupart des hommes. Parlez-lui le plus souvent que vous pouvez
: il n'en marquera ni ennui, ni dédain, à la façon des
grands seigneurs. Si vous l'aimez, vous trouverez toujours que lui dire.
Parlez-lui de tout ce qui vous est à cSur, de vous-même, de
vos intérêts, comme vous en parleriez à un ami dévoué.
N'allez pas le tenir pour un souverain altier qui ne consent à traiter
qu avec des personnages importants et d'affaires importantes. Notre Dieu,
lui, se plaît à descendre jusqu'à nous, et jouit de ce que
nous le mettions au courant, dans le détail, de nos occupations les plus
banales, les moins relevées. Il vous aime et il a soin de vous, comme
s'il n'avait à penser qu'à vous seul. Vos intérêts
retiennent toute son attention : c'est au point, dirait-on, qu'il n'emploie
sa providence qu'à vous secourir, sa toute-puissance qu'à vous
aider, sa miséricorde et sa bonté qu'à vous porter compassion,
à vous faire du bien, et à gagner par ses délicates prévenances
votre confiance et votre amour.
Mettez donc sous ses yeux, avec une complète liberté, le
fond de votre âme, et priez-le de vous guider en vue de l'exécution
parfaite de sa sainte volonté : n'ayez, d'ailleurs, en tous vos
désirs et projets, d'autre pensée que de rencontrer son bon plaisir
et de contenter son CSur divin. « Découvre la voie au
Seigneur (Ps. 36, 5), et demande-lui qu'il dirige tes voies et que tous tes
desseins demeurent fermes en lui., (Tob. 4, 20).
14. Vous allez dire : « A quoi sert-il de découvrir
à Dieu tous mes besoins, alors qu'il les voit et les connaît bien
mieux que moi-même ? » Il les connaît, oui ; mais les nécessités
dont on ne lui parle pas, pour lesquelles on n'implore pas son assistance, Dieu
fait comme s'il les ignorait. Notre bon Sauveur savait bien que Lazare était
mort : il n'en attendit pas moins que ses sSurs lui en eussent parlé,
et alors il les consola par la résurrection de leur frère.
15. Aussi, lorsqu'il vous survient une affliction : maladie,
tentation, mauvais procédés du prochain ou une autre épreuve
quelconque, vite recourez au Seigneur pour que sa main vous soutienne. Il suffira
que vous mettiez sous son regard votre souffrance, en lui disant : « Voyez,
Seigneur, la tribulation où je suis. » (Thrèn. I, 20). Il
ne manquera pas de vous consoler, ou, tout au moins, de vous donner force et
patience pour supporter votre épreuve ; ce qui vous sera de plus grand
profit que d'en être entièrement délivré.
Manifestez-lui toutes les pensées de crainte ou de tristesse qui vous
tourmentent. « Mon Dieu, lui direz-vous, mon espoir est en vous seul;
je vous offre cette peine et je me résigne à votre volonté
; mais vous, ayez pitié de moi : ou délivrez-moi de cette croix,
ou donnez-moi le courage de la porter. » Vous le verrez, n'en doutez pas,
tenir la promesse qu'il a faite, dans son Évangile, de donner la consolation
ou la force à ceux qui recourent à lui dans leurs épreuves.
« Venez à moi, Vous tous qui êtes fatigués et qui
ployez sous un fardeau. et je vous ranimerai. » (Matt. 11, 28).
16. Ce n'est pas que Dieu s'offense si vous cherchez quelque
adoucissement à vos peines auprès de vos amis ; mais il veut être
votre principal appui. Aussi, au moins quand vous aurez eu recours aux créatures
et qu'elles n'auront pu donner à votre cSur la consolation,
réfugiez-vous auprès du Créateur, et dites-lui : «
Mes amis n'ont que des paroles » (Job 16, 21), des paroles impuissantes,
et je ne veux plus chercher auprès des hommes mon réconfort. Vous
seul êtes mon espérance, comme vous êtes mon amour : c'est
vous seul que je veux pour consolateur ; que ma meilleure consolation soit de
me conformer, en cette occasion, à votre bon plaisir. J'accepte,
s'il le faut, de souffrir cette peine durant toute ma vie ; je l'accepterais
éternelle, si vous le vouliez ainsi ; mais vous, mon Dieu, soyez mon
soutien. »
17. Il ne déplaît point à Dieu que, parfois,
vous vous plaigniez doucement à lui. Ne craignez pas de lui dire: «
Pourquoi, Seigneur, vous êtes-vous retiré au loin ? (Ps. 9, 22).
Vous savez bien que je vous aime et que je n'aspire qu'à votre amour.
