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Instructions pour les filles

par l'Abbé Moye

 
   
La Chasteté

La chasteté est une vertu qui, en nous inspirant de l’horreur et de l’éloignement pour l’infâme péché d’impureté, conserve nos corps et nos âmes purs, intègres, sans tache, sans corruption. Cette vertu est si belle qu’elle rend l’homme semblable aux anges. Les vierges sont les amantes et les épouses de Jésus-Christ ; elles chanteront avec l’Agneau un cantique que nulle autre ne pourra chanter, c’est-à-dire qu’elles auront dans le ciel une gloire, une couronne spéciale, qui seront la récompense et le prix de leur virginité. C’est un article de foi que le célibat en lui-même est un état plus parfait que celui du mariage. Saint Paul en donne la raison : c’est qu’une femme mariée est en quelque sorte partagée et divisée entre Jésus-Christ et son mari, entre Dieu et le monde, mais une vierge n’a qu’une intention, qu’un soin, qu’un but, qui est d’être toute à Dieu, de lui plaire uniquement, et d’aimer sans partage Jésus-Christ, qu’elle a choisI pour son unique Époux. Mais il ne suffit pas d’être vierge de corps, il faut l’être de cœur et d’esprit ; il faut embrasser cet état du célibat et y demeurer par des vues surnaturelles, pour plaire à Dieu et non pas pour plaire aux hommes, par religion et non pas par orgueil et par ostentation. Il faut être encore plus pure, plus sainte, plus chaste dans l’intérieur, dans ses pensées, ses désirs, ses affections, ses sentiments devant Dieu qu’on ne le paraît pour la profession du célibat devant les hommes. Car la beauté de la fille de Dieu lui vient de son intérieur, dit l’écriture. Aussi une femme mariée qui a plus de vertu et de charité qu’une vierge lui est préférable aux yeux du Seigneur.

La chasteté et la pudeur sont les trésors les plus riches, les plus estimables, et les plus beaux ornements des filles chrétiennes. Les Pères ont toujours regardé les vierges comme des fleurs qui ornaient l’Église militante ; mais si la chasteté est une vertu brillante et éclatante, c’est une vertu tendre et délicate, difficile à conserver. Les Pères la comparent à la glace d’un miroir : un souffle suffit pour la gâter et la ternir. C’est-à-dire qu’un regard sensuel, une inclination vicieuse, une liberté, une familiarité, une parole équivoque écoutée avec plaisir, une conversation passionnée avec une personne d’un sexe différent, une bagatelle selon le monde, mais qui est bien considérable aux yeux de Dieu, suffisent pour l’altérer. Un rien en apparence peut corrompre le cœur et ternir l’éclat de la sainte vertu de pureté. C’est pourquoi Dieu ; qui aime spécialement cette vertu dans les jeunes filles, leur a donné la pudeur comme la gardienne de leur chasteté, car la pudeur est une vertu qui nous inspire une sainte horreur de tout ce qui peut blesser la pureté. Voyez une jeune fille qui a conservé sa chasteté : elle rougira si elle voit, si elle entend, la moindre chose qui soit contraire à cette vertu. C’est la pudeur qui inspire aux filles cet éloignement des hommes et des garçons qui est naturel au sexe. Je dis, naturel au sexe, car je l’ai vu chez les païennes mêmes.

En Chine les femmes et les filles se tiennent toujours fort éloignées des hommes. Si un garçon est assis sur un banc une fille ne s’y assiéra pas. Les femmes n’ont aucun commerce avec les hommes ; elles ont leur appartement à part dans l’intérieur de la maison. Ainsi les filles et les femmes chrétiennes qui ont franchi les bornes de la pudeur jusqu’à se permettre des familiarités indécentes et des libertés criminelles avec les hommes et les garçons, et qui, loin de fuir leur compagnie, la recherchent, qui aiment à les voir, à en être vues, qui se parent pour leur plaisir, qui passent exprès devant eux pour attirer leurs regards, et qui jettent elles-mêmes sur eux des regards affectés et passionnés, quelquefois même dans les églises, ce qui est un sacrilège et une profanation des lieux saints, - ces filles qui, au lieu de craindre les caresses meurtrières des garçons, s’en laissent toucher ou embrasser déshonnêtement, sont pires que les païennes, et font bien voir par cette conduite indigne de leur sexe qu’elles ont perdu toute pudeur et sont sur le point de perdre le précieux trésor de la chasteté. Car saint Jérôme appelle ces libertés, ces familiarités, les indices d’une chasteté mourante.

Voyez la sainte Vierge, la Mère de Dieu, la reine des vierges, dont la pudeur surpassait celle des anges. Elle se troubla, elle craignit, elle trembla à la vue d’un ange, parce qu’il avait la figure d’un homme. Voilà votre modèle, vierges chrétiennes. Craignez et tremblez à la vue et aux approches d’un homme ou d’un garçon, quand même il aurait la modestie et la piété d’un ange. C’est le propre des vierges, dit saint Ambroise, de craindre et de fuir les hommes.(...)


 
Le démon, qui a tenté Éve en lui persuadant que le fruit défendu était encore plus délicieux qu’il ne paraissait, séduit ainsi les jeunes filles en leur faisant accroire que les sales plaisirs de l’impureté sont bien plus grands et plus délicieux qu’ils ne les sont en effet. Il excite en elles de violents désirs d’en faire l’essai, mais ensuite elles voient par une funeste expérience combien ils sont abominables et exécrables, et de combien de regrets et de peines, d’amertume, de honte et de confusion ils sont suivis dans cette vie même. Elles pleurent, elle gémissent, mais le mal est fait. Il eût fallu le prévenir par de sages précautions.

La modestie est aussi nécessaire aux filles pour conserver leur chasteté. La modestie est une vertu qui compose décemment notre corps, tous nos sens, et notre maintien, nos regards, nos gestes, nos démarches, de sorte qu’il ne paraisse rien en toute notre conduite qui ne soit honnête et qui n’annonce la chasteté et la pudeur.(...)