Par charité, secourez-moi, ne m'abandonnez pas. »
Si la désolation se prolonge et que votre angoisse soit extrême,
unissez votre voix à celle de Jésus, de Jésus mourant accablé
sur la croix ; dites, en implorant la pitié divine: « Mon Dieu,
mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné ? »(Matt. 27, 46). Mais
profitez de cette épreuve, d'abord pour vous abaisser davantage, en vous
répétant qu'on ne mérite point de consolations quand on
a offensé Dieu ; puis, pour aviver davantage votre confiance, en vous
rappelant que, quoi qu'il fasse ou permette, Dieu n'a en vue que votre bien,
et qu'ainsi « toutes choses coopèrent au bien »(Rom. 8, 28)
de votre âme. Plus le trouble et le découragement vous assiègent,
plus vous devez vous armer d'un grand courage et vous écrier : «
Le Seigneur est ma lumière et mon salut; qui craindrai~je ? »(Ps.
26, 1). Oui, Seigneur, c'est vous qui m'éclairerez, c'est vous qui me
sauverez; en vous je me confie, en vous j'ai mis mon espoir : Je ne serai pas
confondu à jamais. » (Ps. 30, 2). Établissez-vous ainsi
dans la paix, certain que « nul n'a espéré dans le Seigneur
et n'a été confondu » (Éccl. 2, 11), nul ne s'est
perdu alors qu'il avait placé sa confiance en Dieu.
Pesez ceci : votre Dieu vous aime plus que vous ne pouvez vous aimer vous-même;
dès lors, qu'avez-vous à craindre ? « Le Seigneur a souci
de moi » (Ps. 39, 18), répétait David, et cette pensée
le réconfortait. Dites à votre tour: « Dans vos bras, Seigneur,
je m'abandonne ; je n'admets d'autre souci que de vous aimer et de vous plaire
: me voici prêt à faire tout ce que vous voudrez. Vous, vous avez
plus que le désir de me faire du bien, vous en aurez le souci : c'est
donc à vous que je laisse le soin de mon salut, puisque vous m'ordonnez
de placer en vous tous mes espoirs. « Je m'endormirai et me reposerai
en paix, parce que vous-même, Seigneur, m'avez affermi dans l'espérance
en votre seule protection. »(Ps. 4, 9-10).
18. « Ayez du Seigneur des sentiments dignes de sa bonté.
» (Sag. 1, 1). Par ces paroles, le Sage nous exhorte à nous confier
en la miséricorde de Dieu bien plus que nous ne craignons sa justice.
Dieu, en effet, est immensément plus enclin à bénir qu'à
châtier, selon la parole de saint Jacques: « La miséricorde
s'élève au-dessus de la justice. » (Jac. 2, 13). De là
cette recommandation de l'apôtre saint Pierre: « Déchargez-vous
sur Dieu de toutes vos sollicitudes, parce qu'il a lui-même soin de vous.
» (I Pierre 5, 7). Il s'agit là de nos anxiétés au
sujet de nos intérêts aussi bien temporels qu'éternels :
nous devons nous abandonner sans réserve à la bonté de
Dieu, mais surtout nous fier au soin extrême qu'il prend de notre salut.
Et, à ce propos, comme il est beau le titre que David donne au Seigneur
: « Notre Dieu, dit-il, est le Dieu qui sauve ! » (Ps. 67, 21 ).
Cela veut dire, comme l'explique saint Robert Bellarmin, que « l'emploi
propre de Dieu est de sauver » non de condamner. En effet, s'il se contente
de menacer de sa colère ceux qui le méprisent, c'est une
promesse assurée de sa miséricorde qu'il fait à ceux
qui le révèrent, ainsi que la divine Mère l'a chanté
: « Sa miséricorde se répand sur ceux qui le craignent.
» (Luc 1, 50).
Âme dévote, j'accumule à dessein ces passages de l Écriture.
Il vous arrive de vous demander avec angoisse si vous serez sauvée ou
non, si vous êtes ou non prédestinée, vous qui pourtant
êtes résolue de le servir et de l'aimer comme il vous le demande.
Laissez votre cSur s'épanouir, et comprenez, aux promesses que vous
fait ce Dieu, quel désir il a lui-même de vous sauver.
19. Certaines âmes recourent bien à Dieu dans
l'affliction, mais vienne la prospérité, elles l'oublient et l'abandonnent.
C'est là trop d'infidélité et d'ingratitude. N'agissez
pas ainsi.
Quand vous recevez quelque nouvelle agréable, usez-en avec Dieu comme
avec un ami dévoué et qui s'intéresse à votre bonheur.
Vite, faites-lui part de votre joie, reconnaissez qu'elle est un don de sa main;
louez-le, remerciez-le. Que le meilleur, pour vous, dans cette joie, soit d'y
trouver son bon plaisir. C'est ainsi que vous placerez en Dieu toute votre
allégresse, toute votre consolation: « Je tressaillirai de
joie en Dieu mon Sauveur. Je chanterai au Seigneur qui m'a comblé de
biens. » (Ps. 12, 6).
Parlez ainsi à Jésus: « Je vous bénis et toujours
je vous bénirai : vous me faites tant de grâces ! Et ce ne sont
pas des grâces, mais des châtiments que je mériterais, moi
qui vous ai tant offensé. » Dites-lui encore avec l Épouse
sacrée : « Toutes les sortes de fruits, anciens et nouveaux, ô
mon Bien-Aimé, je vous les ai gardés. » (Cant. 7, 13). Ces
fruits, ce sont vos faveurs, dont je vous remercie ; anciennes ou nouvelles,
j'en garde le souvenir pour vous en rendre gloire éternellement. »
20. Mais puisque vous aimez Dieu, vous devez vous réjouir
de ses joies plus encore que des vôtres. Il se rencontre qu'un ami, dans
l'ardeur de l'amitié, goûte le bonheur de son ami plus que le sien
propre.
Soyez donc heureux de savoir que votre Dieu est heureux infiniment. Dites-lui
souvent: « Mon Seigneur adoré, je jouis plus de votre félicité
que de tout ce qui m'est bon à moi : oh ! oui, car je vous aime plus
que je ne m'aime moi-même.
21. Voulez-vous donner au Dieu qui vous aime une marque d'intime
confiance dont il sera extrêmement touché ? Quand vous commettez
quelque faute, n'hésitez point à courir aussitôt vous
jeter à ses pieds pour lui demander pardon.
Comprenez-le bien, Dieu est si enclin à pardonner que, si les pécheurs
s'obstinent à vivre loin de lui, privés de la vie de la grâce,
il gémit sur leur perdition et leur fait entendre ces appels de sa tendresse:
« Pourquoi voulez-vous mourir, maison d'Israël, ô mon peuple
? Revenez à moi et vivez. » (Ezech. 18, 31-32). Il promet d'accueillir
l'âme fugitive, dès qu'elle vient se jeter dans ses bras : «
Revenez à moi, et je reviendrai à vous. » (Zach. I, 3).
Oh ! si les pauvres pécheurs comprenaient avec quelle bonté Notre-Seigneur
les attend pour leur pardonner ! « Le Seigneur attend le moment d'avoir
pitié de vous. » (ls. 30, 18). S'ils comprenaient qu'il a hâte,
non de les châtier, mais de les voir convertis, afin de les embrasser
et de les serrer sur son cSur ! Écoutons sa déclaration solennelle:
« Par ma vie, dit le Seigneur Dieu, je ne veux pas la mort de l'impie,
mais que l'impie se détourne de sa voie, et qu'il vive. » (Ezech.
33, 11). Il va jusqu'à dire : « Et venez, et accusez-moi, dit le
Seigneur : quand vos péchés seraient comme l'écarlate,
ils deviendront blancs comme la neige. »(Is. 1, 18). Adjuration dont
voici le sens : « Pécheurs, repentez-vous de m'avoir offensé,
puis venez à moi; et si je ne vous pardonne pas, « accusez-moi
», adressez-moi des reproches, traitez-moi de parjure. Mais non, non,
je ne vous manquerai pas de parole; répondez à mon appel et, si
cramoisies que soient vos âmes par les péchés accumulés,
sachez que ma grâce leur donnera la blancheur de la neige. »
22. Enfin -- Dieu l'a déclaré formellement --
quand une âme se repent de l'avoir offensé, il perd jusqu'au souvenir
de ses péchés: « De toutes ses iniquités, je ne me
souviendrai pas. »(Ezech. 18, 22).
Ainsi donc, dès que vous êtes tombé en quelque faute, levez
les yeux vers Dieu, offrez-lui un acte d'amour, et, confessant votre péché,
comptez fermement sur son pardon. Exprimez-lui ces sentiments : « Seigneur,
cette âme que vous aimez est malade » (Jean l I, 3), couverte de
plaies : guérissez mon âme, car j'ai péché contre
vous. » (Ps. 40, 5). Vous allez à la recherche des pécheurs
repentants : je vais de mon côté à votre recherche,
me voici à vos pieds. Hélas ! le mal est fait: qu'attendez-vous
de moi ? Vous ne voulez pas que je me décourage ; même après
ce péché, vous m aimez encore, et moi aussi je vous aime.