Je n’ai jamais eu bonne opinion d’une fille immodeste dans ses vêtements, car c’est un penchant malheureux pour l’impureté qui les porte à se découvrir, à se montrer de la sorte, pour inspirer aux autres la passion qui les domine. J’exhorte et je prie toutes les femmes et les filles qui entendront ces instructions de s’habiller modestement à l’honneur de la sainte Vierge.(...)Elles diront en s’habillant : Mon Dieu, j’habille mon corps, habillez mon âme, ornez-la de votre grâce et de vos vertus; je veux par la modestie de mes habits honorer la modestie de la sainte Vierge.

Je les exhorte aussi à avoir une dévotion tendre et filiale envers la sainte Vierge et à se dévouer à son culte. Elles iront souvent se prosterner aux pieds de ses autels pour l’honorer, la prier, et demander par son intercession la grâce d’imiter ses vertus, surtout sa pureté. Les filles, en se mettant sous la protection de la sainte Vierge, doivent mettre entre ses mains le précieux dépôt de leur chasteté, pour qu’elle le conserve pur et sans tache à travers tant de dangers où elles sont si misérablement exposées dans ce siècle corrompu. Elles doivent avoir devant les yeux la vie et les exemples de Marie ; elles doivent s’unir à elle en tout ; elles doivent unir leurs intentions aux intentions de Marie, leur travail au travail de Marie...(...)

Les filles doivent aussi conserver la paix, l’union avec leurs frères et sœurs et tous les gens de la maison, en évitant les rapports qui pourraient semer les discordes, en souffrant des paroles injurieuses, en cédant aux autres, en prenant la dernière place, en faisant les ouvrages que les autres ne veulent pas faire. Si elles font tout cela par un esprit de religion, elles peuvent s’acquérir un trésor de mérites par la pratique de beaucoup de vertus, qu’elles peuvent exercer tous les jours dans mille occasion, dans les petites choses comme dans les grandes. Car il est dit dans l’écriture que l’Épouse, c’est-à-dire l’âme fidèle, a plu à son Époux, c’est-à-dire à Jésus-Christ, par un œil et par un cheveu de sa tête, c’est-à-dire par la pratique des grandes vertus et par sa fidélité dans les petites choses.

Voilà ce que les filles doivent faire, voilà les vertus qu’elles doivent pratiquer. Voyons maintenant les tentations qu’elles doivent éviter et surmonter.

La première tentation à laquelle les filles et les femmes sont sujettes, c’est celle de l’hypocrisie, qui fait qu’elles cherchent à plaire aux hommes, qu’elles désirent d’être vues, estimées du monde. Les filles veulent être estimées de leur curé, de leur confesseur ; elles font souvent bien des bonnes œuvres par complaisance pour lui, ou pour d’autres semblables motifs ; quand elles prient elles sont bien aises qu’on les voie ; quand elles chantent des cantiques elles aiment qu’on les entende ; elles font bien des choses par ostentation, de sorte qu’elles n’ont guère ou point de mérite devant Dieu, parce qu’elles les font, non pour plaire à Dieu, mais pour plaire aux hommes, dont elles cherchent l’estime et la considération. Ce qu’il y a de pire encore, c’est qu’après être tombées dans certaines fautes honteuses, elles les cachent ou les déguisent en confession, de peur de perdre dans l’esprit de leur confesseur la bonne opinion qu’elles croient s’y être acquises. Il y a des milliers de filles et de femmes dans les enfers qui n’ont pas été des filles mondaines et libertines, mais sages et dévotes en apparence ; cependant elles sont damnées pour avoir caché leurs péchés en confession ou pour les avoir mal déclarés. Car, au lieu qu’il faudrait les avouer sincèrement, franchement, sans excuse ni déguisement, en reconnaissant sa faute, en se l’imputant, les filles rejettent tout sur les garçons et les femmes sur les hommes, de sorte qu’à les entendre elles sont innocentes lors même qu’elles sont les plus coupables. Si une fille qui est tombée dans quelques fautes avec une personne d’un autre sexe voulait bien s’examiner devant Dieu, elle verrait que c’est elle qui le plus souvent y a donné occasion, qu’elle l’a même cherché, qu’elle s’est habillée pour lui plaire, qu’elle ne s’est défendue que faiblement, et même qu’en se défendant elle a péché mortellement parce qu’elle prenait toujours plaisir aux libertés que le libertin prenait sur elle, et qu’elle consentait intérieurement aux sensations déréglées qui se passaient en elle. En tout cela, combien de péchés abominables, de pensées, de désirs, de sentiments impurs ? Combien d’autres infamies que la pudeur ne permet pas de nommer ? Cependant, après tout cela, une fille ne dira rien en confesse ou presque rien, et si elle parle de péché, ce ne sera que des péchés des autres et non pas des siens. Grand Dieu, quelle confession ! Si le confesseur l’interroge elle dira mille mensonges pour se déguiser et pour se disculper, et tous ces mensonges en confession sont autant de sacrilèges, puisqu’ils profanent le sacrement. Ananie et Saphire avaient menti à saint Pierre, et comme il tenait la place de Dieu il leur dit : " Ce n’est pas à un homme que vous avez menti, c’est à Dieu, c’est au Saint-Esprit " (Ac 5, 4).

Dieu a établi la confession pour humilier le pécheur par l’aveu sincère qu’il ferait de ses crimes, et c’est à cet aveu humiliant que Dieu attache sa grâce. Ainsi, toutes les filles et les femmes qui se déguisent et qui refusent de faire ce sincère aveu de tous les péchés qu’elles ont commis, ou seules ou avec d’autres du même sexe ou d’un sexe différent, et de toutes les circonstances considérables qui changent l’espèce du péché ou qui l’augmentent, surtout si elles en sont la cause, ou qui, avouant leurs péchés, ne s’en attribuent pas la faute, mais qui la rejettent sur d’autres, qui ne disent pas franchement, " Je suis coupable, j’ai consenti à la tentation, j’y ai pris plaisir, j’y ai donné occasion par des manières enjouées, par des parures affectées, par des regards passionnés, par des nudités indécentes, par des airs mondains et dissipés, par des chansons profanes et des paroles trop libres dites et entendues d’une manière à faire sentir qu’elles me plaisaient assez, enfin, par cent autres choses ".

Si, dis-je, les filles et les femmes n’avouent pas tout cela clairement, sincèrement, et tous les péchés, toutes les impuretés qui ont été les suites de tout cela, leur confession est nulle et sacrilège. Et si elles vont communier après cela, elles se rendent coupables de la profanation du Corps et du Sang de Jésus-Christ ; elles boivent et mangent leur condamnation. Mon Dieu ! Que de confessions et de communions indignes de la part des filles et des femmes que la honte empêche de découvrir leurs péchés ! C’est quand il était question de les commettre qu’il fallait en avoir honte. Mais quand il est question de les confesser c’est une gloire de les manifester. Et si vous ne pouvez pas supporter une légère confusion devant un homme, et un homme qui tient la place de Dieu, un homme qui mourrait plutôt que de déclarer rien de ce que vous lui dites en confesse, comment pourrez-vous souffrir la honte et la confusion de voir vos péchés infâmes dévoilés et manifestés au dernier jour à la face du ciel et de la terre, en présence des anges et des hommes ?

Déclarez-les donc sans délai ; confessez les plus énormes les premiers de peur que le démon ne vous tente de les cacher. Il y a aussi des filles et des femmes qui se croient dispensées de déclarer leurs péchés si le confesseur ne les interroge pas : abus, illusion ! Il ne faut pas que le confesseur vous interroge, il faut vous accuser vous-mêmes ; sans cela vous vous exposez visiblement à faire une confession sacrilège. Soyez sincères, sans duplicité et sans hypocrisie. Ne faites plus rien en vue de plaire aux hommes, mais faites tout pour Dieu ; n’attendez de la part des hommes ni éloge ni estime ni applaudissements ; n’espérez point d’autres récompenses que celle du ciel ; ne faites et ne souffrez en secret aucune action, soit contre la pureté, soit contre la bienséance, soit contre la tempérance, en prenant et en mangeant par gourmandise. Ne faites rien, en un mot, que vous ne puissiez faire en public et en présence de votre pasteur, de votre confesseur, de vos père et mère. Car " chaque fois que les filles font ou souffrent des choses où elles seraient fâchées d’être surprises par leur directeur ou leurs parents, c’est une preuve qu’elles sont coupables et répréhensibles " : c’est la remarque de saint François de Sales. Ce qui fait bien voir que les filles n’agissent pas avec une intention pure et droite dans les bonnes œuvres qu’elles font, c’est qu’elles cessent de les faire dès qu’on cesse de les louer et de les estimer. Pour peu qu’on les critique dans leurs pratiques de dévotion, elles les abandonnent, elles se dépitent, et elles se disent elles-mêmes, " Puisque cela va ainsi, puisqu’on trouve à redire à ce que je fais, je ne ferai plus rien, je ne chanterai plus de cantiques, je ne dirai plus le chapelet, je n’irai plus confesser, je n’irai plus à l’église, je n’irai plus visiter le Saint-Sacrement ", etc.

Ce dépit, ce découragement montrent bien que la piété et la dévotion apparente des filles qui parlent de la sorte étaient fausses et hypocrites, qu’elles étaient des orgueilleuses qui faisaient tout en vue des hommes, pour être vues et estimées du monde et non pour plaire à Dieu, pour se contenter et se satisfaire elles-mêmes et non pour se sanctifier. Car quand on fait le bien pour Dieu et pour de bons motifs, on continue toujours à le faire malgré la critique et la contradiction du monde.

Seconde tentation des filles :

Les amitiés sensuelles pour les personnes d’un sexe différent

Saint Jérôme dans ses épîtres rapporte l’histoire d’une fille possédée du démon, à qui l’on demandait pourquoi il était entré dans cette fille. Il répondit, " C’est qu’elle m’en a donné l’occasion ". Et l’occasion qu’elle avait donnée, c’était une amitié passionnée qu’elle avait contractée avec un garçon avec lequel elle avait des rendez-vous, des tête-à-tête, et des conversations et des regards passionnés. On demanda encore au démon qu’on exorcisait pourquoi il n’était pas entré plutôt dans le garçon qui venait la voir. Il répondit, " Mon compagnon y était déjà ", c’est-à-dire un démon du même genre que lui. De là il s’ensuit que les garçons et les filles qui ont des amitiés et des liaisons criminelles entre eux sont esclaves et possédés du démon, au moins quant à l’âme. En effet, ils perdent la grâce et la charité puisque l’amour de Dieu, qui est pur et chaste est incompatible avec l’amour impur. Le Saint-Esprit ne peut faire sa demeure avec le démon de l’impureté qui s’empare du cœur et de l’âme d’une fille dès qu’elle se livre à l’amour des garçons. Oui, une fille passionnée pour un garçon est une fille perdue. La passion étouffe en peu de temps tous les sentiments de dévotion et de religion qu’elle avait auparavant. J’ai vu une jeune fille dévote comme un ange, qui fut toute changée et pervertie par une seule entrevue avec des garçons libertins. Quand une fois cette malheureuse passion s’est emparée d’une fille, elle n’a plus d’amour pour Dieu ni de goût pour la piété. Et si elle fait encore quelques exercices de religion ce n’est plus qu’hypocrisie, pour mieux cacher sa passion. Elle n’écoute plus ni avis ni conseils ni raison ni honneur ni bienséance ni père ni mère. Sa passion l’aveugle et l’entraîne de telle sorte qu’elle ferme les yeux à toutes considérations divines et humaines. Le démon qui s’est emparé d’elle la possède tellement qu’elle n’a l’esprit occupé d’autres choses que de la personne qui est l’objet de ses inclinations ; elle y pense jour et nuit ; elle ne peut se rassasier de le voir et d’en être vue. Ainsi, plus de prières récitées avec attention, plus de sentiments de piété envers Dieu ! Tout son cœur et toutes ses affections se portent vers l’objet qui l’a séduite. À l’église même elle s’en occupe. Ainsi elle n’entend plus de messe, elle ne fait plus d’actes de religion. En entrant dans le lieu saint, au lieu de jeter les yeux vers l’autel ou sur le crucifix, sur les images des saints, ses regards impudiques se portent vers celui qu’elle aime passionnément.