Oui, mon Dieu, je vous aime de tout mon cSur, et je regrette le déplaisir
que je vous ai causé ; je suis résolu de ne plus retomber. Vous
qui êtes un Dieu « suave et doux, et riche en miséricorde
» (Ps. 85, 5), pardonnez-moi; adressez-moi la même parole qu'à
Madeleine:« Tes péchés te sont remis » (Luc 7, 48),
et donnez-moi pour l'avenir la force de vous rester fidèle. »
23. Pour ne point tomber dans le découragement, ne manquez
pas de jeter alors un regard sur Jésus en croix ; offrez ses mérites
au Père Éternel, et, par là, ayez l'espérance assurée
de votre pardon ; car c'est pour vous pardonner à vous que Dieu «
n'a pas épargné son propre Fils. » (Rom. 8, 32). Dites-lui
avec confiance: « Mon Dieu, « jetez les yeux sur la face de votre
Christ » (Ps. 83, 10), de votre Fils mort pour moi, et, pour l'amour de
ce divin Fils, pardonnez-moi.
Gravez, âme dévote, gravez très profondément
dans votre esprit cet enseignement, commun aux maîtres de la vie spirituelle
: il faut, après vos infidélités, revenir tout de suite
à Dieu, alors même que vous tomberiez cent fois le jour ; et, cela
fait, vous remettre aussitôt dans la paix. Sinon, votre âme restant
découragée et troublée par la faute commise, vos rapports
avec Dieu se feront rares, la cordiale confiance sera absente, le désir
d'aimer Dieu s'alanguira, et vous ne serez plus guère en état
d'avancer dans la voie du Seigneur. Au contraire, si vous recourez sans retard
à Dieu pour lui demander pardon et lui promettre de vous amender, les
chutes mêmes serviront à vous faire entrer plus avant dans le divin
amour. Entre amis qui s'aiment du fond du cSur, il n'est pas rare qu un
froissement réparé par d'humbles excuses, resserre encore l'amitié.
Faites qu'il en soit ainsi entre Dieu et vous : utilisez vos fautes pour rendre
plus étroite votre union d'amour avec lui.
24. Il vous arrive d'être embarrassé devant une
décision à prendre ou un conseil à donner. Ici encore,
ne craignez pas et ne manquez pas d'agir avec Dieu comme font entre eux les
amis fidèles. En toute occasion, ils se consultent : consultez Dieu,
priez-le de vous suggérer la solution qui sera davantage de son
gré: « Seigneur, mettez sur mes lèvres la parole à
dire, et dans mon cSur la résolution à prendre ! (Judith
9, 18). Suggérez-moi ce qu'il faut que je fasse ou réponde, et
ainsi je ferai. « Parlez, Seigneur, car voire serviteur écoute.
» ([ Rois 3, 10).
25. Donnez encore à Dieu ce témoignage d'amicale
confiance de l'entretenir, non seulement de vos affaires personnelles, mais
aussi de celles du prochain. Quel grand plaisir vous procurerez à
son cSur, si, allant même parfois jusqu'à oublier vos propres
soucis, vous lui rappelez les intérêts de sa gloire, et les infortunes
d'autrui ! Recommandez-lui spécialement les malheureux qui sont dans
les larmes, les âmes du purgatoire -- ses chères épouses
qui soupirent après sa vue -- et les pauvres pécheurs qui vivent
privés de sa grâce. Intercédez tout particulièrement
pour ceux-ci. « Seigneur, direz-vous, n'êtes-vous pas tout aimable
? ne méritez-vous pas un amour infini ? Et comment donc supportez-vous
que tant d'âmes, de par le monde, des âmes comblées de vos
bienfaits, se refusent à vous connaître, se refusent à vous
aimer, ne craignent pas de vous offenser et de vous mépriser ? O Dieu,
si digne de tout amour, faites-vous connaître et faites-vous aimer. Sanctificetur
nomen tuum, adveniat regnum tuum : que votre nom soit adoré et béni
par tous, que votre amour règne dans tous les cSurs ! Ah ! ne me
laissez point partir sans m'accorder quelque grâce pour ces infortunés
dont j 'implore la grâce ! »
26. On dit que, dans le purgatoire, il y a une peine particulière,
appelée peine de langueur, infligée aux âmes qui, en cette
vie, ont peu désiré le paradis ; et ce n'est que justice. Le ciel
est un si grand bien ! notre Rédempteur nous l'a gagné par sa
mort : n'est-ce pas le mésestimer que de le désirer peu ?
Ne vous laissez pas aller à cette négligence, âme dévote
: soupirez souvent après le paradis. Dites à Dieu que les jours
vous paraissent des siècles, dans l'attente du bonheur de le voir et
de l'aimer face à face. Aspirez à échanger cet exil, ce
séjour du péché où vous courez sans cesse le risque
de perdre sa grâce, contre la patrie de l'amour où vous l'aimerez
avec la plénitude de vos forces.