Il est impossible de dire tous les maux que cause à cette fille cette maudite passion pour les garçons. C’est la ruine et la perte de la piété et la source de toutes sortes d’impuretés. Il y aura peut-être des filles qui croiront pouvoir allier la dévotion avec ces amitiés et ces liaisons tendres, naturelles, et sensuelles. Mais non, cela est impossible. Dieu veut notre cœur ; il le veut sans partage et sans division ; un cœur partagé l’offense et l’irrite. Quoi ? Vous donnerez à une misérable créature vos affections les plus chères et les plus tendres, et vous n’offrirez à Dieu que les restes d’un cœur gâté et corrompu par l’amour impur ? Jugez vous-même si Dieu l’acceptera. Caïn et Abel offrirent à Dieu des sacrifices. Abel offrait ce qu’il avait de meilleur, et Caïn offrait à Dieu ce qu’il avait de moindre, et réservait le mieux pour lui et pour le monde. Aussi Dieu, qui agréait les victimes d’Abel, rejeta-t-il celles de Caïn. Il rejettera aussi les vôtres, si vous voulez conserver l’attache aux personnes d’un sexe différent, et entretenir avec elles des liaisons criminelles. Renoncez-y totalement, quittez leurs conversations, éloignez-vous de leurs personnes, évitez leurs rencontres, rompez sans ménagement les liens qui vous attachent, sortez du malheureux esclavage où vous gémissez : plus de visites, plus d’entretiens, plus de regards, plus d’affections, plus de liaisons ! Voilà le premier moyen de rentrer en grâce avec Dieu et de recouvrer son amitié, c’est de renoncer à l’amour profane et impur. Je dis qu’il faut trancher, couper sans ménagement. Écoutez saint François de Sales sur ce sujet : " Quel remède ", demande ce saint, " quel remède contre ces folles amours ? " [Introduction à la vie dévote, III, ch. 21] " Je réponds que le premier remède c’est de les prévenir par la vigilance sur son cœur, pour ne pas permettre que cette malheureuse passion y entre, car il est bien plus aisé de lui fermer l’entrée de votre cœur que de l’en extirper quand elle s’en est une fois emparée. "

Ainsi, ajoute le saint que nous venons de citer, en répondant lui-même à la demande qu’il se fait, savoir : Quels remèdes faut-il apporter contre les amitiés sensuelles, si dangereuses entre les deux sexes ? " Aussitôt que vous en sentirez les premières atteintes, tournez-vous vite de l’autre côté avec une détestation absolue de cette vanité, courez à la croix du Sauveur, prenez sa couronne d’épines pour en environner votre âme, afin que ces petits renardeaux (c’est-à-dire ces passions, ces affections impures) n’entrent pas dans votre cœur pour le gâter et le corrompre, ainsi que les renards dévastent les vignes et les moissons ; gardez-vous bien de venir à aucune sorte de composition avec cet ennemi. " Ainsi, au jugement du saint évêque de Genève, les garçons qui viennent vous faire tant de belles démonstrations d’amitié et de tendresse sont de vrais ennemis. Ce sont des tentateurs, des séducteurs que le démon envoie pour vous perdre et vous corrompre. Ce sont des voleurs qui veulent vous ravir le trésor de votre chasteté. Ce sont des homicides qui veulent donner la mort à votre âme. Vous croyez qu’ils vous aiment ? Point du tout, ils n’aiment que leur brutale passion et ils vous méprisent. Après avoir contenté leur infâme désir et vous avoir précipitée dans le crime, ils se moqueront de vous et manifesteront vos faiblesses ; ils en feront des risées, en se vantant devant leurs compagnons et ailleurs d’avoir flétri la fleur de votre pudeur, de vous avoir ravi le trésor de votre virginité. Vous êtes donc bien insensées de vous laisser tromper par les discours et les caresses d’un libertin, qui ne vous aime que comme le démon, pour vous entraîner avec lui dans l’enfer, qui vous aime comme un lion aime sa proie, comme un loup aime un agneau, pour le dévorer.


Revenons maintenant aux avis et aux remèdes que saint François de Sales donne contre les fausses amitiés. " Ne dites pas ", continue ce grand directeur des âmes dans La Vie Dévote, " ne dites pas : Je l’écouterai, mais je ne ferai rien de ce qu’il me dira ; je lui prêterai l’oreille, mais je lui refuserai mon cœur. Ô ma chère Philothée, pour Dieu soyez rigoureuse en de semblables occasions. Le cœur et les oreilles s’entretiennent et se communiquent l’un à l’autre. Et comme il est impossible d’empêcher un torrent dans sa descente sur le penchant d’une montagne, aussi est-il difficile d’empêcher que l’amour qui est tombé dans l’oreille ne fasse sa chute dans le cœur qui respire par l’oreille. C’est-à-dire qu’il reçoit les pensées et les affections corrompues des autres en écoutant les paroles séduisantes qu’ils nous disent. Gardons donc soigneusement nos oreilles ; bouchons-les d’épines, dit l’Écriture, pour qu’elles n’entendant pas ces paroles dangereuses qui tendent à l’impureté, car autrement notre cœur en serait bientôt empesté. N’écoutez nulle sorte de proposition, sous quelque prétexte que de soit ; en ce seul cas il n’y a point de danger d’être incivile et rude. Souvenez-vous que vous avez voué votre cœur à Dieu et que votre amour lui est dévoué et consacré. Ce serait donc un sacrilège que de lui en opter la moindre partie. Sacrifiez de nouveau à Dieu votre cœur avec toutes ses affections par mille résolutions, mille protestations d’être à lui seul, sans partage et sans réserve. Demeurez fermes ; tenez-vous entre les bras de Jésus et de Marie comme un cerf dans son fort ; réclamez Dieu : il vous secourra, et son amour prendra le vôtre sous sa protection, afin qu’il vive uniquement pour lui. "