Répétez-lui souvent: « Seigneur, tant que je vis sur la
terre, je suis en perpétuel danger de vous abandonner et de perdre votre
amitié. Quand donc pourrai-je enfin quitter cette vie où toujours
je vous offense, pour aller vous aimer au ciel de toute mon âme, et m'unir
à vous sans plus aucune crainte de séparation ? »
C'était là l'objet des perpétuels soupirs d'une sainte
Thérèse ; chaque fois que l'heure sonnait, elle tressaillait de
joie, à penser qu'elle avait une heure de moins à vivre dans le
péril de perdre Dieu. Son désir de mourir pour voir Dieu était
si brûlant qu'elle en était consumée à en mourir
; c'est ce qui lui inspira son cantique d'amour : « Je me meurs de ne
point mourir. »
27. Concluons. Si vous voulez charmer le CSur aimant de
votre Dieu, appliquez-vous à lui parler le plus souvent possible, et,
en quelque sorte continuellement, avec la plus entière et la plus confiante
liberté. Il ne dédaignera pas de vous répondre et d'entretenir
pour sa part la conversation. Il ne se fera point entendre de vous par une voix
extérieure qui frappera vos oreilles, mais par un langage intérieur
que votre cSur saisira fort bien : il suffit pour cela de vous détacher
assez du commerce des créatures pour rester en tête-à-tête
avec votre Dieu: Je la mènerai dans la solitude, et je parlerai à
son cSur. » (Os. 2, 14).
Il vous parlera par ces inspirations, par ces lumières intérieures,
par ces impressions révélatrices de sa bonté, par ces touches
suaves au cSur, par ces assurances de pardon, par ces avant-goûts
de paix céleste, par ces attentes du bonheur éternel. par ces
jubilations intenses, par ces douces prévenances de sa grâce,
par ces embrassements et étreintes de son amour, en un mot par tout ce
langage de l'amour que comprennent bien les âmes dont il est aimé
et qui ne cherchent que lui.
Pratique détaillée de la conversation
avec Dieu
28. Avant de terminer, je crois bon, tout en résumant
les conseils épars ci-dessus, de vous tracer une méthode pratique
pour utiliser, en vue de plaire à Dieu, les détails de chacune
de vos journées.
Le matin, dès votre réveil, que votre première pensée
soit d'élever votre cSur vers Dieu, de lui offrir et consacrer toutes
les actions et souffrances de ce jour, en lui demandant l'aide de sa grâce.
Faites ensuite les actes du chrétien pour le matin : actes de remerciement,
d'amour, de demande, accompagnés du bon propos de passer ce jour comme
si c'était le dernier de votre vie.
Le Père Saint-Jure vous suggère de convenir avec Dieu d'un signe
par lequel, chaque fois que vous le feriez, vous entendriez exprimer un sentiment
de votre âme. Le signe serait de porter la main à votre cSur,
de lever les yeux au ciel, de regarder le crucifix, ou autre chose semblable
; l'acte renouvelé par là, celui d'amour de Dieu, ou de désir
de voir Dieu aimé par tous, ou d'offrande de vous-même, ou tel
autre acte à votre choix. Vous pouvez renouveler cette convention chaque
matin.
Placez votre âme dans le côté sacré de Jésus
et sous le manteau de Marie. Priez le Père Éternel. pour l'amour
de Jésus et de Marie. de vous garder durant ce jour.
Après quoi -- et, autant que possible avant toute autre action et pendant
une demi-heure au moins -- faites votre oraison ou méditation.
Que le sujet préféré et habituel de vos méditations
soit la Passion de Jésus-Christ, les souffrances et les mépris
qu'il a endurés. C'est là le sujet d'oraison le plus cher aux
âmes aimantes, et le plus propre à les enflammer d'amour divin.
Il y a trois dévotions que, par-dessus toutes les autres, vous aurez
particulièrement à cSur, si vous voulez avancer dans la vie
spirituelle : la dévotion à la Passion, la dévotion au
Saint-Sacrement, et la dévotion à la Sainte Vierge.
Dans l'oraison même, multipliez les actes de contrition, d'amour de Dieu
et d'offrande de vous-même. Au dire du vénérable Père
Charles Carafa, Fondateur des Pieux-Ouvriers, un bon acte d'amour de Dieu, le
matin dans l'oraison, c'en est assez pour maintenir l'âme dans la ferveur
toute la journée.
29. Je n'entre pas ici dans le détail de vos différents
exercices de piété : confession. communion, grand ou petit office,
etc...