Voilà l’avis et les remèdes que saint François de Sales donne aux jeunes gens pour les prémunir contre la tentation des amitiés si dangereuses entre les deux sexes. Et voici ceux qu’il donne à ceux qui y sont déjà malheureusement engagés, pour rompre leurs liens et les dégager des pièges où ils se trouvent embarrassés : " Que si vous êtes déjà prises dans les filets de ces folles amours, ô Dieu ! quelle difficulté pour vous en débarrasser. Mettez-vous devant la Majesté de Dieu, reconnaissez en sa présence la grandeur de votre misère, confessez votre faiblesse et votre vanité. Puis, avec le plus grand effort de cœur qu’il vous sera possible, détestez ces amours, commencez à les quitter, abjurez la vaine possession que vous en avez faite ; renoncez à toutes les promesses reçues, et d’une très grande et très absolue volonté prenez une résolution ferme et constante de ne plus jamais rentrer dans ces jeux et ces entretiens d’amour ".

Voilà le premier avis de saint François de Sales, c’est de renoncer absolument et promptement à toutes ces liaisons en les arrachant du fond du cœur jusqu’à la dernière racine. " Je crie tout haut ", dit ce zélé directeur, " je crie à quiconque est tombé dans ces pièges de l’amour profane : Taillez, tranchez, rompez, il ne faut pas s’amuser à découdre ces folles amitiés ; il faut les déchirer ; il ne faut pas dénouer, il faut rompre et couper. Il ne faut pas ménager un amour qui est si contraire à l’amour de Dieu ". En effet, l’expérience apprend tous les jours que ceux et celles qui veulent différer et temporiser demeurent toujours captifs dans ces liens. On peut dire que c’est bien la passion dominante des filles.

Le second moyen que propose le saint, c’est de s’éloigner des objets, de quitter la maison, le lieu, et même la proximité des personnes qui sont causes de ces tentations. Rien de plus efficace en cette matière que la fuite des occasions. On a vu souvent qu’une seule entrevue était capable de renouer ces liaisons et de rallumer ces feux impurs qu’on croyait éteints. Il faut donc éviter jusqu’à la vue, la rencontre, de ces personnes auxquelles vous étiez attachées, et tachez d’en effacer même le souvenir et la pensée de votre esprit, de sorte qu’il n’y ait plus en vous aucune trace, aucun vestige, aucuns ressentiments de cette passion infâme. Il faut que vous en ayez autant d’horreur que vous aviez d’inclination pour elle. Enfin, le saint directeur vous conseille encore une retraite et des confessions sincères, où vous disiez clairement à votre directeur les tentations qui vous arriveront à ce sujet. Ayez encore de saints entretiens avec quelques personnes pieuses et prudentes, dont vous prendrez les conseils avec une grande confiance que Dieu vous délivrera de toutes ces misères, pourvu que vous soyez fidèle à prendre sincèrement tous les moyens que la prudence exige pour vous en défaire entièrement et pour toujours.

On ne défend pas le mariage aux filles. Au contraire, celles que Dieu appelle à cet état peuvent se marier, et plus tôt c’est le mieux. Mais ces liaisons et ces amitiés criminelles, ces libertés indécentes qu’elles prennent et qu’elles permettent, loin de leur procurer un établissement honnête, les empêchent d’y parvenir. Car un garçon qui a de la raison et de la religion épousera toujours plutôt une fille sage, modeste, retirée, qu’une fille volage et dissipée, qui s’est diffamée elle-même par ses fréquentations et ses familiarités avec les garçons, parce qu’il aura lieu de craindre que cette fille mondaine, qui a été infidèle à Dieu en l’abandonnant par ses crimes, ne lui sera pas fidèle à lui-même, et qu’une fille de ce caractère, légère, inconstante, changera aussi de sentiments à son égard, qu’il ne pourra compter sur elle pour rien, et qu’elle n’est point propre à donner à ses enfants une éducation chrétienne.

Les filles qui se destinent au mariage doivent aussi demander à Dieu un époux pieux, bien réglé dans ses mœurs, avec lequel elles puissent se sanctifier. Et lorsqu’il sera question de l’épouser, on peut se voir honnêtement en présence de parents, mais le plus rarement et le plus brièvement sera le mieux. Et comme rien n’est permis avant le mariage il faut qu’ils ne prennent aucune liberté ensemble. Comme la nature corrompue est si portée au mal, on ne peut prendre trop de précautions contre les dangers et les tentations. Je voudrais que les jeunes gens qui pensent au mariage ne se vissent qu’en présence d’un crucifix, pour que la vue d’un Dieu souffrant chassât toutes mauvaises pensées et les contînt dans les bornes de la bienséance et de l’honnêteté sans qu’il se passât rien dans le corps ni dans l’âme qui fût contraire à la chasteté et la modestie chrétienne.

Troisième tentation des filles :

L’attachement à leur corps, à leur figure, à leur prétendue beauté,

la vanité dans les habits, l’envie de plaire et de paraître, de voir et d’être vues,

les bals, les danses


Saint Pierre, Chef de l’Église, donne des avis salutaires à tous les états, à tous les sexes qui la composent. Il dit aux femmes et aux filles qu’elles ne doivent pas parer leur corps par de vains ajustements, mais qu’elles doivent bien plus s’appliquer à parer l’homme intérieur, c’est-à-dire leur âme, en l’ornant des vertus chrétiennes. Elles ne doivent pas perdre leur temps à se contempler dans un miroir, mais plutôt considérer l’état misérable de leur âme, qui est peut-être morte aux yeux de Dieu par le péché, défigurée, hideuse, affreuse par les vices et les passions qui la corrompent. Voilà les réflexions que devraient faire ces filles mondaines qui sont si idolâtres de leur corps qui n’est que cendre et poussière, boue et corruption. Regardez dans un cimetière, dans un ossuaire, ces ossements, ces crânes : voilà ce que vous serez, voilà ce que vous deviendrez dans quelques années d’ici, peut-être cette année même. Ce corps que vous flattez maintenant et que vous parez comme une idole sera bientôt un cadavre livide qui fera horreur. Il sera réduit en cendre et en poussière. Il deviendra la pâture des vers. Et cette vaine beauté dont vous êtes si infatuées à présent s’effacera bientôt et se changera dans une affreuse laideur. Car les personnes du sexe qui ont été les plus belles dans leur jeunesse sont souvent les plus laides dans leur vieillesse. Dieu le permet ainsi pour les humilier et pour les punir de la vaine complaisance qu’elles ont prise dans leurs figures et leurs parures. " La beauté corporelle est vaine ", dit l’écriture, " une femme qui a la crainte de Dieu est digne de louanges ". Les qualités humaines et naturelles sont souvent la cause de la perte de celles qui les possèdent. Il vaudrait mieux avoir moins de brillant à l’extérieur, et plus de solide et plus de vertu dans l’intérieur, car c’est le cœur que Dieu regarde et qu’il demande. Toute la beauté d’une âme chrétienne consiste dans la pureté de ses affections et dans la pratique des vertus extérieures. Au lieu d’être si passionnées pour les habits, les ornements, les coiffures, les modes, et toutes les vanités du siècle, il vaudrait mieux acheter de bons livres. Les habits et les ajustements superflus sont la cause de mille péchés, tels que sont la vanité, la perte de temps, la vaine complaisance, l’attachement à soi-même et à son corps, les visites inutiles, les pensées frivoles, les désirs criminels, les affections déréglées dans le cœur, et l’aveuglement dans l’esprit.

Car une fille ainsi infatuée d’elle-même, de sa figure et des ajustements, perd de vue les vérités de la religion. Elle ne pense qu’à ses vanités ; elle est comme folle et insensée, incapable d’aucun bien solide et réel. À l’église même elle est toute occupée de ses habits et de ses ajustements ; elle y pense plus qu’à Dieu. Ajoutez à cela tous les péchés dont elle sera l’occasion en inspirant aux autres par son air et ses manières efféminées des mauvaises pensées, des mauvais désirs, en leur occasionnant des regards impurs. Qui peut compter le nombre des péchés dont elle est la cause ? On le verra au Jugement dernier. C’est alors que les filles mondaines seront humiliées autant qu’elles se seront exaltées par leurs parures et leurs vanités.

Voici comme parle le prophète Isaïe des malheurs que Dieu réserve aux filles mondaines pour les punir de leurs vanités : " Parce que les filles de Sion se sont élevées d’orgueil, qu’elles ont marché la tête levée en faisant des signes des yeux et des gestes des mains, qu’elles ont mesuré tous leurs pas et affecté des manières enjouées et efféminées, le Seigneur rendra chauve leur tête en les dépouillant de leurs cheveux, qui étaient l’objet de leur vanité. Au jour des vengeances le Seigneur leur ôtera leurs chaussures et leurs ornements, leurs pendants d’oreilles, leurs bagues, leurs pierreries, leurs colliers, leurs bracelets, leurs coiffures, leurs rubans, leurs parfums, leurs robes ; leurs vaines parures ; elles seront dépouillées de tous ces ornements mondains et elles seront réduites à une honteuse nudité. Leur parfum sera changé en puanteur et elles auront une corde à la place de leur ceinture et de leurs rubans ; et au lieu de ces vêtements superbes dont elles se paraient avec ostentation elles seront revêtues de sac et de cilice " (Is 3, 16-24). Et cette tête superbement parée sera changée en un crâne décharné et hideux ; au lieu de ces cheveux artistiquement arrangés, elles seront entourées de couleuvres et de serpents et rongées de vipères. Dans le portrait d’une fille damnée on lui voit deux serpents attachés à ses mamelles, qui dévorent son sein par de cruelles morsures, en punition des libertés criminelles qu’elle a prises ou permises sur elle pendant le temps de sa jeunesse. Filles mondaines, volages, molles et sensuelles, voilà ce qui vous est réservé dans les enfers si vous continuez à souffrir des baisers lascifs, des embrassements funestes à votre pudeur, des caresses meurtrières à vos âmes, des familiarités indécentes, dont vous ne vous faites qu’un jeu maintenant, et que vous ne regardez que comme des bagatelles et des amusements permis.

De cette vanité des filles naît l’envie de paraître, de se montrer dans le public, le désir de voir et d’être vues, de plaire et d’être aimées, qui est la cause de mille désordres. L’écriture nous apprend que Dina, la fille de Jacob, la fille d’un saint patriarche, voulut contenter sa curiosité en allant voir les femmes du pays, dans quelque fête sans doute, ou quelque réjouissance publique. Mais cette satisfaction lui coûta bien cher, car elle y perdit son honneur ; elle fut opprimée par violence. C’est à de pareils malheurs qu’aboutit enfin la vanité et les curiosités des filles qui veulent se montrer en public, au lieu que le propre des vierges est de demeurer dans la retraite, l’obscurité, et le silence : c’est le moyen de conserver sa pureté et son innocence, comme la dissipation, les visites, les bals, les festins, les danses sont un acheminement à sa ruine et à sa perte.

Quatrième tentation des filles : jalousie et envie

Enfin, la quatrième tentation ordinaire des filles est la jalousie et l’envie. C’est à qui sera la mieux parée, la plus chérie et la plus estimée, au lieu que l’humilité doit nous porter à aimer notre bassesse, notre abjection, le mépris et l’oubli du monde. Mais l’orgueil et la vanité des filles les portent à s’élever au-dessus des autres, à mépriser les autres. Si elles sont plus riches et plus superbement habillées, elles les jalousent. Si elles sont pauvres et plus simplement vêtues, elles les méprisent. Si on témoigne à quelqu’autre de l’estime et de l’amitié, si on lui donne quelque louange, quelque préférence, au lieu de s’en réjouir, comme la charité nous y engage, elles en conçoivent du dépit et de l’indignation, elles ont une joie maligne de voir les autres méprisées et humiliées.