Dans votre activité extérieure : étude, travail manuel,
occupations variées de votre état, ne manquez pas, au commencement
de chaque action de l'offrir à Dieu, en lui demandant son assistance
pour vous en acquitter parfaitement. A l'exemple de sainte Catherine de Sienne,
regardez votre cSur comme un oratoire secret, où vous vous retirez
souvent pour vous y unir à Dieu. En un mot quoi que vous lassiez, faites-le
avec Dieu et pour Dieu.
En sortant de votre chambre ou de votre maison, et aussi en y rentrant, recommandez-vous
à la divine Mère par la récitation d'un Ave Maria.
En allant à table, offrez à Dieu tout ce que vous éprouverez
de désagréable ou d'agréable dans le boire et le manger.
Après le repas, rendez grâces en disant: « Seigneur, que
de bien vous faites à qui vous a tant offensé ! »
Dans la journée, n'omettez point votre lecture spirituelle, la visite
au Saint-Sacrement et à la Sainte Vierge, ni le chapelet.
Le soir, après l'examen de conscience et les actes du chrétien
: foi, espérance, charité, contrition et bon propos, renouvelez
l'intention de recevoir les sacrements pendant la vie et à la mort et
de gagner les indulgences attachées à cette réception.
En vous mettant au lit, pensez que vous devriez être dans le feu de l'enfer.
Endormez-vous en tenant embrassé le crucifix, et dites : « Sous
votre protection, ô mon Sauveur, je dormirai et je reposerai en paix.
» (Ps. 4, 9).
30. Je veux ici, en passant et brièvement, vous rappeler
les indulgences attachées à la récitation de certaines
prières et à certains actes de dévotion.
Notez qu'il est bon de former, dès le matin. l'intention de gagner ce
jour-là toutes les indulgences que l'on pourra.
Pour les actes des vertus théologales. trois ans pour chacun d'eux ;
pour la récitation quotidienne durant un mois, indulgence plénière,
applicable aux âmes du purgatoire ; indulgence plénière
pour soi-même à l'article de la mort, si l'on a récité
ces actes fréquemment durant sa vie.
Ayez l'intention de gagner les indulgences attachées à l'usage
d'un chapelet bénit ; à la récitation du rosaire ou d'une
partie du rosaire ; à l Angelus, trois fois le jour ; aux litanies
de la Sainte Vierge, au Salve Regina, à l'Ave Maria et au Gloria Parti.
-- Indulgences à qui récite cette invocation : Bénie soit
la Sainte et Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie, Mère
de Dieu ; ou celle-ci Loué et adoré soit toujours le Très
Saint Sacrement ; ou la prière Anima Christi ; ou le Gloria Patri ainsi
que les saints noms de Jésus et de Marie ; à qui entend la messe
; à qui fait oraison mentale : et si l'on s'en acquitte tous les jours
une demi-heure, ou au moins un quart d'heure, indulgence plénière
une fois le mois, moyennant confession et communion : à qui fait la génuflexion
devant le Saint-Sacrement ; à qui baise la croix. Ayez l'intention de
gagner les indulgences attachées à vos pratiques de dévotion.
31. Pour vous maintenir, autant qu'il est possible, dans un
perpétuel recueillement et dans l'union à Dieu, appliquez-vous
à profiter de tout ce que vous voyez ou entendez pour élever votre
esprit vers Dieu ou donner une pensée à 1' éternité.
Voici quelques exemples.
Quand vous voyez une eau qui s'écoule. songez qu'ainsi s'écoulent
vos jours et que vous courez vers la mort.
Quand vous voyez une flamme qui s'éteint faute d'aliment, dites-vous
qu'ainsi, un jour, s'éteindra votre vie.
A la rencontre d'un convoi funèbre ou à la vue d'une personne
morte, considérez que c'est là le sort qui vous attend, vous aussi.
Quand vous voyez les heureux de la terre se réjouir de leurs grandeurs
ou de leurs richesses, compatissez à leur folie, et dites: « A
moi, Dieu suffit. Les uns ont leurs chars; les autres, leurs chevaux : nous,
nous avons le nom du Seigneur. » (Ps. D, 8). Que les insensés se
glorifient de ce qui n'est que vanité : pour moi, il n'est d'autre gloire
que d'être aimé de Dieu et de l'aimer ! »
Au spectacle des funérailles pompeuses ou devant les mausolées
magnifiques de défunts illustres, dites-vous : « S'ils sont damnés.
de quoi leur servent ces splendeurs ? »
Une mer tranquille ou soulevée par la tempête vous rappellera quelle
différence il y a entre une âme dans la grâce de Dieu et
une âme dans sa disgrâce.
Un arbre desséché vous sera l'image d'une âme privée
de la vie divine et qui n'est bonne qu'à être jetée au feu.