La médisance est aussi un vice dominant parmi les filles et les femmes. C’est ordinairement l’envie et la jalousie qui en sont le principe, car on aime à censurer, à critiquer, à déprimer les personnes qu’on jalouse. On leur impute des fautes qu’elles n’ont pas faites, des sentiments et des mauvaises volontés, des mauvais desseins auxquels elles n’ont jamais pensé. On exagère leurs défauts, on conteste et on diminue leurs vertus et leurs bonnes qualités. Que de milliers de péchés les filles et les femmes ne commettent-elles pas par la langue ? Que de paroles déplacées, que de discours inutiles, que de rapports indiscrets, que d’interrogations curieuses, que de médisances dites ou entendues et non empêchées, que de jugements téméraires, que d’intrigues, que de disputes, que de conversations et d’entretiens dangereux et criminels.

Je conseille donc aux filles ce que j’ai conseillé aux femmes, de réprimer cette démangeaison de parler, de garder de temps en temps le silence pour penser à Dieu et à soi-même, de fuir la compagnie des personnes qui parlent beaucoup, surtout de celles qui parlent mal du prochain, et de s’entretenir avec Dieu, avec la sainte Vierge et les anges plutôt qu’avec les garçons ou avec des compagnes qui aiment à causer.

La curiosité est encore un grand défaut chez les filles. Elles veulent tout voir et tout entendre. Elles vont et viennent pour voir et être vues : curiosité très dangereuse et la source de mille affections mondaines ! Car en voyant ainsi le monde, qui n’est que vanité, on y amasse une foule d’idées qui s’impriment dans notre esprit et s’y renouvellent à chaque instant, qui tiennent la place des bonnes pensées et des bons sentiments qui devraient nous occuper ; elles nous jettent dans l’oubli de Dieu et de nous-mêmes. Ainsi, au lieu de rentrer en soi-même on sort continuellement de soi-même pour s’occuper vainement des autres ; on s’inquiète sur ce qui concerne les autres ; on veut voir et savoir ce qu’ils font, ce qu’ils disent, et on se néglige soi-même, on omet ses devoirs les plus essentiels. A l'église même, (...), elles s’amusent à voir celles qui sont les mieux parées, les plus richement habillées. Jugez si elles prient avec attention et dévotion !

Enfin, si malgré toutes les précautions qu’une fille sage peut prendre pour éviter toutes les mauvaises rencontres, elle se trouve cependant attaquée, insultée par quelques libertins, elle doit résister avec une force et un courage invincible. Elle doit crier : " C’est la loi de Dieu qui l’ordonne ainsi ". Ce n’est pas faire du scandale, mais c’est l’empêcher. Si toutes les filles le faisaient, les garçons ne seraient pas si audacieux. Enfin, une fille sage ne doit céder ni aux promesses, ni aux menaces, ni aux sollicitations, ni aux mauvais traitements, mais plutôt tout souffrir et mourir que de consentir au crime ni à rien de ce qui blesse la pureté. Si elle mourait ainsi, elle serait martyre de la chasteté. Elle doit dire, comme la chaste Suzanne : " J’aime mieux souffrir la mort que de pécher en présence de Dieu, que de perdre mon âme et ma chasteté ! " (Dn 13, 23).

Enfin, mes chères filles, voilà Jésus-Christ d’un côté qui vous tend les bras et qui vous appelle à lui, et de l’autre voilà le démon et le monde séducteur qui veut vous entraîner dans l’abîme. Voyez auquel des deux vous voulez appartenir : est-ce à Dieu ou au démon ? À qui voulez-vous donner votre jeunesse, la fleur de votre âge, ce temps précieux d’où dépend tout le reste de la vie ? Est-ce à Dieu ou au démon ? Voulez-vous donner les prémices de votre vie au démon et les restes à Dieu ? Quelle horreur de préférer le démon à Dieu, le monde à Jésus-Christ, des plaisirs d’un moment à la vie éternelle ! Car faites bien attention, mes chères filles, que celles d’entre vous qui voudront passer le temps de leur jeunesse dans les dangers, les bals, les divertissements et les plaisirs criminels, dans les liaisons et les familiarités avec les garçons, si elles ne se corrigent et si elles ne font pénitence, elles seront précipitées dans les enfers, comme le mauvais riche qui a voulu prendre les plaisirs et la félicité sur la terre ; et du fond de l’abîme où elles seront plongées elles lèveront comme lui les yeux au ciel, et elles y verront dans le sein de Dieu ces filles sages et vertueuses dont elles se moquaient lorsqu’elles vivaient avec elles sur la terre ; elles les verront au nombre des enfants de Dieu, revêtues de gloire et d’immortalité, et elles leur diront, comme le mauvais riche disait à Abraham : Chères compagnes, ayez pitié de nous, venez à notre secours, apportez-nous du moins une goutte d’eau pour rafraîchir nos langues, car nous sommes cruellement tourmentées dans ces flammes dévorantes. Alors les filles pieuses et dévotes leur répondront, comme Abraham au mauvais riche : Chères compagnes, souvenez-vous que lorsque nous étions encore dans le monde, et que nous vivions ensemble dans la même ville, dans le même village, dans la même paroisse, tandis que nous allions à l’église pour prier, visiter le Saint-Sacrement, pour réciter le chapelet, pour fréquenter les sacrements, vous alliez aux danses, aux bals ; tandis que nous restions en oraison, en méditation, dans la compagnie de Jésus et de Marie, des anges et des saints, vous lisiez des mauvais livres ; tandis que nous chantions des cantiques, vous chantiez des chansons déshonnêtes ; en un mot, tandis que nous faisions pénitence, vous preniez vos plaisirs. Il est donc juste maintenant que vous soyez dans les tourments et nous dans la joie. Il est juste que nous soyons dans le ciel et vous dans l’enfer.

 

SAINTES RÉSOLUTIONS EN FORME DE PRIÈRES,

pour les filles qui veulent se donner à Dieu

et renoncer aux vanités du monde

Je viens, mon Dieu, me prosterner aux pieds de votre Majesté, pour me donner tout à vous. Je vous offre mon cœur ; je vous le donne sans partage, je vous le consacre sans réserve avec toutes ses affections. Ne permettez pas qu’aucune créature le partage avec vous, possédez le vous seul, régnez seul dans mon cœur comme un Roi sur son trône. Je renonce à toutes les amitiés profanes, charnelles, et impures pour les personnes d’un autre sexe. Arrachez-en jusqu’à la dernière racine. Purifiez mon cœur du poison de ces meurtrières tendresses pour le remplir de votre grâce et de votre amour. Ôtez-en mes vices, faites-y régner vos vertus, surtout la chasteté, la pudeur, l’innocence, et la candeur, l’humilité, la modestie, la dévotion, et la ferveur. Je renonce à toutes paroles, à toutes chansons déshonnêtes. Je renonce aussi à toutes familiarités et liaisons avec les personnes d’un autre sexe. Je fuirai leur rencontre, leurs entretiens, et leurs conversations. Je serai, avec le secours de votre grâce que j’implore, chaste dans mes pensées, modérée dans mes désirs, pure dans mes sentiments, modeste dans mes regards, simple dans mes habits, réservée dans mes paroles, prudente dans mes démarches, réglée dans ma conduite.

J’éviterai les vains divertissements du monde, les bals, les danses, et les festins. Au lieu de suivre le torrent du mauvais exemple je tâcherai d’en préserver mes compagnes. Au lieu d’aller avec le monde insensé me livrer à ses fausses joies, j’irai dans les églises me prosterner aux pieds des autels, ou dans ma chambre aux pieds du crucifix, gémir sur les désordres qui se commettent dans les assemblées profanes et tumultueuses, où le mélange indécent des deux sexes occasionne tant de désordres. Je ferai tous mes efforts pour réparer tant de crimes qui s’y commettent, en offrant à Dieu la pureté, la sainteté de Jésus et de Marie, en satisfaction de tant d’impuretés, de saletés, d’horreurs, et d’abominations qui se commettent dans ces lieux de débauche où le démon triomphe, où les âmes se corrompent et se perdent. Je renonce aussi aux vaines parures, aux vanités du monde, comme je l’ai promis au baptême. Au lieu d’aimer à voir ce qui pourrait contenter ma curiosité, je détournerai mes regards des personnes et des objets qui pourraient être pour moi un sujet de scandale et une occasion de péché. Je fermerai mes oreilles à la médisance et à tous les discours déshonnêtes. J’aimerai la retraite et la solitude, je n’en sortirai que pour aller à l’église, au travail, et où mon devoir m’appellera. Je mortifierai mon corps par le jeûne et la pénitence pour me préserver des tentations de la chair. Je ne ferai rien par hypocrisie en vue de plaire aux hommes. Loin de vouloir être estimée de mon pasteur et de mon confesseur, j’en souffrirai patiemment le mépris. Au lieu de m’élever au-dessus des autres et de mes compagnes, je m’abaisserai au-dessous de toutes. Je ferai dans le ménage les ouvrages les plus vils, les plus abjects, et les plus difficiles. Loin d’envier et de jalouser les autres, je me réjouirai de leurs avantages et prendrai part à leurs peines. Au lieu d’acheter des habits superflus, j’achèterai de bons livres de piété. Et au lieu d’aller courir çà et là, causer, rire, et badiner, folâtrer, je m’occuperai à faire de saintes lectures et de pieuses méditations, et je mépriserai mon corps, qui n’est que cendre et poussière, et je donnerai tous mes soins pour sanctifier mon âme, qui est créée à l’image de Dieu et rachetée du Sang de Jésus-Christ. Si on profère devant moi quelques paroles déshonnêtes, je les empêcherai si je puis, du moins je les détesterai à cause de l’outrage qu’elles font à Dieu, et j’offrirai pour les réparer les paroles saintes et pures qui sont sorties de la bouche de Jésus et de Marie. Telles sont, ô mon Dieu, les résolutions que je prends aujourd’hui en votre présence. Bénissez-les, Seigneur, ratifiez-les, confirmez-les. Faites-moi la grâce de les exécuter fidèlement dans toutes les circonstances de ma vie jusqu’à l’heure de ma mort.

Vierge sainte, je me jette à vos pieds, que j’embrasse avec une humilité profonde et une tendresse filiale. J’ose vous prendre pour ma Mère, daignez me protéger comme votre enfant. Vous êtes le modèle de tous les chrétiens, surtout de notre sexe. Obtenez-moi la grâce d’imiter vos vertus, votre pureté, votre modestie, et votre humilité, votre charité et votre douceur. Je veux faire toutes mes actions pour la gloire de votre cher Fils Jésus-Christ, mon Dieu et mon Sauveur, dans les mêmes vues et les mêmes intentions que vous aviez en faisant les vôtres, pour lui plaire, pour son amour, pour sa gloire et pour la vôtre. Préservez-moi, Vierge sainte, des dangers auxquels les filles sont sujettes dans ce malheureux monde, où il y a tant de libertins, tant d’occasions de péché. Je mets ma chasteté en dépôt entre vos mains, conservez-la ; ne permettez pas que rien puisse ternir et altérer cette précieuse et aimable vertu. Obtenez-moi surtout de passer ma jeunesse dans la piété, l’innocence, sans tomber dans les pièges du démon, et d’éviter toutes les tentations et les écueils auxquels cet âge est sujet plus que tous les autres.

Troupe incomparable de vierges, dont la pureté surpasse la blancheur des lys, intercédez toute pour moi et pour toutes les personnes de mon sexe, afin que nous vous imitions sur la terre et que nous régnions avec vous dans le ciel.

Ainsi soit-il.