S'il vous arrivait de voir un coupable trembler de honte ou d'épouvante
devant son juge, ou son père, ou son supérieur, songez à
l'effroi du pécheur au tribunal de Jésus-Christ.
Quand le tonnerre gronde et vous impressionne, pensez à la terreur des
malheureux damnés sur qui tombent sans cesse les foudres de la colère
divine.
Si on vous parle du désespoir d'un condamné à mort devant
son irrémédiable malheur, faites-vous une idée de l'accablement
d'une âme condamnée à l'enfer, et qui doit se dire : «
Il n'y a plus de remède à ma ruine éternelle ! »
32. Lorsque vous contemplez de riches campagnes, d'agréables
rivages, des fleurs et des fruits qui vous charment par leur beauté ou
leur parfum, dites: « Que de belles choses Dieu a faites pour moi, dès
ici-bas ! Ne faut-il pas que je l'aime ? Et quelles autres délices il
me réserve en paradis ! »
A la vue de riantes collines ou de quelque beau paysage, Sainte Thérèse
se reprochait son ingratitude envers Dieu.
L'Abbé de Rancé, fondateur de la Trappe, trouvait dans les beautés
de la nature un rappel à l'obligation d'aimer Dieu.
Pénétré de la même pensée, Saint Augustin
s'écriait: « Le ciel, la terre, toutes les créatures, me
prêchent, Seigneur, votre amour. »
On raconte d'un pieux serviteur de Dieu que, rencontrant par les champs, fleurs
et herbettes, il les frappait doucement avec une baguette, en leur disant: «
Silence ! ne me reprochez plus mon ingratitude envers Dieu. J'ai compris, c'est
assez, taisez-vous ! »
Sainte Marie-Madeleine de Pazzi, lorsqu'elle avait en main un beau fruit, une
jolie fleur, en recevait une blessure de divin amour, et elle se disait: «
Mon Dieu a donc pensé, dès l'éternité, à
créer ce fruit, cette fleur, pour me donner une marque de son amour !
»
33. Une rivière, un simple ruisseau, dont les eaux courent
vers la mer sans que rien ne les arrête, vous rappelleront que votre âme
doit toujours tendre vers Dieu, votre unique bien.
Quand, dans vos voyages, vous utilisez des animaux de selle ou de trait, dites-vous:
« Quelle peine ne se donnent pas ces innocentes créatures pour
me servir ! Et moi, qu'est-ce que je fais pour le service et le plaisir de mon
Dieu ? »
En voyant un petit chien qui, pour un misérable morceau de pain, est
si fidèle à son maître, demandez-vous combien plus vous
devriez être fidèle à ce Dieu qui vous a créé,
vous conserve la vie, étend sur vous sa providence et vous comble de
tant de bienfaits !
Entendez-vous des oiseaux chanter ? « Mon âme, direz-vous, écoute
comment ces petites créatures louent leur Créateur : et toi ?
» Mettez-vous alors à le louer par des actes d'amour. Mais si c'est
le chant du coq qui retentit, rappelez-vous que vous avez autrefois, comme Saint
Pierre, renié votre Dieu, et renouvelez alors vos regrets et vos larmes.
Pareillement, lorsque vous passez là où vous avez commis quelque
faute, tournez-vous vers Dieu pour lui dire : « Seigneur, des fautes de
ma jeunesse et de mes égarements, ne vous souvenez plus. » (Ps.
24, 7).
34. A l'aspect des vallées, considérez qu'elles
sont fertilisées par les eaux qui descendent des montagnes : ainsi les
grâces du ciel descendent sur les humbles et délaissent les orgueilleux.
Quand vous admirez une église, belle et ornée, songez à
la beauté d'une âme en état de grâce, vrai temple
de Dieu.
Quand votre regard s'arrête sur la mer, réfléchissez à
la grandeur et à l'immensité de Dieu.
A la vue d'un feu, de cierges allumés sur l'autel, dites: « Depuis
combien d'années je devrais brûler en enfer ! Mais puisque vous
m'avez épargné ce malheur, faites, ô mon Dieu, que mon cSur
se consume maintenant d'amour pour vous, comme se consumentce brasier ou
ces flambeaux. »
Quand vous contemplez le ciel étoilé, écriez-vous avec
Saint André d'Avellin: « O mes pieds, un jour vous foulerez ces
étoiles ! »
35. Il vous faut aussi rappeler souvent les mystères
d'amour de notre bon Sauveur.
Voyez-vous de la paille, une crèche, une grotte ? pensez à Jésus
Enfant dans l'étable de Bethléem.Quand vous apercevez des scies,
des marteaux, des planches, des haches, rappelez-vous Jésus travaillant
comme simple apprenti dans l'atelier de Nazareth.
Si votre regard s'arrête sur des cordes, des épines, des clous,
des poutres, songez aux douleurs et à la mort de votre Rédempteur.
Saint François d'Assise, à la vue d'un agneau se mettait à
pleurer: « Mon doux Seigneur, disait-il. a été pour moi
conduit à la mort comme un agneau. »
Enfin, autels, calices, ornements sacerdotaux, vous feront souvenir de l'immense
amour qui débordait du CSur de Jésus, alors qu'il nous donnait
la Sainte Eucharistie.
36. Au cours de la journée. renouvelez fréquemment,
à l'exemple de sainte Thérèse, l'offrande de vous-même
à Dieu. « Seigneur, direz-vous, me voici : faites de moi ce que
bon vous semble; donnez-moi de connaître votre volonté, car je
veux l'accomplir tout entière. »
Multipliez aussi, le plus possible, les actes d'amour envers Dieu. C'est là,
disait encore Sainte Thérèse, « le bois qui alimente dans
le cSur le brasier du saint amour. » La vénérable SSur
Séraphine de Capri fut prise un jour, devant la mule du monastère,
d'un sentiment de compassion ; elle s'écria : « Pauvre bête
! tu ne sais pas, tu ne peux pas aimer le bon Dieu ! » La mule se mit
à pleurer : de ses yeux coulaient de grosses larmes en abondance. Tirez
de là une leçon : que la vue des êtres privés de
raison, incapables de connaître et d'aimer Dieu, vous peine, et unissez
votre volonté à la sainte porte, vous qui le pouvez, à
produire de nombreux actes d'amour.
Après une faute, humiliez-vous aussitôt, et, par un fervent acte
d'amour, relevez-vous résolument.
Vous survient-il quelque chose de fâcheux ? offrez tout de suite à
Dieu votre volonté de Dieu. Prenez l'habitude de redire dans chaque contrariété
: « Dieu le veut ainsi, je le veux aussi. » Il n'est point d'actes
d'amour aussi chers et aussi agréables au CSur de Dieu que les actes
de résignation.
37. Si vous avez à prendre une décision ou à
donner un conseil. commencez par vous recommander à Dieu, puis agissez
ou répondez.
A l'exemple de sainte Rose de Lima, répétez fréquemment,
très fréquemment, cette prière: « Deus, in adjutorium
meum intende : Seigneur, venez à mon aide; ne m'abandonnez pas à
moi-même. »
Dans le même but, jetez souvent les yeux sur le crucifix ou sur l'image
de la Sainte Vierge, que vous devez avoir dans votre chambre. Invoquez assidûment
les noms de Jésus et de Marie, surtout aux heures de la tentation.
Dieu, étant la bonté infinie, ne désire que nous communiquer
ses dons. Un jour, le vénérable Père Balthasar Alvarez
vit notre Sauveur les mains remplies de grâces et cherchant sur qui les
répandre. Encore veut-il que nous les lui demandions: Demandez et vous
recevrez (Jean 16, 24) ; sinon, il retire sa main. Mais, par contre, il l'ouvre
volontiers à l'âme qui le prie. « Qui donc, s'écrie
l'Ecclésiastique, a invoqué le Seigneur et a été
méprisé de lui ? »(Eccli. 2, 12). Qui a eu recours à
lui. et a vu sa supplication repoussée ? »Et David nous en assure,
ce n'est pas seulement de miséricorde que Dieu use envers ceux qui le
prient, mais de grande miséricorde: « car, Seigneur, vous êtes
suave et doux. et votre miséricorde est abondante pour chacun de ceux
qui vous invoquent. » (Ps. 85, 5).
38. Oh ! que « le Seigneur est bon » et libéral,
« pour l âme qui le cherche » Thrèn. 3, 25) avec
amour ! Il va jusqu'à « se laisser trouver par qui ne le cherche
point. » Combien plus volontiers se fera-t-il trouver par qui le
cherche, et le cherche pour le servir et l'aimer ?
Terminons par cette pensée de sainte Thérèse : «
Les âmes justes sur la terre doivent être une même chose en
amour avec les bienheureux du ciel. » Là-haut, les saints n'ont
de commerce qu'avec Dieu, ils ne connaissent ni pensées, ni plaisirs
qui soient étrangers à sa gloire et à son amour; commencez,
dès ici-bas, cette vie céleste. Que Dieu seul soit votre félicité
; Dieu seul. l'objet de vos affections ; Dieu seul, la fin de vos actions et
le terme de vos désirs. Vous atteindrez ainsi le royaume éternel,
où votre amour sera, de tout point parfait et consommé, et votre
cSur pleinement assouvi et rassasié..
Vivent Jésus notre amour, et Marie notre espérance !
Texte extrait du site www.jesusmarie.com.